Pour améliorer la fiabilité et la performance, assurer la traçabilité et se conformer aux normes, les industriels doivent moderniser le pilotage de leurs lignes de production. Divers outils informatiques peuvent répondre à ces besoins et tout particulièrement les logiciels de MES (Manufacturing Execution System). Mais le choix des outils reste complexe : il dépend certes des objectifs immédiats de maîtrise des outils de production mais également de l'état du système d'information de l'entreprise.
Axium
Ainsi, lorsque le groupe Axium, fabricant d'emballages en plastique et d'operculage, a recherché une solution répondant à ses objectifs de modernisation et de contrôle de ses chaînes de production, il a d'abord envisagé une approche totalement fondée sur un ERP mais la solution finalement retenue comprend à la fois un ERP et un MES adossé à l'ERP. Il s'agit de SAP Business One et de Qubes de Creative-IT.
Exemple de flacon fabriqué par Axium
"Le MES s'est imposé car il correspond bien aux caractéristiques de notre métier et permet de gérer des contraintes fortes de production et de suivi", explique Laurent Vallas, directeur administratif et financier en charge de la DSI du Groupe Axium : "le MES répond aux objectifs de qualité ISO 22000, gère la traçabilité matière, assure la fiabilité, gère la logistique et les stocks. Et surtout, il réagit en temps réel alors que l'échelle de temps de l'ERP est la journée." Dans ce contexte, la fiabilité et la rapidité des échanges d'informations entre ERP et MES est un enjeu majeur ; en outre, ces échanges doivent être totalement transparents pour les utilisateurs. Un premier site a démarré en 2010, deux autres ont suivi en 2011 et des améliorations ont été apportées au cours de l'année 2012.
Saria Industries
Chez Saria Industries, le contexte de mise en place d'un MES a suivi une voie différente. Filiale du groupe allemand Rethmann, la société est active dans 4 métiers : l'équarrissage, la valorisation des produits issus d'animaux, la valorisation des graisses d’origine animale et la valorisation de la biomasse.
Pour prendre en compte les résultats d'un audit qui avait relevé la vétusté des outils de production sur plusieurs sites et l'absence de dialogue avec l'ERP, le projet Bioprod a été lancé en 2008. Il a consisté à moderniser les aspects de contrôle-commande, à installer un MES conforme aux normes ISA-88 et ISA-95, inexistant jusqu'ici, et à le faire communiquer avec l'ERP. À partir d'une architecture robuste de type client/serveur, les sites sont restés autonomes par rapport à l'ERP, centralisé au siège. "La stratégie a consisté à acquérir le matériel le plus simple et le plus standard possible et des logiciels faciles à installer et à utiliser pour renforcer l'autonomie des sites", insiste Cédric Esnaux, responsable projets automatisme et informatique industrielle de Saria Industries. Pour favoriser le déploiement des solutions sur des sites aux profils et aux besoins variés, l'équipe du projet a modélisé les équipements et les a documentés. "C'est le standard de Saria : les intégrateurs s'appuient dessus pour développer les applications", ajoute-t-il. Le logiciel Coox d'Ordinal Software a été sélectionné pour la partie MES.
Présentation pendant les assises
Trois sites pilotes ont testé les fonctions MES : pilotage des opérations avec création et suivi des lots, traçage des opérations, gestion des échantillons, généalogie, gestion de la documentation... Des analyseurs ont été reliés au MES qui pilote les chaînes : en fonction des résultats d'analyse, la production est automatiquement autorisée ou bloquée. En fin de production, quand le MES se clôture, les données sont transmises à l'ERP. "Le gros avantage est la transmission automatique de données telles que la réception des achats, des emballages et des additifs : les tableaux Excel et la ressaisie des données ont disparu", se félicite Cédric Esnaux. À la mi-2012, les applications MES étaient installées sur 18 sites, mais de manière très variée : alors que certains ont adopté tout le MES, d'autres n'ont installé qu'un module.
Firmenich
Firmenich, groupe international de parfumerie et d'arômes d'origine suisse, est installé dans 64 pays, et possède 3 usines à Genève. Son atelier BGM (Balance à Gros Mélange) est piloté par des programmes développés en interne qu'il devenait urgent de moderniser. Il produit de 25 à 35 lots par jour à partir d'un millier de recettes mettant en œuvre 180 produits dosés automatiquement : des vannes délivrent les produits dans des cuves mobiles qui les déversent dans des mélangeurs. Datant des années 90, l'installation n'était pas conforme à la norme S-88, ne pouvait pas être modifiée, était très difficile à maintenir car non documentée et sa fiabilité ne dépassait pas les 95 %.
