SAP clame depuis longtemps qu'il n'est plus exclusivement un éditeur d'ERP : avec des milliers de produits à son catalogue, cette affirmation se vérifie bien dans la réalité. Mais jamais la firme de Walldorf ne se sera autant appuyée sur des technologies autres que son cœur de métier pour assurer sa croissance. Ce n'est certes pas la conjoncture économique européenne actuelle qui va lui permettre de trouver les relais nécessaires : personne n'est à l'abri du contexte macro-économique. "Nous avons confirmé nos objectifs au niveau mondial, ce qui est assez intéressant, dans le contexte actuel et par rapport à notre concurrence", assure Franck Cohen. "Mais il n'y a aucun changement à attendre en Europe concernant la conjoncture. Le contexte est particulièrement difficile dans le sud de l'Europe. Nous allons néanmoins continuer à être conformes à nos prévisions". SAP tire son épingle du jeu grâce à l'innovation, c'est-à-dire la technologie in-memory HANA, les applications mobiles et le cloud.
Les faits
Le géant allemand a une fois de plus connu une croissance à deux chiffres au cours du troisième trimestre. Cela porte à 11 le nombre de trimestres consécutifs de croissance à deux chiffres pour les activités logicielles et activités de service associées. Avec un chiffre d'affaires total de 3,952 milliards d'euros sur le trimestre, en hausse de 16 % par rapport au 3ème trimestre 2011, les affaires vont bien pour SAP. Les marchés verticaux comme la distribution, le médical, la production et l'énergie se sont bien comportés au cours de ces trois mois. L’écosystème continue à se développer, à vendre et donc à contribuer à ce résultat.
Mais ce sont les domaines liés à l'innovation qui semblent porteurs et entrent déjà pour une part significative dans le chiffre d'affaires de l'entreprise. Le chiffre lié à la technologie HANA s'est élevé à 83 M€, ce qui est conforme aux objectifs pour l'année, qui sont de 320 M€ au moins. Les clients ayant choisi de passer de BW à BW sous HANA ne sont pas étrangers à ce bon résultat : 50 d'entre eux en Europe sont passés à BW HANA durant le trimestre. Le chiffre d'affaires lié à l'offre de mobilité a été de 48 M€, lui aussi en ligne avec l'objectif annuel de 220 M€. Quant au cloud, la facturation d'abonnements sur 12 mois a été multipliée par 14 ! Cette croissance astronomique est bien entendu liée à l'acquisition de SuccessFactors, mais même lorsqu'on intègre le chiffre d'affaires de SuccessFactors dans les performances de SAP en 2011, la croissance a tout de même été de 116 %. "HANA et la mobilité pèsent beaucoup sur notre croissance, qui s'accélère dans ces domaines, car elle est désormais à trois chiffres", commente Franck Cohen.
Un bon troisième trimestre donc, même s'il est un peu en retrait par rapport au deuxième, qui avait enregistré des records. Il est cependant difficile de comparer les 2 et 3ème trimestre : les vacances d'été ont une grande influence, même si c'est plus vrai en Europe qu'ailleurs, mais il faut noter que cette année le ramadan a également eu lieu au cours du troisième trimestre, ce qui a une incidence sur les ventes dans tous les pays musulmans.
Si l'on s'intéresse aux chiffres des neuf premiers mois de 2012, SAP affiche toujours une croissance à deux chiffres et confirme ses objectifs annuels. Les chiffres réels sont plutôt dans le haut de la fourchette initialement annoncés. En Europe, compte tenu de la conjoncture, la croissance a été nulle sur le troisième trimestre, mais demeure positive sur les neuf premiers mois de l'année et restera positive sur l'ensemble de 2012.
