Le Panorama Consulting Group (PCG) est un cabinet de consulting basé à Denver, Colorado, spécialisé dans le choix et la mise en place d'ERP, toutes solutions confondues. Sa position de neutralité relative l'autorise à émettre des avis a priori objectifs, au travers notamment de sa large enquête annuelle sur les installations d'ERP, qui vient d'être publiée (cf. 2010 ERP Report du Panorama Consulting Group pour lire notre article de l'année dernière). Pour se donner les moyens d'analyser un plus nombre de données relatives à chacune des installations d'ERP analysées, le PCG s'est limité cette année à un échantillon de 185 entreprises, issues de 57 pays (contre 1600 dans les éditions précédentes de l'enquête). Il s'agit par contre d'entreprises ayant terminé leur projet ERP en 2010 (et non dans les quatre ans qui précèdent l'étude, comme c'était le cas auparavant). Le périmètre de l'étude est donc sensiblement différent et certains chiffres sont à prendre avec prudence. Les répondants ont installé des ERP variés et tous les secteurs d'activité sont représentés (industrie, services, transports, communications, administration, bâtiment...). La répartition géographique de l'échantillon est plus ou moins la même que les années précédentes, avec une surreprésentation de l'Amérique du Nord. Néanmoins, les conclusions de cette enquête demeurent assez transposables à l'Europe et à la France.

Nous vous en communiquions déjà un certain nombre en avant-première il y a quelques semaines, dans notre article Premiers éléments de résultats de l'enquête annuelle du Panorama Consulting Group sur les ERP

Succès du SaaS et du mode hébergé

Ces dernières années, un nombre croissant d'entreprises a adopté l'ERP en mode SaaS et, en 2010, ce sont 17% d'entre elles (déclaration des répondants) qui utilisent le SaaS (à mettre en perspective avec les 6% de l'étude de 2009). Bien entendu, cette adoption répond au développement des offres SaaS par les éditeurs et le favorise, que ce soit en SaaS pur ou en mode hébergé. Près d'un quart (24%) des répondants utilisent un ERP traditionnel en mode hébergé.

Des indicateurs récurrents au vert

La bonne nouvelle de ce rapport, c'est que les indicateurs récurrents de l'étude du PCG sont tous au vert : coûts moyens des projets, durée des projets, délais pour trouver un ROI et ratio entre coût du projet et chiffre d'affaires se sont tous améliorés (cf. figure). Mais ce n'est qu'un artefact, car les budgets globaux sont en baisse. Les clients négocient aussi plus, évitent d'acquérir des modules dont ils n'ont pas besoin. Les restrictions budgétaires poussent les entreprises à plus de prudence, comme le montre l'évolution du ratio entre coût du projet et chiffre d'affaires.

Les indicateurs récurrents du PCG (Cliquez sur la figure pour l'agrandir)

La moins bonne nouvelle, c'est que si les durées et les coûts diminuent, les ratios explosent quand on les compare aux attentes initiales des entreprises : l'enquête révèle un accroissement très significatif du pourcentage de dépassements de délais (61,1%) et de budgets (74,1%) en 2010 par rapport à 2009 (cf. figure). Cette évolution amène le PCG à la conclusion que les prévisions réalisées par les entreprises sont de moins en moins réalistes. "Malheureusement, les directions générales sous-estiment le coût de la mise en ?uvre d'un ERP et ne réalisent pas que ces projets s'étalent souvent sur plusieurs années et impliquent des efforts colossaux et des changements majeurs à l'échelle de toute l'entreprise", explique le rapport.

Résultat comparé aux attentes initiales (Cliquez sur la figure pour l'agrandir)

"L'évolution la plus surprenante des indicateurs entre 2009 et 2010 est peut-être l'amélioration du ratio des bénéfices obtenus", s'étonne le PCG. Alors qu'en 2009, plus des deux tiers (67%) des entreprises interrogées indiquaient avoir enregistré 50% ou moins des bénéfices escomptés, elles sont un peu moins de la moitié (48%) en 2010. Mais en 2009 le chiffre le plus alarmant était celui de 55% des entreprises qui déclaraient n'avoir retiré que 30% ou moins des bénéfices qu'elles attendaient de leur ERP. En 2010, les entreprises dans ce cas ne sont plus qu'une sur cinq (21% exactement). En outre, les chiffres de 2010 montrent un accroissement du nombre des entreprises (42%) ayant retiré entre 51% et 100% des bénéfices qu'elles attendaient, contre 33% en 2009.