Pour moderniser l'installation, l'intégrateur SPC a dû faire du "reverse engineering" pour intégrer une nouvelle solution. Le choix du MES s'est porté sur les logiciels Proficy de GE Intelligent Platforms, qui fournissent un moteur d'exécution de lots et la traçabilité. La conformité à la norme ISA-88 a été établie partout où c'était possible. Une communication directe a été établie entre les opérations et la gestion des recettes, les recettes étant enregistrées dans SAP : on évite ainsi la duplication de données. Toute la conduite est orientée processus, avec prise en compte de la signature électronique. La traçabilité est intégrée aux opérations, l'historique étant systématiquement enregistré.
Présentation de Firmenich
"Aujourd'hui, notre objectif de disponibilité supérieure à 99,7 % est dépassé. Nous avons un support interne performant grâce à la compétence des personnes formées en interne et des contrats de maintenance avec SPC et GE", résume Christian Chevalier, DSI des usines de Genève de Firmenich. "Pour être franc, nous avons subi les défauts de jeunesse du produit, qui n'était pas mûr lorsque nous l'avons installé : mais GE et SPC ont réagi très vite avec des solutions de contournement et des patchs. Tout cela est du passé et maintenant l'application est stable. Et nous apprécions l'interface très visuelle et intuitive", conclut-il.
Essilor
Numéro 1 mondial des verres ophtalmiques, Essilor est implanté dans de nombreux pays. Elle possède une usine importante en Thaïlande où l'activité est en augmentation constante : le nombre de références de verres augmente mais le nombre de ventes par verre diminue, ce qui accroît la complexité. Il faut donc réduire les coûts de production et de logistique et les délais de production. Le procédé de fabrication comprend de nombreuses étapes génériques et quelques étapes optionnelles. La production est gérée par le logiciel Flexnet d'Apriso, interfacé avec Oracle E-Business Suite, en charge de la gestion commerciale, de la gestion des achats et du volet financier. La transmission de données vers Oracle se fait environ toutes les 30 minutes.
Produit de dernière génération d'Essilor
Le mode de gestion d'un article dépend de la commande, des stocks disponibles et de la production en cours. "Plusieurs cas sont possibles", détaille Ahmed Elmir, directeur de projets IT Supply Chain & Manufacturing chez Essilor : "article en stock, différenciation retardée (changement de dernière minute dans la fabrication), repackaging, valeur ajoutée à un produit en stock (vernis, anti-reflet)" Flexnet gère la production en fonction de la commande, donne une vision en temps réel de la production et assure la traçabilité. Il offre aussi des fonctions spécifiques comme la différenciation retardée et la génération d'indicateurs critiques.
Sagemcom
L'usine Sagemcom de Tunisie fabrique des décodeurs numériques, des passerelles numériques haut débit et des compteurs d'énergie. Elle est passée en quelques années de 1 000 à 5 000 personnes, et a augmenté le nombre de ses lignes de fabrication : elle contient aujourd'hui 19 lignes de fabrication de CMS (Composants Montés en Surface) et assemble 10 milliards de composants électroniques par an. Pour garantir la qualité maximale au plus près des lignes de production (qui posent jusqu'à 220 000 composants par heure), deux moyens redondants de tests surveillent un certain nombre de paramètres sur les produits en cours de fabrication à des étapes clefs. Une base de données unique enregistre les données récoltées.
Compteur électrique Sagemcom
Sagemcom a installé les logiciels de Productys pour analyser ces données en temps réel et en donner une interprétation en fonction des paramètres choisis. En pratique, l'usine définit un indicateur de qualité valable une heure : l'outil en déduit une tendance au fil du temps. L'opérateur voit les indicateurs sur sa ligne et peut donc réagir en fonction des valeurs pour empêcher la ligne de dériver. "Mais en cas de dérive avérée, la ligne est bloquée automatiquement. Toutes les données et interventions sont enregistrées, en particulier les interventions de déblocage", explique Richard Mathurin, chef de gestion industriel chez Sagemcom "Les outils Productys génèrent des rapports, les envoient par e-mail et les affichent, en particulier sous forme de graphiques de type 'radars'." Cette représentation graphique permet notamment de visualiser simplement l'effet des interventions de déblocage : un deuxième blocage intervenant après un déblocage indique que la cause du blocage n'a pas été trouvée. Ces graphiques aident donc à améliorer l'apprentissage des opérateurs.
Cet outil décisionnel industriel avec diffusion dynamique a été installé en cinq jours. Le coût total du projet, déploiement compris, s'est monté à 27 K€. Aucun développement spécifique n'a été nécessaire car l'outil est totalement paramétrable : le choix des données que l'on veut exploiter et stocker est complètement libre. L'outil peut se connecter avec n'importe quel type de données captées.
René Beretz
Echanges entre les participants des assises du MES pendant une pause