"SAP Business Suite Powered by SAP HANA réinvente l’entreprise en temps réel", tel était le titre du communiqué de Presse envoyé à l'occasion du lancement officiel de la Business Suite utilisant la base de données en mémoire de l'éditeur. Si cette annonce n'a surpris personne car elle avait déjà été largement pressentie et pré-annoncée l'an dernier, elle a le mérite de formaliser les choses, de fixer une date de départ d'une nouvelle ère et jette un gros pavé dans la mare de la concurrence. "Cette annonce est majeure et je l'attendais depuis trois ans", a lancé Jim Hagemann Snabe, co-CEO de SAP, en introduction de la conférence de Presse organisée le 10 janvier dernier concomitamment à Francfort, New York et Palo Alto devant un parterre de centaines de journalistes venus des quatre coins de la planète. Même si le nom du produit phare de l'éditeur n'a pas été modifié, pour signer l'absence de rupture avec l'existant, il s'agit néanmoins d'une avancée technologique comparable à celle de l'arrivée de R/3 le 6 juillet 1992, il y a plus de 20 ans de cela.
Les faits
SAP Business Suite sur HANA est une nouvelle option proposée aux utilisateurs de la Business Suite, qui peuvent désormais substituer la base de données en mémoire HANA à la base de données traditionnelle qu'ils utilisaient jusqu'ici. Il s'agit d'un environnement ouvert et cette possibilité s'applique à tout ou partie des modules utilisés. Il va sans dire que les performances de l'application se voient décuplées, comme le confirmeront les premiers utilisateurs, venus témoigner lors de l'annonce. "La Business Suite sur HANA simplifie considérablement la technologie : comme toutes les données de l'entreprise peuvent se trouver en mémoire, on peut se passer de tous les artifices nécessaires pour pallier la lenteur et les insuffisances des disques, comme la pré-agrégation, la redondance des données ou le caching", constate Jim Hagemann Snabe. "Durant de nombreuses années, nous n'avons eu de cesse d'ajouter de la complexité. Pour la première fois de notre histoire, nous simplifions considérablement le paysage. Cela ouvre un nombre énorme de portes aux métiers".
"Après R1, R2, puis R/3, nous savions que quelque chose devait changer à l'avenir", commente de son côté Hasso Plattner, cofondateur de SAP et président du conseil de surveillance, depuis Palo Alto. À l'origine du Hasso Plattner Institute de Potsdam, un centre d'excellence universitaire en ingénierie des systèmes informatiques, c'est avec ses étudiants qu'il y a six ans, c'est-à-dire 14 ans après le lancement de R/3, il a décidé rien moins que de réinventer l'ERP. L'équipe a alors posé un certain nombre de postulats de départ pour ses travaux, dont le premier était de disposer de toutes les données actives en mémoire. Pour cela, ils ont décidé de mettre à profit les machines massivement parallèles.
Hasso Plattner (cliquez sur la photo pour l'agrandir)
Deuxième postulat : simplifier radicalement le modèle de données en faisant fonctionner les traitements OLTP (transactionnels) et OLAP (analytiques) de concert sur la même plate-forme, pour pouvoir faire de la business intelligence instantanée. Le pari en a laissé plus d'un sceptique, à commencer par les principaux concurrents de SAP, mais il semble bien gagné aujourd'hui. En corollaire, le troisième postulat a été de se passer de tout traitement batch, avec comme objectif d'arriver à des temps de réponse inférieurs à la seconde quelle que soit l'activité, y compris pour traiter des algorithmes complexes. L'équipe s'est également fixée comme objectifs de virtualiser les entrepôts de données pour pouvoir intégrer des sources de données multiples et éviter d'avoir à agréger les données dans des hypercubes ayant une existence propre, et de faire un usage intensif des mathématiques là où le besoin s'en faisait sentir.
C'est sur ces bases qu'un projet d'envergure mondiale a démarré, il y a trois ans, de Séoul à Shanghai, de Walldorf à Paris, de Tel Aviv à Bangalore, en passant par Ho Chi Minh ville, Berlin, Toronto, Vancouver et la Californie. "Le projet était mondial, complètement distribué et interconnecté via l'Internet et d'autres moyens de communication", se félicite Hasso Plattner.
Le résultat
Le produit lancé fin 2010 a véritablement décollé en 2011 pour les applications analytiques, puis s'est étendu en 2012 au transactionnel avec Business One en "ramp-up". "Il s'agit d'une évolution sans rupture, qui offre des performances incroyables", assure Hasso Plattner. "Elle fonctionne avec la même version de la suite que les autres bases de données, et donc nous n'abandonnons en aucun cas les partenaires et éditeurs qui nous ont accompagnés durant 20 ans". Par ailleurs, l'utilisation de la Business Suite avec d'autres bases de données continuera non seulement d'être possible, mais aussi d'être optimisée, assure SAP.
