Entreprise japonaise centenaire, Kubota fabrique et distribue des mini-pelles, tracteurs compacts et moteurs industriels diesel pour l'agriculture et les travaux publics. Kubota Europe comprend 5 filiales regroupant environ 650 employés, qui importent, assemblent et fabriquent le matériel. Jusqu'en 2009, elles ont réalisé une croissance à deux chiffres, qui s'est ralentie avec la crise. La filiale française, la plus importante d'entre elles, a réalisé en 2010 un chiffre d'affaires de 347 millions d'euros.
Au fil des ans, chaque filiale avait mis en place sa propre informatique de manière indépendante, aboutissant à un ensemble hétérogène. En 2004, le groupe a souhaité mettre en place un socle informatique commun sur lequel toutes les filiales viendraient s'appuyer, chacune gardant son indépendance de gestion. Le choix s'est porté sur SAP et sur l'intégrateur SOA-People. La réingénierie a permis de définir des processus communs (finances, RH...) que toutes les filiales ont mis en place. Chacune y a ajouté les éléments culturels et réglementaires propres aux pays concernés. Le projet a duré un an et demi, conformément aux prévisions. La mise en production s'est faite sous forme de "big bang" dans les 5 filiales. Puis des ajustements ont été réalisés dans les premiers mois d'utilisation.
Le "Business Innovation Center" optimise le support et améliore la satisfaction des clients
Après la mise en production, la question du support des applications s'est rapidement posée. Homayoun Mir, impliqué dans le projet au niveau de la filiale française, s'est retrouvé en première ligne face à de nombreux enjeux : améliorer le business, satisfaire les clients, mais aussi assurer la veille technologique, mettre en place de nouveaux process et nouveaux outils, par exemple la radio fréquence dans les dépôts. Il a constitué une équipe composée de salariés de Kubota et de consultants de SOA-People pour créer un centre de compétence interne des applications : le "Business Innovation Center" (BIC). Situé physiquement en France, il a une vocation européenne. Homayoun Mir est aujourd'hui DSI du Business Innovation Centre de Kubota Europe.
Jusqu'ici, les utilisateurs soumettaient leurs requêtes de manière variée (courrier électronique, feuilles Excel, appels téléphoniques...), ce qui rendait leur gestion anarchique. Un outil de help desk a été sélectionné pour gérer la communication entre les utilisateurs et le centre et le traitement des requêtes. Il a été intégré dans SAP pour rendre son utilisation transparente pour les utilisateurs. L'équipe du centre n'est plus perturbée par des appels incessants et peut se concentrer sur une gestion organisée des requêtes.
Mis en place en 2005, le BIC a permis de stabiliser techniquement l'architecture en place et de l'améliorer par vagues jusqu'en 2007. Puis sont intervenues des améliorations orientées processus. De 2009 à 2010, des projets majeurs ont complété la solution : un portail, les fonctions décisionnelles avec BW, les échanges de données entre l'Europe, le Japon et les États-Unis avec XI, la gouvernance avec SOX.
Le développement initial du portail s'est appuyé sur NetWeaver. Si au départ le résultat a donné satisfaction, l'outil s'est vite révélé rigide et non mature. Il était difficile de maintenir la cohérence entre les diverses versions linguistiques, et SOA-People ne disposait que d'une seule personne compétente dans ce domaine. Lorsqu'un problème de performance s'est manifesté, SAP a réagi avec retard, dépêchant au bout de deux mois un expert qui a juste établi un diagnostic, mais sans proposer de solution pratique. Pour s'affranchir de cette dépendance, Kubota a redéveloppé le portail en PHP et .NET, pour un montant représentant 10 % du budget initial. Répondant bien aux objectifs, le nouveau portail est facile à maintenir car il est basé sur des outils bien connus pour lesquels les compétences sont largement disponibles.
Les requêtes des utilisateurs ont été classées par catégories : anomalies, problèmes de fonctionnement, demandes de formation... Lorsqu'il saisit sa requête, l'utilisateur lui donne un statut d'urgence : très urgent, urgent ou moyen, correspondant respectivement à une réponse dans les 4 heures, dans la journée et dans la semaine. Le statut "très urgent" correspond à un blocage important d'un processus et l'impossibilité de trouver un contournement : il mobilise toute l'équipe du BIC, qui interrompt toute autre activité afin de corriger l'anomalie dans le système de production dans les meilleurs délais. Mais ce statut ne doit être utilisé que pour les vrais cas d'urgence : il faut éviter de l'utiliser abusivement.
Les niveaux de services
Le centre de compétence SAP de Kubota a défini différents types de supports et services avec les métiers et les utilisateurs des solutions applicatives. Le niveau 1 est géré au sein des départements et concerne les aspects les plus simples. Le niveau 2 concerne les adaptations, les réglages et les pannes. Le niveau 3 concerne les développements et les nouveaux projets.
Les key users sont les représentants des utilisateurs au sein d'une entité. Ils assurent la communication avec le BIC : eux seuls émettent des tickets, c'est-à-dire des requêtes formalisées, vers le BIC. Ils doivent avoir une connaissance suffisante à la fois du métier et de l'application. Sinon, le centre passe beaucoup de temps à valider et à tester les tickets. Lorsqu'il est créé, un ticket est défini soit comme un problème d'utilisation, soit comme une demande d'évolution. Une demande d'évolution est soit rejetée immédiatement, soit étudiée puis spécifiée : dans ce cas, elle doit être validée par les responsables métiers et par le comité de pilotage. En fonction de la taille des projets, des "task forces" ou équipes dédiées peuvent être constituées.
Évolution du nombre des requêtes des utilisateurs et des actions du BIC
Le fonctionnement du BIC a été analysé pendant 3 ans 1/2. Une courbe des incidents et de leur traitement a été produite par BW. Les demandes de support ont diminué de plus de 50 % en 18 mois. Le nombre de demandes et donc le TCO se sont stabilisés après l'effort de réduction.
La gestion des compétences, gage d'efficacité et de maîtrise des coûts
La résolution des problèmes soumis par les utilisateurs et clients fait appel à des niveaux de compétences variés. Homayoun Mir recrute des juniors pour compléter son équipe :"ils sont très motivés, ils peuvent aller loin dans leurs actions. Et ils coûtent moins cher que les salariés plus anciens." Pour sa part, SOA-People met en ?uvre une stratégie systématique de gestion des compétences pour les fonctions de support.
Pierre-Jean Forrer, senior manager chez SOA-People insiste sur l'intérêt des centres de compétence combinant des profils mixtes de trois types : seniors, confirmés, juniors. Chacun intervient en fonction de ses compétences, à partir d'une définition de leurs champs d'actions respectifs : une matrice des compétences a été établie. Cette organisation a un impact important sur le budget. "Une mauvaise allocation de moyens grève rapidement le budget", constate Pierre-Jean Forrer. En particulier, si le niveau de résolution des incidents de niveau 1 est primordial pour l'efficacité générale, il n'est pas nécessaire d'y affecter des gens trop compétents et trop chers. En effet, ce niveau correspond à un grand nombre de demandes "futiles" qui peuvent aisément être traitées par des consultants juniors. "Un coût de 100 à 150 ? par ticket peut être ramené à 40 ?. La réorientation de l'utilisateur vers la documentation est souvent une solution efficace.", conclut-il.
L'équilibre entre les différents profils n'est jamais facile à mettre en place. Il faut arbitrer entre les aspects liés au métier et au progiciel, entre les aspects fonctionnels et techniques, entre les niveaux de complexité. Et il faut aussi veiller à l'affectation des ressources dans le temps, qui a un impact certain sur le budget.
René Beretz