Il y a 15 ans maintenant, Bruno Watine a créé à Villeneuve d’Ascq (Nord) la société Golden Eyes, un éditeur de solutions dédiées à la gestion de la relation client et aux programmes de fidélité. Destinées aux enseignes de distribution, succursalistes ou franchises, ses solutions, de type portail CRM, étaient alors déjà proposées en ASP, l'ancêtre du SaaS. "Nous comptions parmi les pionniers de ce mode d'utilisation", commente Bruno Watine. De création de société en prise de participation, Bruno Watine a ensuite monté ASAP (As Soon As Possible), une holding regroupant cet ensemble de sociétés, dont le point commun était d'être toutes engagées dans le modèle ASP, qui deviendra SaaS. Techniquement, ces solutions reposent sur le partage d'une structure de base de données centralisée et sur l'existence d'un noyau applicatif unique, simple à faire évoluer pour tous les clients simultanément.
En 2004, pour répondre à la demande de l'entreprise de négoce en chauffage et sanitaires Nicodème (50 M€ de CA), les équipes de Golden Eyes ont commencé à développer une solution de type ERP. "S'agissant d'un produit et d'un marché totalement différents de notre environnement habituel, il nous a semblé nécessaire de créer également une entité distincte", précise notre interlocuteur. C'est ainsi que, sous l'impulsion de Bruno Watine et de son associé Franck Haegeli, tous deux ingénieurs de formation, est née Autarcia. La société proposait encore récemment son ERP baptisé Webinside, que la société Nicodème a pu commencer à utiliser en 2007."Ce nom rappelait cependant un peu trop le slogan d'un célèbre fondeur. Même s'il n'y a que très peu de rapports entre un microprocesseur et un ERP, nous avons préféré rebaptiser notre produit". Archipelia était né.
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Un ERP plein de services
Le périmètre fonctionnel d'Archipelia est très large et répond à tous les besoins d'une PME ou ETI. "Nous nous adressons aux entreprises de 20 à 1000 salariés, à l'exclusion des TPE", ajoute Bruno Watine. Autarcia se veut le chantre de l'intégration verticale de services connectés à l'ERP. Ainsi, Archipelia permet-il par exemple d'envoyer des télécopies via des fax virtuels directement depuis l'ERP : lorsque celui-ci génère une facture, il suffit à l'utilisateur d'appuyer sur la touche "FAX" présente sur son écran pour envoyer une télécopie au client.
L'impression, la mise sous pli puis le dépôt poste de documents sont également proposés sur le même modèle : le processus est lancé par l'utilisateur via un simple bouton intégré dans l'ERP. Le mode SaaS permet de nombreux traitements à distance, comme les écritures comptables ou la génération des bons de transport, ce qui permet d'externaliser la fonction et répond aux besoins des clients potentiels d'Autarcia. Il permet aussi le fonctionnement des caisses de magasins en mode connecté ou déconnecté, grâce à l'utilisation du langage HTML5.
Une vision particulière du cloud
"Aujourd'hui, c'est la nouvelle ère du cloud, affirme Bruno Watine. "Nous proposons un cloud très privé à base d'une infrastructure IBM, de serveurs virtualisés avec VMWare, utilisant la base de données Oracle. L'application est écrite en PHP et en HTML5". L'ERP utilisé en mode cloud reste pour l'instant un marché en devenir, qui ne connaît pas le succès de domaines applicatifs comme le CRM, la GED ou la BI. Bruno Watine estime que la réussite du CRM en mode SaaS vient d'une part du fait que les entreprises l'avaient relativement peu déployé avant son apparition dans le cloud et d'autre part parce du fait qu'il s'agit d'une application satellite. "L'ERP est le cœur de l'informatique de l'entreprise, que celle-ci hésite à externaliser", constate-t-il. "C'est le principal frein à son adoption. Mais le cloud a tellement de vertus qu'il ne peut que s'imposer. Le mode SaaS a bien plus de potentiel que le on-premise. On voit les lignes bouger réellement depuis un an ou deux, et ce frein est en train de s'estomper. Avec Archipelia, il est toutefois atténué, car comme nous hébergeons nous-mêmes applications et données, nos clients savent où se trouvent leurs données et comment elles sont traitées. L'ERP n'est donc pas le sujet le plus facile, bien que ce soit le plus intéressant économiquement. Le second frein majeur, c'est la résistance au changement. Le modèle cloud révolutionne le périmètre fonctionnel des ERP, surtout quand il s'agit d'un ERP Web natif comme Archipelia : son périmètre fonctionnel n’est plus cantonné aux seuls employés de l’entreprise et s’ouvre à l’ensemble des clients, des fournisseurs et intervenants extérieurs, permettant un réel gain de productivité et de services."