La demande, dans les trois domaines liés à l'innovation ci-dessus, continue de croître dans toutes les régions du monde. Lorsqu'on demande à Franck Cohen qui, de l'œuf ou de la poule, est arrivé en premier, c'est-à-dire qui, de l'éditeur ou de ses clients, pousse véritablement les domaines innovants, il répond que "c'est un peu les deux. Les entreprises qui se portent bien sont celles qui innovent. En Allemagne, les entreprises collaborent étroitement avec SAP et ça se passe très bien. La technologie de l'information devient un facteur clé pour les entreprises dans un monde où la connexion de tout un chacun est de plus en plus globale et où les clients ont accès à toutes sortes d'informations via les réseaux sociaux. De son côté, SAP, devenu éditeur de solutions, apporte sa pierre à l'édifice de l'innovation". Et de citer l'exemple de Safran, leader dans le domaine de l'aéronautique, de la défense et de la sécurité, qui était un compte dormant depuis longtemps sur la partie back-office. Safran a été réactivé dans le courant du troisième trimestre, avec un projet de refonte complète de sa façon de travailler via l'informatique, en collaboration avec SAP. Le projet inclut les technologies HANA et cloud. "Mais l'offre ERP dans le cloud demeure encore trop restreinte, même si SAP est à la pointe. Pour que l'ERP dans le cloud décolle vraiment, il faut un vrai marché, avec une concurrence et avec une offre plus large, de la part d'éditeurs comme Microsoft, par exemple", estime Franck Cohen.
Zoom sur la France...
Dans le contexte mondial et européen, la France s'en sort plutôt bien et affiche une croissance à deux chiffres à la fois sur l'année et sur le trimestre. L'évolution de la partie analytique (BusinessObjects) a été particulièrement forte : "la nouvelle équipe de management obtient des résultats très probants", constate Franck Cohen. "Le réseau de partenaires sur cette activité, qui était en sommeil, a été relancé". L'équipe de management s'est mise en place progressivement sur l'ensemble du territoire et prend aussi en compte les canaux d'accès multiples, comme la télévente, par exemple.
Mais d'autres domaines, comme les bases de données ou le CRM, ont également fait une percée significative au cours du trimestre. "Il y a un regain d'intérêt pour la dernière version du CRM, qui est très complète et comporte aussi une offre dans le cloud", constate Franck Cohen. "La France rattrape son retard dans ce domaine". Les solutions verticales, ou "line of business" en langage SAP, enregistrent également de bons résultats, notamment dans les domaines de la logistique et des ressources humaines.
… et l'Europe
Près de 900 nouveaux clients ont été signés par SAP en Europe au troisième trimestre, ce qui représente 21 % du chiffre d'affaires logiciel, avec un panel très large d'entreprises. Parmi ceux-ci, Franck Cohen cite Portugal Telecom pour une solution HANA en temps réel, ou Metinvest, entreprise minière et métallurgique, qui est la société la plus importante d'Ukraine. Toujours en Ukraine, il cite également l'AEUC, qui est un peu l'équivalent de notre EDF, qui intègre HANA et la mobilité pour mettre en œuvre les fameux compteurs intelligents chez les particuliers, ou encore la Dubai Water Authority. On remarquera que toutes ces belles signatures se sont faites dans des pays dits émergents de la région et que l'Europe de l'ouest reste dramatiquement absente de ce palmarès.
Une innovation chasse l'autre
Présenté comme l'avenir de l'ERP il y a quelques années à peine et ayant bénéficié d'investissements massifs à l'époque, Business ByDesign est aujourd'hui intégré dans l'offre cloud de SAP, qui comporte plusieurs dimensions. Même si cette solution demeure intéressante pour de nombreuses entreprises, HANA, le cloud et la mobilité l'ont petit à petit fait sortir du feu des projecteurs et passer au second plan. "Business ByDesign se développe de façon très cohérente par rapport aux autres offres cloud et complète bien la partie cœur de métier", assure Franck Cohen. "Il continue à enregistrer une montée en puissance, surtout en Allemagne et aux États-Unis, un peu moins en France et au Royaume-Uni. Mais il va y avoir un renouveau de ByDesign grâce à l'offre cloud". Quant à la gestion des ressources humaines sur le cloud, assurée par les produits de SuccessFactors, elle trouvera son extension financière naturelle avec ByDesign.
Benoît Herr