Un nouvel éditeur qui conçoit un logiciel et commence à le commercialiser ne s'intéresse habituellement qu'à son propre pays. Sa première préoccupation est de percer sur son territoire. La tentation d'exporter son produit ne vient en général que plus tard, lorsque qu'il a fait ses preuves et qu'il a déjà évolué. Mais un logiciel conçu dans une seule langue et pour un seul pays ne peut pas s'adapter facilement à d'autres environnements linguistiques si la réflexion n'a pas été menée en amont. « Quand la question de l'internationalisation d'un logiciel monolingue se pose, l'éditeur se débrouille comme il peut pour traduire », explique Amaury de Saint Martin, directeur commercial de l'agence de traduction WhP. Les auteurs du logiciel se retrouvent confrontés à de sérieuses remises en cause. En effet, il est difficile d'en produire des versions en deux ou plusieurs langues lorsque des séquences de texte sont dispersées dans tout le logiciel, voire codées « en dur ». C'est là qu'un prestataire comme WhP devient nécessaire. « Il nous est arrivé d'être alertés par une entreprise, mécontente de la traduction d'un logiciel. Nous avons contacté l'éditeur pour traiter la question de manière plus générale. »
Des méthodes et des outils adaptés aux impératifs de la localisation
Mais si un éditeur novice peut rencontrer ce genre d'obstacles, ce n'est pas le cas de sociétés plus aguerries ou du moins de celles qui ont étudié la question au préalable. D'autant plus que les environnements informatiques actuels, des plates-formes aux outils, prennent en compte la localisation. Mais pour bien maîtriser la future gestion des langues et des adaptations, il faut que, dès sa conception, le logiciel respecte certaines règles. En pratique, la liste des éléments à traduire et à adapter dans un progiciel est longue : en plus des modules de base du logiciel, il faut prendre en compte les composants annexes tels que les modules d'installation, de configuration, d'extension, les correctifs, l'aide en ligne, mais aussi divers documents tels que les manuels d'installation et d'utilisation, les documents juridiques, les documents marketing, les supports de formation...

Il existe de nombreux outils pour générer et gérer les versions multilingues des produits logiciels. La traduction assistée par ordinateur fait appel à des environnements de mémoire de traduction comme Trados, DéjàVu, SDL. D'autres outils servent à localiser les fichiers de ressources et à redimensionner les boîtes de dialogue en fonction de la longueur des textes traduits (Catalyst, RC Wintrans ou Passolo). La génération des aides en ligne fait intervenir des outils adaptés tels que Robohelp. Enfin, les vérificateurs orthographiques, grammaticaux, typographiques et les outils de cohérence terminologique contribuent à la qualité finale des textes.
Les mémoires de traduction s'appuient sur des bases de données qui stockent des segments de texte en plusieurs langues. Elles ont une pertinence dans un contexte précis : domaine d'activité, entreprise, projet. Tout nouveau texte du domaine considéré est découpé en segments qui sont comparés aux segments figurant déjà dans la base. Les critères de comparaison peuvent être variés et prendre en compte des analogies partielles.
L'exemple de WhP, prestataire de services de localisation
La localisation d'un progiciel et de tous les contenus associés doit être gérée comme un projet avec des objectifs de qualité, de délai, de suivi et de pérennité. Le marché de la traduction comprend beaucoup d'acteurs tels que les agences de traduction et les indépendants. Mais pour prendre en charge dans la durée des projets ambitieux, seules des sociétés expérimentées peuvent relever le défi. WhP est l'une d'entre elles. Plus qu'une simple agence de traduction, elle se positionne comme un prestataire de services de localisation.
Pour répondre à une demande, elle commence par une évaluation des besoins du client et la définition des processus de localisation. Elle affecte ensuite un chef de projet interne (ainsi qu'un chef de projet de secours) et constitue une équipe d'ingénieurs et traducteurs, la plupart étant des indépendants travaillant régulièrement avec la société. De son côté, le client choisit un interlocuteur principal pour le projet. Une interaction forte entre le client et WhP se maintient tout au long du projet. Celui-ci démarre par une période de formation de l'équipe de WhP. Le client fournit au prestataire les éléments linguistiques qu'il détient : glossaires, éléments de traduction existants...
La phase de traduction commence par l'extraction des éléments à traduire. À la traduction des textes s'ajoute l'adaptation de l'interface utilisateur, en particulier le redimensionnement de boîtes de dialogue. Les traducteurs et ingénieurs s'appuient sur des outils spécifiques pour gérer les traductions et adaptations. À la construction des versions traduites succède une phase de tests impliquant le client et éventuellement des personnes externes.
En s'appuyant sur des outils performants (mémoires de traduction, gestion de processus, traduction automatique), la majeure partie du travail effectué (jusqu'à 80%) est réutilisable automatiquement en cas d'évolution des produits à traduire. « Les actifs linguistiques (mémoires de traduction, glossaires) appartiennent aux clients, » note Amaury de Saint Martin. « Pour faciliter la réutilisation des mémoires de traduction, WhP s'appuie sur le format TMX, interopérable avec la quasi totalité des outils. Le client peut donc les récupérer à tout moment et les réutiliser avec l'outil de son choix. » Cette relation de confiance entre le prestataire et le client est même devenue un impératif dans les appels d'offre des grands comptes : ceux-ci veulent savoir où se trouvent les actifs linguistiques, même s'ils ne les utiliseront pas eux-mêmes.
Alors que de nombreuses sociétés ont fait le choix de l'externalisation des processus de traduction, les grands éditeurs possèdent de gros services internes de traduction. Il arrive à WhP d'intervenir pour eux afin d'écrêter les pics d'activité ou d'ajouter de nouvelles langues. Le chiffre d'affaire de WhP repose essentiellement sur 10 grands comptes. Parmi les éditeurs de logiciels, citons HR Access, Cartesis (aujourd'hui dans SAP BusinessObjects), IBM Cognos, des clients de SAP, Oracle. Mais elle a aussi pour clients des PME qui exportent. L'activité de WhP porte aussi sur autres domaines : multimédia, jeux vidéo, formation, eLearning.
L'innovation technologique pour absorber des volumes croissants
Parmi les outils disponibles, la traduction automatique (Systran, Reverso), longtemps considérée comme insuffisante, a fait de gros progrès et continue à en faire. Elle ne peut pas à elle seule fournir un niveau de qualité suffisant. « Pour des contenus répétitifs dans des domaines spécifiques, à condition de disposer de mémoires de traduction et de listes terminologiques importantes, elle peut donner une qualité acceptable, mais il faut que les résultats soient révisés par un spécialiste », explique Amaury de Saint Martin.
Mais la traduction automatique n'entre-t-elle pas en concurrence avec les professionnels de la traduction ? « Il y a peu de craintes à avoir », indique Amaury de Saint Martin. « Le volume des contenus créés par les entreprises est considérable : documents techniques, marketing, juridique, destinés à la formation, publiés dans un intranet ou sur le Web, logiciels et progiciels... Les traducteurs humains ne peuvent tout simplement pas tout absorber. »
Pour se différencier, la société innove en permanence : elle est soutenue dans ce but par Oséo. Membre actif des associations professionnelles du secteur, elle a noué des partenariats avec différents acteurs du domaine comme des éditeurs (Systran) ou des spécialistes de l'ingénierie documentaire (Assystem).
René Beretz