Selon une étude du Credoc, 85 % des Français possèdent aujourd'hui un téléphone mobile, dont 21 % se connectent à Internet via ce mobile (soit 9 % de plus que l'année dernière). La même étude montre que 31 % des Français se connectent en dehors de leur lieu de travail. S'agissant d'usages professionnels, le "Worldwide Mobile Worker Population 2009-2013 Forecast" d'IDC nous prédisait déjà que plus de 1,19 milliard de professionnels devraient utiliser des technologies mobiles dans le monde d'ici 2013, soit 34,9 % des personnes en activité. La montée en charge de la mobilité dans les applications professionnelles intervient dans un contexte de profondes mutations technologiques. De nouvelles architectures ont vu le jour et elles sont prêtes à gérer ces nouveaux moyens d'accès aux applications. Parallèlement, l'ergonomie des applications a été repensée pour les postes clients standard et devra l'être également pour les terminaux mobiles.
Quelle est la place des ERP dans cette évolution des technologies et des nouvelles exigences des utilisateurs ? Longtemps utilisés par quelques spécialistes au sein de l'entreprise et considérés comme le c'ur du back-office, les ERP se sont néanmoins enrichis et ouverts, et sont maintenant utilisés de diverses manières par une grande variété de collaborateurs et de partenaires de l'entreprise. Ils s'adaptent, eux aussi, à cette nouvelle donne.
Dans un récent article (L'ERP en mobilité : une idée qui fait son chemin... mais convient-elle à votre entreprise ?), nous évoquions les paramètres à prendre en compte lorsqu'une entreprise envisage une solution ERP mobile et l'engouement des cadres supérieurs pour ces technologies. Mais l'offre marché suit-elle ? Est-elle en mesure de répondre aux exigences des entreprises en la matière ?
La demande des utilisateurs
Le besoin de mobilité est issu de plusieurs sources : il y a d'une part le succès des smartphones, iPhone en tête, dans les usages personnels et maintenant de celui de tablettes, surtout l'iPad. "Les utilisateurs font pression sur le mode d'utilisation", constate Virginie Garlasain, chef de produit Dynamics ERP chez Microsoft France. On trouve d'autre part le caractère par nature nomade de certaines professions et fonctions, qui utilisent, parfois depuis longtemps, des terminaux mobiles dédiés : agents de maintenance, techniciens... Les commerciaux représentent la nouvelle population concernée : elle utilisait jusqu'ici surtout des ordinateurs portables, mais bascule de plus en plus vers les smartphones et tablettes.
Enfin et surtout, les nouveaux besoins viennent de l'évolution de la situation économique, de la mondialisation et de l'importance croissante prise par la concurrence venue du Web, qui prend des proportions planétaires. Les PME ont donc aujourd'hui un impérieux besoin de se développer à l'international alors qu'elles pouvaient, il y a une dizaine d'années encore, se cantonner à leur domaine d'expertise, souvent très pointu, et vivre très bien avec une présence limitée à l'hexagone.
Pour se développer, les entreprises doivent également trouver de nouvelles sources de revenus et proposer des nouveaux produits. "Une PME industrielle fabriquant de la machine-outil, par exemple, va aujourd'hui chercher de nouvelles sources de revenus en offrant des services", explique Amor Bekrar, PDG d'IFS France. "Elle va non seulement mettre sa machine à disposition, mais aussi en assurer la maintenance préventive et proposer divers services autour. L'entreprise industrielle évolue en introduisant de nouveaux processus, liés au service. Les outils dont elle se dote doivent suivre".
La BI sur les mobiles
Pour rendre la BI largement disponible à tous les niveaux, des outils décisionnels sont embarqués dans les applications : les utilisateurs disposent de tableaux de bord sur leurs postes de travail et d'indicateurs sur leurs terminaux mobiles. Ils ont accès directement à des outils d'aide à la décision et bénéficient d'optimisations en temps réel. C'est une amélioration sensible pour les utilisateurs, qui devaient jongler avec des applications décisionnelles déportées, en particulier dans le monde de la finance. La nouvelle architecture d'Oracle Fusion intègre à la fois les aspects transactionnels et la gestion de la performance, ce qui accélère la production du reporting. Sage a lancé en 2010 l'offre Sage Business Mobile, application de pilotage d'activité pour iPhone. Téléchargeable gratuitement sur App Store, elle propose un pilotage commercial (chiffre d'affaires, palmarès des ventes...) et un pilotage financier (gestion des encours, situation des comptes bancaires...). Elle fait une utilisation intensive de la technologie "touch" de l'iPhone pour passer d'un mois à l'autre, d'un affichage à un autre. Mais il ne s'agit que de consultation. Même un éditeur décisionnel dynamique comme Tableau Software ne permet que la consultation sur tablette.
RB
Des terminaux très divers
L'usage en entreprises passait autrefois par des postes de travail connus, répertoriés et parfaitement maîtrisés. En s'appropriant les unités très grand public que sont les smartphones et tablettes, dont on recense aujourd'hui quelque 100 fabricants de par le monde, les entreprises acceptent de subir les aléas et les évolutions pas toujours prévisibles mais toujours très rapides de ces unités, qu'il s'agisse de l'affichage, de l'OS ou de l'équipement en lui-même. D'où la nécessité pour les éditeurs de standardiser le plus possible les accès. C'est par exemple la démarche d'un éditeur comme Proginov, qui propose la même application aux utilisateurs d'iPad, de tablettes sous Android ou de smartphones (cf. encadré).
