Le géant allemand est aujourd'hui confronté à un dilemme cornélien et doit jongler entre la satisfaction des intérêts d'actionnaires toujours plus avides et celle de ses clients. L'équilibre se révèle difficile à trouver et les grincements de dents se font de plus en plus nombreux dans le rang des utilisateurs, comme en atteste le récent témoignage de Véronique Durand-Charlot, DSI du groupe GDF-Suez lors du "printemps de l'USF", en mars dernier (cf. Un printemps sous le signe de la collaboration et des métiers pour l'USF). Les spécialistes indépendants comme Michael Doane, font le même constat : SAP est pris dans une fuite en avant, motivée par son objectif de doublement de son chiffre d'affaires en 5 ans et la pression de ses actionnaires, ce qui ne sert pas forcément les intérêts de ses utilisateurs (cf. La réussite d'une installation SAP repose sur l'implication des utilisateurs dans la durée.
Des résultats très bons
Les chiffres annoncés par l'éditeur sont pourtant de nature à faire bien des envieux dans la profession. "Nous sommes heureux d'annoncer une croissance à deux chiffres de notre chiffre d'affaires en logiciels et éléments associés, pour le cinquième trimestre consécutif", annonçait en introduction Werner Brandt, CFO de SAP. De fait, avec 583 M€ de chiffre d'affaires pour le premier trimestre pour les seules ventes de licences, les résultats au niveau monde sont bons, solides et en ligne avec les plans semestriels et annuels. Ils sont en hausse de 26 % là aussi par rapport au trimestre correspondant de 2010, qui avait lui-même connu 11 % de croissance. Ce résultat est largement imputable à l'acquisition de Sybase, mais le chiffre d'affaires du support et des services, avec 2 327 M€, est lui aussi en forte hausse, de 20 %. Les Amériques et l'Asie-Pacifique entrent pour une large part dans ce résultat. L'Europe, quant à elle, reste en retrait et doit se contenter de 13 %, ce qui, là encore est de nature à faire bien des envieux. À 25,6 % (en non-IFRS), la marge opérationnelle s'est accrue de 1 %. "C'est en ligne avec notre objectif annuel, qui est d'augmenter cette marge opérationnelle de l'ordre de 0,5 à 1 %", souligne Nicolas Sekkaki, directeur général de SAP France et Maghreb. "L'accueil par la bourse est d'une part lié aux attentes des analystes, qui anticipaient des chiffres encore supérieurs, et d'autre part à une augmentation de nos coûts. Mais ces derniers sont en ligne avec notre stratégie d'innovation et d'apport de valeur ajoutée à nos clients. Les dépenses de recherche et développement ont augmenté de 27 %. C'est un bon signe pour une entreprise innovante. Ensuite, il faut porter cette innovation sur le terrain et nous investissons aussi dans nos forces commerciales : la partie "cost of sales" a augmenté de 20 %"
L'innovation toujours
Outre le lancement officiel de BI 4.0, "le volant d'affaires autour des technologies HANA et in-memory est extrêmement conséquent, avec plusieurs centaines de millions d'euros de business potentiel, qui seront concrétisés en partie cette année, le reste en 2012", note Nicolas Sekkaki. "Il en va de même de la mobilité, grâce au rachat de Sybase. L'offre est en phase avec les besoins des clients qui, au-delà du 'device' se posent les questions du 'comment' et du 'où' déployer les applicatifs. En mai, nous allons annoncer plus de 40 applications de mobilité portées par HP". La même chose devrait se produire sur HANA avec, d'ici à la fin de l'année, l'annonce de nombreuses applications in-memory.
"Le rythme auquel nous apportons cette innovation est également plus soutenu, puisque nos cycles de développement sont aujourd'hui passés de 18 à 24 mois à quelque 9 mois. C'est ce que nous avions promis au marché : être innovants, plus rapides, plus agiles par rapport à nos concurrents. Nous allons surprendre le marché lors de SAPPhire (du 15 au 18 mai à Orlando. NdlR) en annonçant un SAPStore et bien d'autres choses. En résumé, nous avons une stratégie, avec un objectif de croissance de 10 à 14 % sur l'année et sa validité se confirme trimestre après trimestre".
Le point sur Business ByDesign
Au niveau mondial, SAP avait doublé le nombre de ses clients Business ByDesign au troisième trimestre 2010 pour le porter à 200. Si ce nombre restait faible, avec 400 clients, il a encore doublé au premier trimestre 2011. "Nous annonçons que nous allons faire au moins 1000 clients Business ByDesign en 2011 : c'est en train de prendre à une vitesse phénoménale. Nous allons continuer à le commercialiser et à le développer, avec là aussi des cycles de développement très courts, entre 3 et 6 mois, pour fournir la version 3 et élargir le nombre des pays où ce produit est disponible", ajoute Nicolas Sekkaki. En France, la filiale a signé 16 nouveaux clients pendant le trimestre ; elle en comptait 18 auparavant, ce qui porte à 34 le nombre total de ses clients Business ByDesign ; pour la plupart des nouveaux clients ERP.
Et la France ?
Nicolas Sekkaki se déclare particulièrement satisfait de ses résultats et au rendez-vous de ses objectifs sur la France. L'hexagone a connu son troisième trimestre de croissance consécutif dans le logiciel, avec +15 % hors Sybase (il serait plutôt à +30 à 40 % si l'on tenait compte de Sybase). C'est plus que la moyenne européenne. "Cela démontre que la filiale française commence à faire ce qu'elle doit faire, c'est-à-dire de la croissance trimestre après trimestre. Le chemin est encore long, mais le potentiel est là et nous commençons à exécuter correctement notre 'roadmap'", commente Nicolas Sekkaki.
Par ailleurs, la France a aussi fait 9 % de croissance dans le logiciel et le service (en euros constants) et 9 % également sur le revenu total. Concernant le nombre des nouveaux clients, SAP a réalisé 74 % de croissance. Parmi ceux-ci, on peut citer l'APHP (Assistance Publique ? Hôpitaux de Paris), pour 12 000 utilisateurs, ou la Société Générale pour la finance, la comptabilité générale et la comptabilité auxiliaire, ce qui constitue une première dans le métier de base de la banque en France. L'Institut du Cerveau et de la Moelle épinière (ICM), Pierre & Vacances ou Center Parcs comptent également au nombre des nouveaux clients. "Nous avons donc un premier trimestre solide", estime Nicolas Sekkaki, "avec de très nombreux secteurs qui ont bien fonctionné et connu une croissance à 2 chiffres". La filiale française a signé 6 contrats dépassant le million d'euros au cours du trimestre (à comparer à 12 sur toute l'année 2010). Deux sont des extensions d'utilisation, deux des nouveaux usages et deux des win-back Oracle (PeopleSoft ou JDEdwards).
À noter encore l'organisation d'un World Tour en régions dans les mois qui viennent, dans 7 grandes villes de province. On se souvient (cf. SAP poursuit dans sa logique après une bonne année 2010) que SAP France était aussi parti à la chasse aux produits qui ne se vendent pas bien dans l'hexagone alors qu'ils connaissent le succès ailleurs. 470 produits avaient ainsi été recensés et la logique était de pousser ces produits via le réseau de partenaires. L'opération, pilotée par Dominique Comte, est en cours de démarrage. "Nous recrutons actuellement des partenaires sur la thématique de 'Qu'est-ce qui vous intéresse ?' Nous refondons actuellement tous nos contrats pour pouvoir ouvrir l'ensemble du marché à tous nos partenaires", précise Nicolas Sekkaki.
Benoît Herr