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Archipelia est proposé exclusivement en mode SaaS, dans le cloud, sous la forme d'un abonnement au tarif de 100 euros par utilisateur et par mois, hors consommables liés aux services intégrés. "Ce tarif est dégressif en fonction du nombre d'utilisateurs", précise Bruno Watine. Par ailleurs, Autarcia affirme ne pas développer de fonctionnalités spécifiques et être en mesure de répondre aux besoins de ses clients via le paramétrage de l'ERP. "Il peut cependant arriver qu'un client ait une demande particulière. Si celle-ci est mutualisable, nous la développons et la mettons à disposition de l'ensemble de nos clients en standard", précise-t-il. Les évolutions logicielles se font simultanément pour l'ensemble des entreprises utilisatrices. Il n'existe qu'une seule version. Mais les instances utilisées sont différentes : Archipelia n'est pas réellement en multi-tenant, que ce soit au niveau de l'application ou de la base de données, ce qui pour Bruno Watine renforce la sécurité et la confiance de ses clients. Cependant, "il est important de conserver un noyau applicatif unique dans le modèle SaaS, sans quoi il devient difficile pour l'éditeur que nous sommes de faire évoluer les versions".
Un rayonnement régional, une vocation internationale
Nicomède, le premier client d'Autarcia, compte aujourd'hui 250 utilisateurs d'Archipelia. D'autres entreprises du nord de la France lui ont emboîté le pas depuis, comme CBR, fabricant et négociant de matériels de manutention, SOFAP, fabricant de volets roulants à la demande, qui réalise directement ses plans de fabrication avec le configurateur intégré à Archipelia, l'entreprise d'import/export Norasia ou encore le glacier Van de Casteele.
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"En n'ayant, comme actuellement, qu'un rayonnement régional, nous enregistrons déjà une croissance annuelle de 20 % et l'entreprise a été à l'équilibre financier dès ses débuts", se félicite Bruno Watine, qui ajoute que les revenus récurrents des abonnements sur lesquels repose son modèle économique lui permettent de financer sa R&D. Franck Haegeli et quatre autres ingénieurs y consacrent le plus clair de leur temps.
Mais Autarcia est en cours de levée de fonds d'origine privée, justement pour renforcer sa stratégie commerciale et marketing. "Pour l'heure, notre écosystème est encore à inventer, notamment parce que l'intégration d'Archipelia se résume à du paramétrage, ce qui ne génère pas de lourdes charges de travail pour un intégrateur potentiel et ne leur génère donc pas un chiffre d'affaires significatif", explique Bruno Watine, qui admet avoir quelques difficultés à recruter des partenaires intégrateurs traditionnels. "Nous recherchons des partenaires de type consultants métier, ayant une bonne connaissance du cloud, et des "cloud brokers", c'est-à-dire des sociétés ayant référencé dans leur catalogue des éditeurs proposant des offres compatibles, dont la nôtre . Ceux-ci doivent aussi avoir une compétence d'audit des différents logiciels qu'ils proposent pour pouvoir servir de garants vis-à-vis du client.", explique-t-il. C'est ainsi qu'il compte étendre la diffusion de son offre à la France entière et pourquoi pas, dans un second temps, à l'international. "Archipelia peut facilement être traduit dans toutes les langues, les champs libellés étant indexés dans des fichiers. Sa localisation n'est donc pas un problème. Le produit plaît : nous arrivons la plupart du temps en short-list, mais nous jouons encore trop souvent les Poulidor, car nous nous retrouvons fréquemment face à un éditeur métier, qui connaît la filière depuis 40 ans et aura la préférence du client".
Benoît Herr