Par ailleurs, l'usage d'un smartphone n'est pas le même que celui d'une tablette : cette dernière ne permet généralement pas de téléphoner à son client via un simple clic sur le numéro de téléphone. A contrario, l'affichage étant plus petit sur un smartphone, il sera plus orienté consultation (fiches clients, encours etc.). La consultation des données commerciales ou techniques à distance existe depuis un certain temps. Mais il ne s'agit plus désormais d'aller chercher des informations : les utilisateurs veulent réellement pouvoir travailler à distance, en étant connectés aux données de l'entreprise, notamment à leur ERP. Cela implique d'ouvrir les progiciels vers l'extérieur, de reconsidérer leur architecture et leur administration pour donner les accès utiles à de nouvelles catégories d'utilisateurs à distance, dans un format adapté à ces nouveaux outils.
Unicité pour les applications de mobilité de Proginov
L'éditeur nantais a confié la stratégie de développement des applications nomades se connectant à son ERP à Tristan Gueninchault, un jeune développeur de 24 ans. Destinées à la force de vente, ces applications fonctionnent sous Android, iOS mais aussi QNX (Blackberry) et proposent un accès unique, quelle que soit l'unité physique utilisée ; elles sont également compatibles PC (Windows ou Linux) et Mac. Les consultations peuvent se faire en mode déconnecté chez un client moyennant une mise à jour quotidienne des données, mais permettent aussi de faire des mises à jour en temps réel si l'utilisateur a accès au réseau (notamment pour les stocks) via des Web Services.
La même application, sur trois équipements différents
"Nous avons également rendu nos applications multi-écrans, c'est-à-dire que c'est la même application qui va s'exécuter quelle que soit la taille de l'écran utilisé, ce qui laisse le choix de l'équipement à l'utilisateur et lui permet de retrouver la même ergonomie quelle que soit l'unité utilisée", précise Tristan Gueninchault. Consultation de statistiques et de comptes clients sont possibles, mais aussi la mise à jour du compte client ou la saisie de commandes, en différé ou en temps réel, selon qu'on est connecté ou non. Ces applications sont téléchargeables depuis Progimarket, un AppStore spécifique à l'éditeur.
"Les applications de force de vente se sont imposées naturellement en premier lieu. Mais nous avons d'ores et déjà d'autres projets d'applications de mobilité, comme la maintenance embarquée (SAV sur sites clients)", ajoute Philippe Plantive, directeur général délégué de Proginov.
BH
L'architecture
Pour gérer ces accès à distance sur des terminaux d'un nouveau genre, les éditeurs ne peuvent pas se contenter de proposer leurs solutions via un nouvel accès : les caractéristiques de taille d'écran, de saisie via un écran tactile ou de débit du réseau sont très différentes de celles des équipements classiques et remettent en cause toute l'ergonomie. Ils doivent repenser l'architecture de leurs applications. Il est intéressant de constater que la problématique des terminaux mobiles est totalement en phase avec le mode SaaS, autrement dit l'hébergement des applications dans le "cloud". On commence même à parler de "cloud mobile".
Architecture d'Infor10 prévue pour la mobilité
Ainsi, Infor s'appuie sur son middleware Ion pour développer l'accès aux applications depuis les terminaux mobiles. De son côté, Oracle met à profit l'architecture orientée SOA de Fusion et SAP celle de NetWeaver Mobile. Quant à IFS, ses solutions IFS Touch Apps se connectent à IFS Cloud, qui agit comme une passerelle entre ses solutions IFS Applications et les terminaux de type smartphones. Sage fournit des accès aux utilisateurs distants avec sa technologie SET (Sage Extended Technology) et la génération i7 des logiciels Sage est accessible à travers les terminaux Android et iOS. Microsoft travaille déjà depuis longtemps dans le domaine des systèmes d'exploitation pour équipements mobiles. Son système d'exploitation Windows Mobile est intégré dans Microsoft Dynamics AX et NAV. Des outils de développement, de déploiement et de supervision permettent le développement des applications.
Les solutions se mettent donc en place progressivement. Il subsiste cependant des zones d'ombre et, sur ce marché encore jeune, les entreprises se voient dans l'obligation de faire des paris sur l'avenir.
Benoît Herr et René Beretz
La mobilité érigée en stratégie d'entreprise
Chez SAP, ce n'est pas d'engouement pour la mobilité qu'il s'agit, mais de véritable stratégie d'entreprise. Celle-ci repose en effet sur trois piliers, en plus de l'activité traditionnelle de l'éditeur qu'est l'ERP : technologie in-memory, cloud et mobilité. Sur ce dernier point, pour illustrer ses projets réussis en la matière, SAP met en avant des applications comme celle utilisée au Charité Hospital de Berlin, qui permet aux médecins de consulter et d'enrichir en direct le dossier des patients sur iPad depuis le chevet des malades.
"Cela simplifie le travail des médecins et réduit les délais d'attente pour les patients", explique Hagen Hupperts, chef de projet informatique dans cet hôpital. "L'application mobile (SAP Electronic Medical Record) présente l'information d'une manière simple, compatible avec les flux hospitaliers. Nous extrayons de l'information à la fois des systèmes SAP et non-SAP pour les transmettre aux unités mobiles". Cette application a une existence bien réelle, même si, à l'évidence, elle sert de vitrine un peu "bling-bling" à l'éditeur.
Mais il suffit de visiter le SAPStore pour se rendre compte du foisonnement d'applications existantes : au total, ce sont 54 applications de mobilité qui y sont proposées, de Business One et Business ByDesign à des applications d'approbation de requêtes d'employés ou de notes de frais, en passant par le CRM, les agendas ou le statut des commandes. Ajoutons que l'éditeur a tout récemment annoncé avoir dépassé ses objectifs de 100 millions d'euros de chiffre d'affaires avec ses applications de mobilité en 2011.
BH