Alstom Transport fabrique des trains, tramways et métros. Même si les commandes portent sur des quantités importantes, la chaîne de fabrication n'est pas nécessairement stable car les clients changent souvent d'avis en cours de fabrication. L'impact des modifications sur les fournisseurs peut être très important. Le réseau d'unités de production concernées comprend une dizaine d'usines dont des sites de fabrication de composants (moteurs, boggies...) et des sites d'assemblage ainsi que 150 à 200 fournisseurs externes de premier rang.
Tous les acteurs de l'industrie ferroviaire travaillent actuellement dans ce domaine. Ils s'inspirent des résultats déjà obtenus depuis plusieurs années dans l'industrie automobile. En particulier, Bombardier, le grand concurrent d'Alstom, a déjà démarré un projet d'amélioration de son réseau d'approvisionnement.
Pour améliorer les performances de sa chaîne logistique, Alstom Transport a identifié trois grands axes : une réduction massive des stocks, une amélioration des relations avec les fournisseurs et une diminution des coûts totaux de la logistique. Le projet ASCOT (Alstom Suppliers Collaborative Teamwork) a été lancé dans ce but. C'est devenu au fil du temps un vrai projet d'entreprise.
Dirigé par Pierre-Henri Paulet, Directeur de la supply chain chez Alstom Transport, le projet s'est fixé quatre objectifs. Tout d'abord, il fallait remettre à plat toute l'organisation. Il était également nécessaire d'améliorer les performances des fournisseurs. Un autre objectif était d'introduire de la standardisation dans le fonctionnement des différents sites, souvent issus d'acquisitions et ayant donc chacun leurs propres habitudes. Enfin, une meilleure intégration avec l'ERP SAP était indispensable.
Des critères précis pour le choix de la solution
Alstom Transport disposait déjà d'une solution interne de relation avec ses fournisseurs. Mais elle était mal intégrée avec l'ERP et son ergonomie était médiocre. En outre, il fallait améliorer la gestion intrinsèquement multi-site de l'entreprise. Dans le cadre du projet, cette solution s'est donc trouvée en concurrence avec de nouvelles solutions. Les critères les plus importants du choix étaient la robustesse et l'ergonomie. Une solution du marché a été écartée à cause d'une ergonomie insuffisante.
La solution retenue a été SNC (Supplier Network Collaboration) de SAP. Il s'agit d'un module faisant partie de l'offre supply chain de SAP : c'est une plate-forme collaborative développée au-dessus de Netweaver. Pour mieux cerner ses besoins et mesurer les gains possibles, Alstom Transport s'est appuyé sur le benchmark "SAP Value Engineering", ce qui l'a aidé à élaborer son "business case". "Cela nous a été très utile pour présenter en interne tout l'intérêt de la solution", explique Pierre-Henri Paulet.
Les caractéristiques de la solution développée avec SNC
SNC de SAP se distingue par sa simplicité d'utilisation : les fonctions principales sont directement accessibles dans la barre d'outils de l'écran d'accueil et un simple clic permet d'afficher le détail des fonctions choisies. L'utilisateur peut personnaliser ses écrans en fonction de ses besoins.
Cockpit d'alertes par processus pour un accès rapide aux exceptions dans SAP SNC
Le moniteur des alertes fournit des outils pour définir, à partir des processus, les événements qui vont déclencher des alertes pour le fournisseur ou un autre acteur de la chaîne. Il donne accès au résumé de toutes les informations et permet de se concentrer sur les alertes. L'utilisateur peut le paramétrer et l'écran mémorise les sélections pertinentes.
Au premier niveau, le processus du programme des livraisons en cours donne accès à la vue synthétique puis, via des boutons, à une vue détaillée. L'utilisateur peut créer des livraisons, exporter des formulaires et des listes vers Excel, où il peut les reformater pour les intégrer dans un autre outil. SNC propose une liste d'actions qui guident l'opérateur. Il est possible de définir ses propres listes. SNC génère des avis de livraison pré-remplis grâce aux informations de commande provenant de l'ERP, ce qui limite les saisies manuelles. Une vérification des informations saisies est effectuée.
