Face au succès planétaire de Facebook, qui compte 500 millions d'utilisateurs actifs (c'est-à-dire se connectant au moins une fois par mois) dont 20 millions en France pour 690 milliards de pages vues par mois et... 16 milliards de minutes consacrées quotidiennement à le visiter, soit l'équivalent de 11 millions de jours ou plus de 30 000 années, Linkedin aligne aussi déjà 70 millions d'utilisateurs, Viadéo 30 millions et Yammer 1 million.
Au-delà des réseaux sociaux grand public et professionnels, l'objectif d'un réseau social d'entreprise (RSE) est de mettre en relation des personnes et des organisations afin d'améliorer la productivité, d'optimiser les échanges et de faciliter les relations au sein d'une communauté. Il sert de support à l'entreprise étendue, impliquant filiales, partenaires, clients et fournisseurs et, dans un contexte B2C, permet au particulier d'échanger avec son fournisseur. Il peut aussi générer du lead commercial. En bref, toute organisation ayant à gérer une communauté est potentiellement concernée par la mise en place et l'utilisation d'un RSE.
Facebook inadapté
Facebook, réseau social grand public, n'a pas vocation à être utilisé de manière sécurisée et fiable par des entreprises pour atteindre les objectifs décrits ci-dessus. Sans même parler de la menace qu'il représente pour la productivité des salariés, la raison majeure en est bien sûr que les données n'appartiennent pas à l'utilisateur mais au propriétaire de Facebook. Celui-ci étant maître chez lui, il peut du jour au lendemain décider de modifier l'application, voire de vous en supprimer l'accès. Que sait-on d'ailleurs des intentions de Mark Zuckerberg et de ses collaborateurs, à qui appartiennent l'application mais aussi les données que tout un chacun consent librement à leur confier ? Qu'ils veulent se lancer dans la téléphonie ? Dans l'e-mailing ? Sans doute, et ensuite ? D'aucuns considèrent déjà Facebook comme une sorte d'Internet parallèle, prêt à phagocyter une bonne partie du trafic.
C'est pour cela qu'ont émergé les applications de réseaux sociaux d'entreprise (RSE). Les solutions et leurs éditeurs associés sont déjà légion. Au delà des grands éditeurs, comme Microsoft avec Sharepoint et IBM avec Lotus Connections, de nombreuses start-up, comme BlueKiwi ou Socialtext se sont lancées dans l'aventure. "Le réseau social sera le levier numérique majeur des 5 ans à venir", affirme Alain Garnier, le fondateur de Jamespot, une autre de ces start-up, qui présente la particularité d'être française. D'autres éditeurs, comme Jive ou Telligent, font quant à eux partie des pure players de ce marché. Enfin, le monde Open Source n'est pas en reste, loin s'en faut, et a également donné naissance à son lot de RSE, dont BuddyPress, Pligg, Social Office ou Elgg, pour n'en citer que quelques uns.
Des réseaux connectés
Pour atteindre les objectifs évoqués ci-dessus, le RSE ne peut rester isolé et doit entrer en relation avec d'autres systèmes pour y récupérer de l'information. Typiquement, coupler le système de gestion et le réseau social privatif d'une entreprise devrait fluidifier les échanges qui ont lieu au cours d'un process comme le traitement d'une commande : certaines informations, comme le plafond de crédit ou le détail de la commande, se trouvent dans l'ERP et uniquement là. Si l'on en croit les aficionados des RSE, le système serait plus efficace que l'e-mail ou les logiciels de travail collaboratif classiques. Tous les process métier peuvent être concernés, depuis la finance (consolidation, budgets, reporting...) jusqu'à la production (qualité, plan de production) en passant par le commerce, la distribution etc. Plus riche fonctionnellement que l'e-mail, un RSE permet de poster des images et des fichiers accessibles à tous les membres (ou une partie en fonction de la gestion des sécurités en place), de faire du micro-blogging, d'accéder à une base de connaissances et bien sûr d'envoyer des messages individuels ou collectifs.
Seulement voilà : pour que ce scénario idyllique puisse voir le jour, il faut "ouvrir" son SI et sa base de données au RSE. Pour gérer la commande et la facture qui en découle, comme évoqué ci-dessus, il va bien falloir puiser les informations dans la base de données de l'ERP et les mettre à disposition sur le RSE. Même si les sécurités sont bien gérées, même si un RSE n'est pas comme Facebook, ouvert à tout vent mais accessible uniquement à l'entreprise et à ses partenaires, même si ces informations restent en lecture seule, c'est la porte grande ouverte à tous les pirates et autres individus mal intentionnés. On se souvient des récents avatars qu'a connus l'industrie nucléaire iranienne, dont les outils de production ont été purement et simplement paralysés du fait de l'introduction d'un virus. Cela n'aurait pas pu arriver si leur MES était resté, comme l'étaient traditionnellement tous les MES jusqu'ici, isolé et autonome.
Mais l'heure est à l'ouverture des SI : Salesforce vient de lancer database.com, la première base de données d'entreprise entièrement conçue pour le cloud, et les éditeurs de RSE proposent d'ores et déjà de nombreux connecteurs à des applications tierces : ainsi, Telligent propose des connecteurs à des applications LDAP, CMS, mais aussi au CRM de l'entreprise. Quant à Jamespot, il fournit déjà des connecteurs à Doodle, à l'incontournable Facebook, voire à Google Maps ou à une liste de documents Google. Mais surtout, dès début 2011, il devrait aussi proposer des connecteurs aux principaux ERP, dont SAP et Peoplesoft.
La pression conjointe des utilisateurs de réseaux sociaux, des éditeurs et du marché est telle que l'entreprise n'échappera pas à la question du principe de leur adoption. Elles devront alors se demander si et en quoi cette application peut leur est utile et profitable. Dans l'affirmative, la question suivante sera immanquablement : "faut-il ouvrir mes SI à cette application, avec tous les risques mais aussi les avantages potentiels que cela comporte, et si c'est le cas, dans quelle mesure ?"
Benoît Herr