Cabinet de conseil et d'analyse en nouvelles technologies, Lecko est également expert des réseaux sociaux d'entreprises. Depuis 2008, il investit dans le benchmark des usages et des offres, leur modélisation et leur évaluation. Après 3 premières études sur le sujet, le cabinet nous en livre aujourd'hui le quatrième volet, qui s'inscrit dans la continuité des précédentes éditions. Réalisée en partie avec l'écosystème (éditeurs et responsables RSE de grands comptes), cette étude est le fruit du travail de trois groupes de travail ayant ?uvré entre novembre et décembre 2011. Au travers de l'analyse, entre autres, de 162 modèles d'usage et de 30 critères d'intégrabilité, l'étude explore le système d'information social (SI Social), présenté comme un enjeu majeur de la construction de l'entreprise 2.0, et l'impact de la socialisation des applications. Deux logiques s'affrontent à ce niveau : celle des utilisateurs, qui développent les usages d'un côté et la volonté de rationalisation de la DSI.
Le marché français
En 2011, le marché des RSE a généré 9,5 M€ de chiffre d'affaires en France, tous éditeurs confondus, soit une progression de 60 % par rapport à 2010. Si ces chiffres demeurent modestes, Lecko estime que la progression devrait être similaire en 2012, avec une répartition très équilibrée entre PME et grandes entreprises. Les prestations de services d'intégration et de conseil représentent 20 à 40 % du chiffre d'affaires des éditeurs.
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2011 a vu l'émergence d'un certain nombre de nouveaux entrants : Swym de Dassault Systèmes, Google+, Cisco ou encore Convofy, ce qui porte à plus de 30 le nombre des offres disponibles (cf. quadrant magique). Son potentiel de croissance est porté par la généralisation de l'intégration des fonctions sociales, mais aussi par les nouvelles opportunités engendrées, comme la gestion des données personnelles.
Un décalage entre couverture fonctionnelle et besoins
L'étude de Lecko montre que pour l'instant seuls 10 % des éditeurs (soit 3 d'entre eux) couvrent 80 % ou plus des fonctions sociales. Trois autres, qui pourtant revendiquent le statut de RSE, en couvrent moins de 40 %. L'étude montre aussi que la question du développement des usages et la transformation organisationnelle est centrale pour les éditeurs. Chez GDF-Suez, par exemple, qui devient progressivement une entreprise 2.0, les collaborateurs comprennent bien l'intérêt d'avoir un capital social, mais celui-ci ne se transforme pas forcément en intelligence collective. "La multiplication des initiatives dans le groupe peut être perçue comme un manque de maîtrise. Mais cela montre au contraire que nos business units s'emparent de ces sujets-là et s'y investissent pour développer leurs usages et avancer sur leurs sujets métiers. C'est pour moi quelque chose de très positif", commente Vincent Cabanis, chef du projet moteur social. Ce projet vise à fédérer les identités sociales et à construire le graphe social à partir des informations de diverses sources et technologies hétérogènes.
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Constatant qu'il n'y a pas aujourd'hui de solution répondant à l'ensemble de ses besoins sur le marché et se refusant à mettre en place un simple RSE de plus, GDF-Suez entreprend de réaliser son propre outil, basé notamment sur l'utilisation des API mises à disposition par les éditeurs. Un premier résultat "montrable" devrait voir le jour fin mars, sous la forme d'un prototype. "Tout l'enjeu du projet est de trouver un équilibre entre transparence et confidentialité, entre protection des individus et rapprochement des données tout en garantissant un contrôle total sur les données personnelles, mais sans se fermer les portes pour l'avenir", poursuit Vincent Cabanis.
Lecko estime que les entreprises vont continuer à s'équiper en réseaux sociaux internes car ces projets émanent de différents acteurs (directions métiers, DG, DSI ou même directement des utilisateurs). Le mode SaaS facilite les décisions et l'autonomie des utilisateurs en la matière : ils ont le choix de leurs outils et peuvent les mettre en ?uvre sur leurs propres budgets. En outre, la multiplication des sollicitations des utilisateurs et le fait qu'un même utilisateur est souvent membre de plusieurs RSE aboutissent à un foisonnement des RSE au sein d'une même entreprise, ce qui pose une problématique inédite aux responsables des SI, notamment en termes de gestion de l'information et de nouveaux besoins.
D'un SI centré sur les données et processus vers un SI social
Si le SI traditionnel demeure le référentiel en matière de données et de processus, l'information circule plus vite et de manière plus abondante sur les réseaux sociaux. Le SI social est de fait étendu et les liens qui le composent sont différents de ceux prévus initialement par le concept d'entreprise étendue.
Perçu jusqu'ici comme une brique du SI (cf. schéma 1), le RSE est le terreau sur lequel se développent de nouveaux usages des SI. Il est donc urgent de coupler les nouvelles applications sociales avec le SI métier et de faire en sorte que les applications sociales s'y connectent (cf. schéma 2). Dans le cas contraire, on aboutirait à un cloisonnement applicatif qui serait un obstacle à l'organisation en réseau que les entreprises et les utilisateurs appellent de leurs v?ux.
Vers une gouvernance du SI social
Dans son étude, Lecko envisage quatre approches de la construction de l'entreprise 2.0 :
- Stratégique : c'est la direction générale qui porte la vision stratégique de l'évolution et sollicite l'organisation autour de la réflexion et la mise en mouvement de l'entreprise ;
- Par les outils : portée par la DSI, cette approche vise à doter l'organisation d'une plateforme technique capable de bâtir les différentes applications sociales dont elle a besoin aujourd'hui et à l'avenir dans un environnement maîtrisé et intégré ;
- Métier : un responsable métier, constatant que ses homologues dans d'autres organisations adoptent ces nouveaux usages, décide de s'engager dans la démarche. Il s'appuie sur les offres SaaS disponibles sur le marché pour initier la démarche, sans recourir à l'informatique ;
- Individuelle : les collaborateurs décident d'eux-mêmes d'utiliser des services en ligne pour collaborer et échanger de l'information. Gratuits, ces services leur sont directement accessibles.
Lecko estime qu'une approche ne peut aller sans les autres et que l'entreprise doit rechercher un équilibre entre ces différentes approches et travailler sur les quatre leviers pour se transformer. Et de conclure qu'en conséquence une nouvelle gouvernance et une stratégie d'urbanisation du SI social sont indispensables. "Il faut réinventer l'entreprise, identifier les nouveaux usages, repenser ses stratégies métiers", commente Arnaud Rayrole, directeur général de Lecko, qui a également dirigé et co-rédigé cette étude. Mais cette mutation doit dépasser le cadre des entreprises et aussi impliquer l'écosystème : les acteurs des RSE doivent continuer à proposer des solutions complètes et avoir des approches plus volontaristes, comme l'ont fait les pionniers du 2.0.
Benoît Herr