"La BI traditionnelle est orientée données (vision du stock, de quantités etc.). La PI (Process Intelligence), qui se définit comme le rapprochement du BPM et de la BI, a une vision permettant de reconstruire les processus à partir des données sources. Cela apporte une vision dynamique des flux, comme ceux d'une commande, par exemple, qui est suivie depuis le bon de commande jusqu'à la livraison", explique Sébastien Louvet. On calcule ensuite les indicateurs qui vont alimenter des tableaux de bord à partir des processus, c'est-à-dire en fonction des flux transverses : on n'aura plus cette vision statique à un instant t que procure la BI. La PI apporte donc un pilotage plus opérationnel et plus fin, avec une facilité de mise en œuvre par rapport aux outils de BI.
Exemple
Avec la PI, le "drill down" jusqu'à la vision du process devient très facile. On peut ainsi descendre jusqu'au flux, jusqu'au processus et isoler les populations et les cas qui posent un problème. La BI traditionnelle ne donnera pas cette vision des processus et se contentera par exemple d'analyser les stocks, sans fournir d'explication aux valeurs anormales.
Sébastien Louvet cite l'exemple d'un assureur qui dispose de solutions de BI classiques, qui lui fournissent des rapports lourds et complexes. "Il se pose des questions sur les délais intermédiaires dans son activité, sur les comportements et sur la façon dont les systèmes sont utilisés", explique-t-il. Les outils de Process Intelligence ont permis à l'assureur de comprendre le chemin ayant mené à la décision et à la clôture d'un dossier, sur le nombre des allers/retours d'un dossier, apportent de la visibilité sur les montants remboursés, les écarts éventuels, les rapports d'expertise, etc. "Les processus deviennent quasiment naturels alors qu'avec des outils de BI traditionnelle, ce serait pour ainsi dire impossible d'arriver à un tel niveau d'information", estime notre interlocuteur.
Rapports avec l'ERP
Les outils de PI se connectent sur tous types de sources, y compris sur les données de l'ERP. "Mais si les activités sont cloisonnées, les outils de PI permettent de remonter aussi des données d'autres sources et donnent une vision plus large que simplement celle de l'ERP", précise Sébastien Louvet. Certains ERP, comme SAP par exemple, sont déjà intrinsèquement orientés processus et facilitent la vision processus. Mais la solution BW (Business Information Warehouse) n'a pas été conçue ainsi. "Je suis sûr qu'à moyen terme BW va intégrer la vision processus", affirme notre interlocuteur. "On sent qu'il y a une demande du marché pour cela".
Les solutions de Process Intelligence s'intègrent très facilement à tous types d'ERP et à tous types de systèmes, mais plus ceux-ci seront orientés processus, plus ce sera facile. "Oracle, par exemple, propose des choses déjà assez intégrées : les données et la structure des informations, ainsi que les écrans utilisateurs font que ceux-ci se trouvent et se sentent en permanence dans un processus", note Sébastien Louvet.
Pourquoi mettre en œuvre la PI ?
Même si la PI s'intègre facilement dans le paysage applicatif de l'entreprise, toutes les organisations n'y sont pas prêtes. "Quand l'entreprise a déjà une maturité suffisante pour constater qu'elle a besoin d'une vision opérationnelle et d'une agilité dans son pilotage, la valeur ajoutée de la PI devient plus évidente. Elle n'attendra pas d'avoir des résultats financiers ou un impact sur les ventes : elle s'attachera plutôt à l'impact opérationnel que peut avoir la manière dont l'administration des ventes traite le back-office, par exemple", commente Sébastien Louvet. "Dans les discussions que nous avons avec nos prospects, c'est bien de la valeur et de la manière dont la solution va s'intégrer dans le SI dont il est question. Nous travaillons à la fois avec les métiers et la DSI".
Typiquement, un projet de PI va commencer par l'identification des processus critiques, c'est-à-dire ceux pour lesquels il y a de vrais enjeux et des risques importants. L'idée n'est pas de faire de la PI sur l'ensemble des processus de l'entreprise : on commence en général sur un périmètre restreint et on élargit progressivement. "J'ai en tête l'exemple de cet opérateur télécom qui a utilisé nos outils pour la gestion des commandes ADSL uniquement, le reste n'étant pas aussi critique", poursuit Sébastien Louvet. "Le projet démarre ensuite classiquement, par une étape de conception fonctionnelle générale puis détaillée : on recense les informations disponibles et celles dont on a besoin. Puis on passe à la conception technique, au cours de laquelle on 'mappe' les données sources avec les données de processus". Avec SAP, ce mapping fait déjà partie de la boîte à outils disponible avec l'outil Aris (provenant d'IDS Scheer, éditeur racheté par Software AG en 2009). Il ne reste plus alors qu'à faire le paramétrage spécifique.
Ces étapes étant réalisées, on passe à la recette puis à la mise en production. Les données sont remontées à une fréquence qui dépend du projet : "chez notre opérateur de télécom, elles le sont toutes les heures, mais souvent les processus sont plus longs et une fois par jour suffit. On est sur du pilotage a posteriori, comme le suivi des comportements utilisateurs, de la courbe d'apprentissage de nouvelles fonctionnalités ou de nouveaux processus et les dérives éventuelles".
Au total, un tel projet nécessite de l'ordre de 2 à 3 mois, pour entre 50 et 80 jours/homme de charge de travail.
Utilisation
Les outils de PI servent souvent à faire du diagnostic, mais ils peuvent aussi être utilisés pour de l'accompagnement. Fréquemment, la DSI est pointée du doigt si la mise en place d'une nouvelle fonctionnalité se passe mal. "Avec la PI, on identifiera les comportements utilisateurs déviants et on replacera les responsabilités au bon endroit ; on pourra par exemple pointer la responsabilité des métiers dans une dérive." On pourra aussi les utiliser pour faire un état des lieux, pour évaluer un niveau de performance, calculer un ROI, mais aussi pour accompagner une transformation.
"Par la suite, les outils de PI restent le plus souvent en place, car ils permettent de piloter à un niveau très fin et opérationnel", conclut notre interlocuteur.
Benoît Herr
Aris
Aris est l'outil de Process Intelligence proposé par Software AG (ex-IDS Scheer) : il en est à sa version 5. Il compte 250 références dans le monde, dont beaucoup en Allemagne, son pays d'origine et 3 purement françaises. Tous les secteurs d'activité sont représentés, mais ce sont essentiellement des grands comptes. L'outil peut aussi néanmoins s'adapter à des sociétés de taille plus modeste, y compris en termes de tarifs.
Il n'a pas beaucoup de concurrents et par voie de conséquence, la PI ne fait pas beaucoup de bruit. En France, les grands intégrateurs s'y intéressent depuis peu, de même que certaines SSII positionnées sur des démarches de BPM. Jusqu'ici, les mises en œuvre se faisaient de manière artisanale, avec les compétences de l'éditeur, mais le concept semble vouloir décoller.
BH