Une mise en œuvre progressive
La démarche s'est appuyée sur deux formes d'approche. Une approche top-down a permis de mettre en place une solution standardisée, répondant à un besoin partagé par tous les acteurs. En effet, chaque site a ses habitudes et ses méthodes et les fournisseurs sont obligés de travailler différemment d'un site à l'autre. Avec des règles communes à tous les sites, les fournisseurs gagnent en efficacité. Mais une approche bottom-up a également été appliquée pour impliquer les utilisateurs afin qu'ils s'approprient la nouvelle solution, la critiquent et contribuent à l'améliorer.
Le projet s'est déroulé de manière progressive à partir de sites pilotes et de fournisseurs choisis pour leur maturité et leur engagement. Le périmètre initial était volontairement limité à des sites pilotes très engagés (Valenciennes, Tarbes) et 9 fournisseurs. La mise en œuvre s'est déroulée par vagues successives. La version initiale de la solution, composée d'un minimum de fonctions, a été déployée sur les premiers sites pilotes en novembre 2010, 3 mois seulement après le début du projet. Ces premières fonctions ont été testées sur le terrain, mises au point, améliorées puis étendues. Une deuxième version de la solution avec des compléments et des ajustements tenant compte du retour d'expérience était opérationnelle fin février 2011. La généralisation à tous les sites et fournisseurs est en cours. Le déploiement se poursuivra jusqu'à la fin 2011 avec les 100 fournisseurs majeurs d'Alstom Transport et 8 autres sites Alstom.
Des efforts importants pour des résultats tangibles
Le projet ASCOT comporte un très gros volet de gestion du changement. L'amélioration des performances de la chaîne logistique était le premier objectif, en particulier les performances des livraisons. Le niveau trop élevé des stocks était un facteur de coût important : il correspondait à environ 5 semaines de couverture. Il a été réduit à moins de 2 semaines. Ce défi, lancé dès le début du projet, a soulevé beaucoup de scepticisme. "Personne ne pensait que c'était possible", note Pierre-Henri Paulet. Le fait d'avoir atteint rapidement cet objectif a donné une grande confiance dans le projet.
La qualité des échanges entre Alstom Transport et ses fournisseurs est l'autre aspect essentiel du projet ASCOT. Le manque de formalisation et l'approximation des échanges nuisaient beaucoup à la qualité des livraisons. Le manque de charte logistique, l'ancienneté des documents contractuels gênaient la maîtrise des échanges. Le travail entrepris dans ce domaine a généré des gains importants. En outre, l'absence de mesures de performance empêchait toute évaluation. Grâce à sa fonction d'historique qui permet la traçabilité, SNC a apporté une solution à ce problème.
La formation des fournisseurs a représenté un gros investissement : les premières formations ont duré de 7 à 9 jours par fournisseur. Les méthodes et les outils se sont rodés au fil du temps et il ne faudra bientôt plus qu'une journée pour former un nouveau fournisseur, en particulier grâce à des solutions d'e-learning.
La mise en œuvre a commencé par la définition des processus cibles avec une vision commune à l'ensemble des sites pour éviter les spécificités locales. La rapidité de réalisation d'un pilote pour le cœur du métier a été une force d'entraînement essentielle. Sa mise en œuvre en 3 mois a constitué un défi pour tous mais l'engagement de tous les acteurs du projet a permis sa réussite. La prise en compte immédiate du retour d'expérience des sites pilotes a permis de régler rapidement de nombreux problèmes. "L'engagement total, très fort, de tous les acteurs a permis de franchir très vite tous les obstacles, dès qu'ils se présentaient", note Sandrine Stym Popper, de Cap Gemini, intégrateur du projet. Un autre facteur de réussite réside dans l'utilisation de fonctionnalités standard de la solution SNC, fournissant 80 % de la couverture des besoins.
René Beretz