Dans un contexte de globalisation croissante des différents flux (d'informations, financiers, de marchandises), la complexité de la chaîne augmente et chaque maillon se spécialise. Parallèlement, la demande évolue à cause de la concurrence, de la concentration de la distribution et des nouvelles habitudes de consommation. Le nombre de références augmente, les produits sont mis plus vite sur le marché, mais vivent moins longtemps. La demande devient plus difficile à prévoir, à cause des incertitudes liées au changement climatique, au prix des matières premières, aux à-coups de la finance. Conçus et développés dans le contexte historique d'usines, de flux de marchandises et de stocks, les progiciels de SCM (Supply Chain Management) prennent maintenant en compte la problématique des points de vente. Lors de la conférence introductive du récent salon Progilog / Traçabilité, Dominique Dupuis, directrice de la recherche du CXP a dressé une cartographie des offres, en présentant les différentes couches : planification, exécution des processus, supervision et mesures.
La planification au c'ur de toutes les offres
La planification globale ou Global Planning Process intervient à tous les stades de la chaîne logistique : prévision des ventes, gestion des données, fonction centrale de planification, ordonnancement, relation avec les fournisseurs.
Le SRM (Supplier Relationship Management) ou gestion de la relation avec les fournisseurs est un domaine à part, parfois considéré comme extérieur au SCM. "C'est un peu le pendant du CRM côté fournisseurs", constate Dominique Dupuis. Il comprend le sourcing ou recherche de fournisseurs, le e-procurement (opérations d'achat jusqu'à la facturation, en particulier à l'aide de catalogues) et le décisionnel achats (reporting, analyse, pilotage, tableaux de bord).
Suite intégrée de logiciel de Demand & Supply Chain Planning n.SKEP de DynaSys
L'APS (Advanced Planning & Scheduling) et les solutions spécialisées pour les points de vente et l'ordonnancement effectuent l'essentiel de la planification. Les données de base sont généralement fournies par l'ERP : il faut les en extraire pour les importer dans les progiciels de SCM. Mais il faut enrichir ces données le plus souvent incomplètes, les maintenir et les mettre à jour. À cause de la multiplicité des ERP impliqués, du besoin d'informations techniques particulières et de règles de gestion, des offres structurées assurent cette fonction. La fonction centrale de planification est basée sur des modèles mathématiques et des algorithmes. Elle peut générer plusieurs scénarios.
Alors que les outils de planification existent depuis longtemps dans l'industrie, ils sont plus récents dans la distribution et les points de vente. À des déclinaisons de progiciels existants ont succédé des offres spécialisées couvrant ces besoins spécifiques : les références sont plus nombreuses, le comportement est plus erratique, les quantités sont plus petites, les processus sont différents. Ces solutions aident aussi à la conception des produits et des rayonnages dans les points de vente.
Les solutions ont beaucoup évolué : à la prévision par fonctions s'est ajoutée la collaboration, qui tient compte de différents types de prévisions : statistiques, promotions, commerciales. Ce qu'on appelle le S&OP (Sales and Operation Planning) est une démarche portée par l'entreprise au niveau du plan stratégique, des moyens et des conditions de mise à disposition de l'offre produits/services. Ces solutions d'aide à la décision proposent plusieurs scénarios avec leurs coûts et leurs revenus attendus. Mais elles ne sont pleinement efficaces que si elles prennent en compte les autres aspects de l'entreprise, en particulier les aspects humains. Si les premières solutions étaient peu ergonomiques, les progiciels actuels sont plus conviviaux contribuent fortement à faciliter le travail de l'utilisateur.
Contrôler l'exécution pour s'assurer du bon déroulement des processus
"Bien que des solutions existent depuis longtemps, c'est la partie la plus difficile à intégrer", explique Dominique Dupuis. En effet, il existe des progiciels dédiés à chaque domaine : ateliers de fabrication, laboratoires, entrepôts (WMS), transport (TMS). Pour gérer efficacement des scénarios d'exécution complets, il faut gérer les flux de marchandises : les différents progiciels doivent donc échanger des données entre eux, mais aussi avec l'ERP, qui gère les référentiels et les transactions : ordres, commandes... Le schéma classique est l'envoi par l'ERP d'un ordre à l'un de ces progiciels, qui effectue l'opération et envoie en retour un compte rendu d'exécution.
À ce niveau, le maître mot est l'optimisation. Une gestion efficace ne peut se contenter d'un scénario unique. Comme les ERP n'intègrent en général qu'une seule règle de fonctionnement, des progiciels spécialisés s'imposent pour gérer toute la variété des situations, comme pour réagir, par exemple, s'il ne reste plus assez de stock dans l'entrepôt habituel ou s'il est préférable de se faire livrer directement par le fournisseur en cas de volume important. L'optimisation des approvisionnements implique des algorithmes sophistiqués pour tenir des prévisions de ventes à court terme et déterminer les besoins de réapprovisionnement qui en découlent. Un calcul dynamique des paramètres permet d'optimiser le remplissage des camions et de faire baisser les tarifs si les quantités sont importantes. Quant au réapprovisionnement des points de vente, il utilise la notion de "stock cible", correspondant à ce que le magasin espère vendre sur une période donnée.
Du côté des transports, une optimisation des achats s'impose à cause de la complexité des tarifs. Des progiciels de TMS (Transportation Management System) effectuent la planification, le choix et l'optimisation des transports. Les solutions les plus récentes prennent en charge des achats avec négociations et s'appuient sur des règles globales comportant une analyse financière.
Exemple de portail logistique présenté par Dominique Dupuis
L'exécution des processus suppose une vision transversale. Par exemple, dans des opérations d'approvisionnement comportant de nombreux partenaires, les informations transitent entre les différents systèmes par des moyens variés selon la maturité techniques des partenaires. La traçabilité logistique et événementielle s'appuie sur des événements, des envois d'informations et des alertes, impliquant également de nombreux acteurs. La traçabilité des produits est devenue un enjeu majeur, aussi bien au niveau de la Supply Chain que de la gestion des marques. La capture des données pertinentes est donc un impératif à tous les niveaux. Elle se fait pour chaque fonction. Des progiciels de traçabilité assurent la centralisation de toutes les données. Les données de traçabilité sont également fondamentales pour le traitement des dossiers de rappel de marchandises suspectes.
Supervision et mesure pour piloter la chaîne logistique
Les outils de supervision et de mesure constituent l'aspect décisionnel du SCM. Les fonctions de pilotage comprennent plusieurs facettes destinées à bien gérer les futures opérations. L'intelligence des données consiste à donner un sens à des données issues de l'expérience passée. Dans une boucle décisionnelle simple, il s'agit d'identifier une situation nécessitant une prise de décision, par exemple alerter à partir d'un incident logistique, avec différents niveaux d'alerte, ou proposer des alternatives, comme remplacer un transporteur indisponible. Dans une boucle décisionnelle complexe, des scénarios de simulation aident à la prise de décision grâce à des comparaisons de résultats.
L'avenir sera écologique et équitable
Le développement durable et l'aspect environnemental prennent une place croissante dans l'économie. Le secteur logistique est très concerné par ces questions et travaille à améliorer son efficacité énergétique. Ces contraintes impliquent de standardiser, contrôler et rendre compte : par exemple, les progiciels de transport commencent à prendre en compte l'empreinte carbone. Une restructuration importante des processus se dessine : redéfinition et simplification du flux logistique, mutualisation, rationalisation. Enfin, par une transformation radicale, les chaînes linéaires deviendront des chaînes circulaires. Les progiciels devront évoluer en conséquence.
René Beretz