Et le PCG de conclure : "L'étude préalable est fondamentale dans tout projet ERP. L'amélioration de ces ratios de réalisation de bénéfices peut être attribuée au moins en partie à la plus large utilisation faite des études préalables. En 2009, 15% des entreprises n'en avaient pas fait dans le cadre de leur projet ERP. En 2010, elles ne sont plus que 3%".

Côté éditeurs, quelques surprises tout de même

Le top-ten des éditeurs short-listés (Cliquez sur la figure pour l'agrandir)

Les éditeurs et les outils cités sont ceux mis en ?uvre par les répondants à l'étude. Cette liste n'est donc que le reflet de l'étude et en aucun cas celui du marché international, a fortiorifrançais. Néanmoins, il est intéressant de constater que la solution Open Source OpenBravo fait son apparition en bas du top-ten des éditeurs les plus souvent short-listés. Le tableau montre aussi qu'aucun éditeur n'occupe de position vraiment dominante sur le marché, même si SAP, Oracle (avec eBusiness Suite, JD Edwards et PeopleSoft) et Microsoft s'arrogent la part du lion, tout comme en 2009.

Le top-ten des éditeurs effectivement retenus (Cliquez sur la figure pour l'agrandir)

Le tableau des solutions le plus souvent retenues est également intéressant. OpenBravo n'y figure plus, signe sans doute d'une certaine réticence toujours présente par rapport aux solutions Open Source. On y voit aussi qu'Oracle est, avec 22%, et bien que moins souvent short-listé, plus souvent retenu que SAP (19%). Notez qu'il n'y a pas de correspondance avec la liste d'éditeurs du tableau précédent ; d'autres acteurs y font leur apparition.

Des développements spécifiques toujours indispensables

La question du nombre des développements spécifiques à réaliser autour d'un ERP est toujours épineuse. Elle conditionne souvent le succès ou l'échec d'un projet. Si un certain niveau de personnalisation est de nature à améliorer les bénéfices que l'on retire de son progiciel, trop de spécifique peut se traduire par une augmentation exponentielle des coûts sans forcément que l'entreprise retrouve des bénéfices en face.

(Cliquez sur la figure pour l'agrandir)

L'étude du PCG révèle que seuls 15% des entreprises installent leur ERP sans aucune adaptation (contre 28,3% en 2009). La tendance est cependant au conservatisme : la majorité des entreprises interrogées font des adaptations mineures ou légères (respectivement 37% et 33% - cf. figure). Le PCG remarque que "si les entreprises ont dans l'ensemble tendance à dépenser moins dans leur ERP, elles ne font pas l'impasse sur la personnalisation. Alors même que les développements spécifiques ont toujours représenté l'une des principales raisons des dépassements de délais et de budget des projets ERP, la préférence ne va toujours pas aux installations standard".

Le rapport arrive à la conclusion que, malgré les restrictions budgétaires, le raccourcissement des délais et un contrôle plus serré des projets ERP en 2010, les bénéfices retirés de ces installations sont plus importants et le ROI enregistré plus rapidement qu'en 2009. L'un des facteurs ayant contribué à ces améliorations est, selon le PCG, la volonté de personnaliser son ERP : il y a eu plus de développements spécifiques en 2010 qu'en 2009, ce qui semble indiquer que de plus en plus d'entreprises découvrent que leurs progiciels ont besoin de personnalisation pour répondre à leurs besoins. Mais trop de développements spécifiques et des budgets et des délais en baisse peuvent constituer un cocktail explosif et faire voler en éclat toutes les attentes d'une entreprise en la matière. Près des deux tiers des répondants ont, en 2010 encore, déclaré des dépassements de délais et près des trois quarts des dépassements de budget. Comparativement à 2009, l'accroissement de ce ratio est étonnant et signe les effets néfastes d'un décalage entre réalité et attentes disproportionnées. En d'autres termes, il n'y a pas de mauvais ERP, uniquement des ERP mal utilisés.

Benoît Herr