Il s'agit en quelque sorte du pendant dans le secteur public de l'observatoire de l'immatériel, dont nous vous avions déjà parlé dans nos colonnes. Bien entendu, les actifs immatériels dépassent de loin les seuls investissements logiciels, mais le numérique y tient malgré tout un rôle majeur. La manifestation du 24 juin à Bercy était ouverte aux professionnels des secteurs public et privé, enseignants, chercheurs et journalistes. Nous en avons donc profité pour en tirer quelques pistes et sujets de réflexion.
Conséquence des grèves nationales, notamment dans les transports, ce jour-là (nous étions le 24 juin), Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de la Prospective et du Développement de l'économie numérique auprès du Premier ministre, n'a pas pu assurer l'introduction de la manifestation, comme initialement prévu. C'est Fabrice Mattatia, conseiller technique à son cabinet, qui l'a remplacée et nous a indiqué que "La simplification des démarches était une priorité pour les usagers : 91% des français pensent que les démarches administratives sont trop lourdes et près de 93% pensent que leur simplification devrait être un objectif prioritaire pour le gouvernement". Et Eric Mattatia d'insister sur les avancées effectuées depuis 2007, en termes de nombre de télédéclarants ou de réduction du nombre de formulaires par exemple, pour conclure malgré tout sur la sous-utilisation d'internet par l'administration.
C'est pour cette raison qu'un groupe d'experts, formé il y a deux ans, a remis ses conclusions aux ministres en début d'année. Le groupe a fait 25 propositions, dont 10 étaient plus emblématiques que les autres. Parmi celles-ci, "État lab", plate-forme d'innovation de services permettant aux acteurs tiers de développer des services innovants à partir des données publiques. Cette mesure est en plein dans le champ de compétence de l'APIE.
Les données publiques au service de tous
Danielle Bourlange, directrice générale adjointe de l'APIE
"Ce volume extrêmement riche et diversifié d'informations est le reflet de la production intellectuelle des agents de l'État", souligne Danielle Bourlange, directrice générale adjointe de l'APIE, au cours du premier des deux débats de la matinée.
Si "ces données représentent le petit bout de la lorgnette", comme l'estime Henri Verdier, président de l'association Cap digital, dans la mesure où les volumes des données produites chaque jour sont absolument colossaux, on peut se poser la question de l'intérêt des données produites par l'État. "Ce sont souvent des données officielles", répond Danielle Bourlange. "Environnementales, sociales, juridiques, statistiques ou autres, leur richesse vient du fait qu'elles font référence : seuls les pouvoirs publics peuvent par exemple obliger les entreprises à déclarer leur chiffre d'affaires, les particuliers leurs revenus, toutes choses à l'origine des bases de données de l'INSEE. Dans un autre registre, seul l'État est habilité à produire des normes juridiques."
"L'enjeu majeur de la bataille du numérique ces quelques prochaines années est la création d'emplois non délocalisables, grâce à des données et à de la valeur ajoutée produites localement, voir ultra-localement", estime Bernard Benhamou, délégué aux usages de l'internet. Si l'Europe n'a pas réussi à être réellement présente sur le marché des services numériques à haute valeur ajoutée, la géolocalisation devrait lui donner une seconde chance.
Question de prix
"Les données de l'État ne constituent qu'une infrastructure de plus, qu'on pourrait appeler cognitive, comparable à l'infrastructure routière, par exemple,", estime Henri Verdier. Alors comment les usagers pourront-ils accéder à cette infrastructure ?"Le coût ne doit pas être une barrière à l'entrée", déclare Danielle Bourlange. "Le but est de faire du droit à la réutilisation des données, qui a été inscrit dans la loi, une réalité et de faire en sorte que ces données alimentent fortement la créativité et l'innovation à tous niveaux. De plus, la loi exclut toute exclusivité et là encore, il faut en faire une réalité pour que les PME comme les grandes entreprises puissent exploiter ce gisement."
"Aucun service de grande taille à valeur ajoutée sur l'internet n'a été créé par une grande entreprise. Ce sont toujours des PME", rappelle Bernard Benhamou. "L'un des volets de l'équation économique c'est de faire en sorte que ces données soient accessibles, utilisables par des petites structures et qu'elles permettent de créer rapidement des services à valeur ajoutée. Le prix ne doit donc pas être discriminant pour de nouveaux entrants, sans quoi on risque une glaciation autour des acteurs déjà dominants, qui ne sont pas européens, ce qui reviendrait à se tirer une balle dans le pied."
En conclusion, la question du prix est loin d'être tranchée, même si de nombreux grands principes, plus louables les uns que les autres, ont été avancés autour de cette table ronde.
Valoriser les marques
Le second débat de cette matinée portait sur la reconnaissance et la valorisation des marques et savoir-faire. S'il concernait sans doute moins le numérique que le premier, il est malgré tout intéressant de savoir que, par exemple, les Abu Dhabiens reversent annuellement à la France 400 millions d'euros pour la simple utilisation du mot "Louvre" (Abu Dhabi, capitale des Émirats Arabes Unis, construit en ce moment même un musée appelé "Louvre Abu Dhabi"). La prise de conscience de la valeur de notre patrimoine immatériel est en marche. Et c'est sans doute une excellente chose à l'heure de la mondialisation.
Benoît Herr