Le sujet de la relation métier tient particulièrement au c'ur de Philippe Courqueux, qui effectue des sondages tous les deux ans auprès de ses utilisateurs et obtient généralement, à sa grande satisfaction, des appréciations excellentes. "Tout n'est pas parfait cependant, mais notre informatique est vraiment devenue un partenaire des métiers", constate-t-il. "Il n'y a que 10 % de questions vraiment techniques posées à notre service de support, le reste concerne le fonctionnel et le métier, comme par exemple la programmation d'opérations commerciales ou le périmètre d'un inventaire".
De grands changements
Pour Philippe Courqueux, le métier de DSI a connu des changements majeurs, ces dernières années, notamment du fait de l'évolution de l'informatique grand public, qui a tendance à prendre le pas sur l'informatique d'entreprise. "Auparavant, l'informatique était une affaire de spécialistes, souvent enfermés dans leur tour d'ivoire. Puis le centre de gravité de l'informatique s'est déplacé vers l'informatique individuelle avec l'arrivée des PC. Ces dernières années ce sont les PDA, les iPad et autres tablettes, et les réseaux sociaux qui ont vu le jour et influent fortement sur l'informatique d'entreprise".
Il s'agit là d'une opportunité mais aussi d'un risque. "Considérant l'application comme intéressante, j'avais introduit Google Search il y a 6 ou 7 ans déjà au sein de mon entreprise, sans accompagnement particulier. Mais l'usage de l'information n'est pas le même en entreprise que dans un cadre personnel : au travail, on utilise des applications informatiques précises et les gens n'ont pas fait l'effort d'aller voir sur Google. Ils recherchent l'instantanéité et ne font pas l'effort de sortir de leur application. Le rôle du DSI est donc important pour identifier ce qui est réellement utile et important pour l'entreprise.".
"Il ne faut pas confondre 'être spécialiste d'une technique' (d'interrogation de données, de tableur etc.) et 'en faire le bon usage'", poursuit-il. "En informatique comme dans les métiers, il est important de savoir sélectionner les bonnes techniques. Nous avons par exemple tous connu des spécialistes des macros Excel. Mais ceux-ci ne seront pas forcément les meilleurs relais pour définir la pertinence de telle ou telle application. Aujourd'hui, on trouve des spécialistes des PDA qui comparent Android à Windows Mobile. Mais ils ne seront sans doute pas pertinents pour choisir une application PDA".
Le pouvoir du DSI en question ?
Le Cigref précise l'articulation entre le métier et la DSI via la gouvernance des SI. De nombreux travaux ont été menés sur ce sujet au cours des dix dernières années, qui ont tous été bénéfiques. Parmi ses nombreuses activités, Philippe Courqueux anime également le club N-Tech de Metz. Le thème d'une récente réunion concernait précisément les défis des entreprises en fonction de leur taille. Il est apparu que l'une des grosses différences entre les grands comptes et les moyennes entreprises est la taille de l'organisation qui gère l'informatique. "En PME, le RI est souvent sorti des rangs. Il y a alors un risque réel de tomber dans le travers évoqué plus haut", estime notre interlocuteur, qui précise :
"En revanche, je ne place pas trop le DSI au centre du débat autour du pouvoir. Il faut sortir de cette discussion, car elle est biaisée. Le rôle du DSI est de faire en sorte que ses équipes travaillent sur des projets informatiques. Par exemple, notre projet CoraDrive est à 90 % informatique : il a néanmoins été mené en binôme avec le métier".
L'ère du numérique
Pour Philippe Courqueux, nous sommes clairement passés de l'ère de l'informatique technique à l'ère des SI, puis du numérique. "Le numérique créé lui-même des opportunités d'offres de service et modifie l'offre et le métier des entreprises", précise-t-il. "Le cloud est une opportunité, non une stratégie. En tant que DSI, si on pouvait l'utiliser plus, ce serait pour deux raisons essentielles :
- Dans un marché avec des éditeurs de plus en plus puissants et de moins en moins nombreux, qui ne négocient quasiment rien, avec des conditions de migration incroyables, il fait émerger de nouveaux acteurs et les DSI ont besoin de concurrence et de solutions alternatives. Ils ont donc tout intérêt à ce que le cloud prospère ;
- L'opportunité d'avoir une certaine agilité et de disposer rapidement d'une solution avec de nouvelles fonctionnalités, à opposer aux solutions traditionnelles, qui génèrent des délais beaucoup plus longs. Mais notre propre expérience nous montre que même lorsqu'une volonté d'aller vers le modèle cloud existe de part et d'autre, les éditeurs n'en ont pas toujours la maîtrise et peuvent, aujourd'hui encore, être tentés de faire machine arrière".
Quant à l'ERP, c'est clairement encore un bastion. Ce qui gêne Philippe Courqueux, c'est le modèle économique appliqué aujourd'hui, pas les solutions proposées, généralement bonnes et matures. "Donc soit ils arrivent à faire évoluer ce modèle économique, auquel cas nous les suivrons, soit ils n'évoluent pas et nous nous dirigerons alors vers les solutions du marché, en particulier dans le cloud. Il s'agit là d'une attitude de simple bon sens. Nous avons des projets à l'heure actuelle, et regardons justement ce qui existe sur le marché". Le DSI a donc un rôle d'écoute et de veille important.
Benoît Herr
Le Cigref : pour quoi faire ?
Une organisation comme le Cigref permet d'échanger entre pairs, en l'absence de tout tiers. "Nous pouvons donc parler librement et ouvertement, sans contrainte, pas nécessairement métier, mais surtout informatique (cloud, projets, etc.), entre DSI", précise Philippe Courqueux, qui est devenu administrateur du Cigref parce "qu'à un moment, on a envie de contribuer un peu plus, sur les thèmes et les sujets abordés".
Dans le cadre du Cigref, il préside par ailleurs une commission d'orientation technique sur les TIC, orientée sur l'éco-responsabilité. Les TIC sont gros consommateurs d'énergie et leur empreinte carbone est tout à fait importante. Mais elles ont aussi un rôle à jouer dans la réduction de l'empreinte carbone globale de l'entreprise (notamment dans les transports). "Or, pour nous DSI, il n'est pas très compliqué de faire attention à l'environnement, et ces actions sont en général très alignées avec les impératifs budgétaires. Par exemple chez Cora, nous avons fait un audit de notre consommation énergétique et nous nous sommes aperçus qu'une bonne partie de cette énergie était dissipée dans les climatisations et les canalisations. En positionnant mieux nos climatisations et en revoyant l'installation électrique, nous avons considérablement diminué nos consommations". Une autre mesure simple consiste à mettre en place un logiciel qui éteint automatiquement les PC inutilisés.
BH