Le changement majeur réside dans le code d'optimisation des données. "Tous les produits SAP fonctionneront avec HANA. En outre, HANA peut être déployé dans le cloud, y compris les développements spécifiques", précise-t-il en ajoutant qu'il est particulièrement confiant et voit un avenir très clair et brillant pour SAP dans les dix ans à venir.
Jim Hagemann Snabe (cliquez sur la photo pour l'agrandir)
HANA s'utilise comme toute autre base de données, en lieu et place de celle-ci. "Du point de vue des tarifs, nous voulons être très transparents : il n'y aura aucun coût supplémentaire lié à HANA, alors même qu'il s'agit de la meilleure base de données au monde. Il s'agit d'une évolution de la Business Suite", affirme Jim Hagemann Snabe. HANA devrait donc être facturé au nombre d'utilisateurs, tout comme toute autre base de données et dans les mêmes gammes de prix, c'est-à-dire à hauteur de 15 % environ du prix global.
La Business Suite sur HANA : pour quels usages ?
En conclusion de son intervention, Hasso Plattner, constatant comme tout le monde l'explosion des applications mobiles qui, dit-il, "nécessitent des temps de réponse inférieurs à 3 secondes", se dit convaincu de l'importance de ce lancement, qu'il compare lui aussi à celui de R/3 il y a 20 ans, et explique que "nous avons tous à découvrir le potentiel réel de la technologie HANA"
C'est bien là que se situent les interrogations. Quatre clients utilisateurs pionniers de tout ou partie de la Business Suite sur HANA étaient venus apporter leur témoignage lors de l'annonce. Tous étaient – on s'en doute – particulièrement enthousiastes. Le plus dithyrambique a sans doute été Derek Dyer, directeur des services SAP monde chez John Deere, qui témoignait depuis New York : "Notre solution existante était satisfaisante et robuste, mais les performances n'étaient pas au rendez-vous et le reporting était trop statique. HANA nous a apporté le temps réel". Les Européens aussi, étaient très positifs. Ainsi Enzo Bertolini, DSI du groupe Ferrero, affirmait-il "beaucoup compter sur SAP et sur HANA en particulier pour atteindre l'objectif de doublement du chiffre d’affaires de sa société dans les pays non européens à l'horizon de 5 ans". Et les premiers tests qu'il a menés lui donnent à penser que la Business Suite sur HANA apporte des améliorations significatives des performances et des usages. "Nous avons fait un premier pilote en Allemagne et le déploiement dans les autres pays est en cours. Nous testons les fonctionnalités à la recherche des domaines dans lesquels l'accélération des traitements est vraiment utile", expliquait-il.
Démonstration en temps réel de la puissance de la solution (cliquez sur la photo pour l'agrandir)
Tout aussi enthousiastes, Kurt de Ruwe, DSI de Bayer Material Science, qui enregistre une amélioration des performances par un facteur 10, et Norbert Paulus, Executive Vice President Broadcast and IT de la chaîne de téléshopping HSE24, lorgnent plutôt du côté du CRM, au moins dans un premier temps. Et c'est ce qui frappe le plus dans ces témoignages : les entreprises utilisatrices semblent tellement subjuguées par les apports de HANA en termes de performances, mais surtout en termes de nouveaux usages et de nouvelles opportunités, qu'elles paraissent un peu déboussolées et perplexes. "Qu'allons-nous bien pouvoir faire de toute cette puissance et de toutes ces possibilités ?", semblent-elles se dire.
Il est vrai que si technologiquement il n'y a pas de rupture, la possibilité d'utiliser la Business Suite avec une base de données temps réel comme HANA et de faire du reporting sur des données mises à jour instantanément ouvre un monde d'opportunités. Le plus probable est que les entreprises vont adopter cette technologie en l'implémentant en premier lieu dans le ou les domaines où les apports sont les plus évidents. Puis, elles en étendront l'usage progressivement aux autres domaines fonctionnels. Selon Bernd Leukert, Senior Vice President de la gouvernance qualité et de la production chez SAP, 30 à 50 clients attendent déjà impatiemment de pouvoir utiliser la Business Suite sur HANA. "Le rythme d'adoption sera dicté par la valeur ajoutée au métier, mais plusieurs centaines de clients sont déjà potentiellement intéressés", explique-t-il. Rappelons que quelque 40 000 entreprises utilisent la Business Suite de par le monde.
Et Hasso Plattner de conclure "HANA impose de repenser les interactions des utilisateurs. Ce sera là la prochaine grande étape". Ce n'est qu'à ce moment-là que SAP pourra réellement s’enorgueillir d'avoir (une nouvelle fois...) révolutionné l'informatique d'entreprise.
Benoît Herr