Printemps de l'USF : sous le signe de l'innovation et du Big Data
430 personnes s'étaient donné rendez-vous le 19 mars dernier à Paris pour la 7ème édition de cet événement et assister aux conférences thématiques, aux ateliers et à l'assemblée générale de l'association des utilisateurs SAP francophones. Avec 24 ans d'existence, l'USF (club des Utilisateurs SAP Francophones) compte 45 groupes de travail animés par des bénévoles, qui tiennent quelque 120 réunions par an. L'USF, ce sont surtout 2 800 adhérents représentant près de 450 entreprises et plus de 3 500 participants aux réunions et événements organisés par l'association. Cette journée a également été l'occasion de dévoiler la nouvelle identité visuelle et le nouveau site internet de l'association, qui enregistre plus de 1000 connexions par semaine.
Une nouveauté cette année : la publication du premier rapport d'activité de l'histoire de l'association. Ce document retrace en images, en chiffres et en textes toute l'activité de 2012, depuis la carte d'identité de l'USF jusqu'à la liste exhaustive des commissions et groupes de travail en passant par des reportages sur l'événement du printemps 2012 et la convention de l'automne.
Notons qu'à l'issue de l'assemblée générale, Claude Molly-Mitton a été réélu à la présidence de l'USF, pour la 4ème année consécutive. Signalons également que la convention 2013 de l'USF se tiendra les 9 et 10 octobre à Reims.
Quel est le rôle des systèmes d'information comme facteur d'innovation ?
Telle était la question centrale posée lors de cet événement de printemps. Jean-Yves Leonnec, directeur de la gouvernance IT chez Orange France et Orange Business Solutions, ex-directeur de l'innovation de France Télécom, a apporté des éléments de réponse. Pour lui, les SI sont le socle de la transformation de l'entreprise en entreprise digitale : plus de digitalisation signifie plus de profitabilité, au travers du cloud, des Big Data/Fast Data et d'une accélération de la production, notamment sur le segment low-cost du marché. "Cela nécessite une transformation des compétences", explique-t-il. "Nous avons mené de nombreux projets, de la gestion des notes de frais à l'écoconduite en passant par le réseau social Plazza, qui est devenu le lien social du personnel, et tout a été fait électroniquement, avec zéro papier". 57 % du personnel d'Orange a accès à l'intranet en mobilité. "Nous développons une politique de BYOD : tout le personnel peut acheter sa tablette à -30 % par rapport au prix catalogue, et il a accès aux réseaux sociaux depuis son poste de travail", ajoute Jean-Yves Leonnec, qui est aussi revenu sur le contexte de tensions persistantes au sein d'Orange : "les télécommunications sont dans une situation difficile. Déployer des réseaux est un métier très capitalistique : la 4G et la fibre optique représentent de gros investissements. Plus on développe ces réseaux, plus on ouvre le jeu aux acteurs 'over the top', qui sont plus agiles et optimisent leur politique fiscale : on fait donc leur jeu. En outre, des acteurs 'low cost' sont apparus et détruisent la valeur : notre chiffre d'affaires décroît plus vite que la structure de coûts".
Comment l'informatique peut-elle aller plus vite et aider à redresser cette situation ? Pour Jean-Yves Leonnec, "la concentration des centres de calcul peut être utile et la stratégie d'Orange est de porter toutes les applications dans le cloud. L'enjeu est d'atteindre 100 millions d'euros d'économies annuelles. Orange voit aussi le cloud comme une infrastructure qui lui permettra d'être plus agile et de livrer des versions plus facilement". Parallèlement, le Big Data/Fast Data se développe et l'ensemble des objets va devenir communicant, avec notamment les smart cities et le M2M. "Pour autant, ce développement ne compense pas la perte de revenus : il nous faut donc changer la règle du jeu du marché et notamment celle des acteurs 'over the top', en monétisant la donnée mobile. Orange développe des applications permettant de tracer les consommations et de segmenter finement les clients : les nouvelles solutions vont permettre d'analyser via des applications de CRM et de BI d'énormes quantités de données", assure Jean-Yves Leonnec. "Les données sont un enjeu majeur de la transformation du métier du DSI, qui va de plus en plus dialoguer d'égal à égal avec les entités métier et calculer la valeur qu'il peut apporter à l'entreprise. Le DSI doit comprendre le business et s'y associer, se baser sur des faits, des KPI et sur leur amélioration. Nous sommes à un tournant historique".
L'avocat Thibaut du Manoir de Juaye s'est ensuite demandé si notre législation freinait l'innovation. Et poser la question, c'est déjà y répondre. Puis, notre confrère Philippe Nieuwbourg, à l'occasion du lancement de son ouvrage "Enjeux stratégiques et études de cas Big Data", dont la version électronique est disponible gratuitement sur le site decideo.fr, a dépeint de manière très attractive et avec humour quelques cas d'utilisation. "Le Big Data est un moteur de l'innovation, mais il y en a beaucoup d'autres. Dans tous les cas, il est impératif de créer de la valeur : on ne réorganise pas l'entreprise autour du Big Data et on n'innove pas en copiant l'autre sans prendre de risques", affirmait-il.
Pour conclure la matinée, Didier Mamma, directeur database & technology chez SAP France, a fait un constat alarmant : en France, on innove moins qu'ailleurs car la tolérance a l'échec y est moindre. 20 % des entreprises françaises tirent les leçons de leurs échecs, contre 50 % au Royaume-Uni et 40 % aux Pays-Bas. "Le facteur ambition en France est le plus bas d'Europe : 1,6 contre 1,8 partout ailleurs et 2,4 aux Pays-Bas", se désole Didier Mamma, qui s'appuie sur des études pour annoncer ces chiffres et ajoute un constat plus personnel pour expliquer la situation : "l'influence de Descartes en France est plus forte que celle de Darwin".
Oracle et ses clubs
Quelques jours plus tard, les clubs utilisateurs d'Oracle (Peoplesoft, JDEdwards et AUFO – Association des Utilisateurs Francophones d'Oracle) tenaient leur événement de printemps.
Changement de décor pour une ambiance très "corporate" : la plénière "Oracle Applications" a été assurée en anglais par Chris Leone, senior VP développement produit d'Oracle, qui a développé les thèmes du moment que sont le social, le Big Data, la mobilité et le cloud et la manière dont Oracle répondait point par point à ces problématiques. Toujours en anglais, Avit Zavery, group VP Oracle Fusion middleware, après avoir annoncé qu'Oracle était le leader du marché dans ce domaine, a présenté la roadmap de l'éditeur concernant le middleware.
En revanche, l'intervention d'Éric Fimbel, docteur en sciences de gestion, professeur à la Reims Management School, chercheur au LIRSA-CNAM et conseiller scientifique IES (Institut Esprit Service) du MEDEF, a quelque peu dénoté avec les précédentes. Intitulée "Les effets dévastateurs de la 'mythinformatique'", elle avait pour objet de déclencher une réflexion et une prise de hauteur dans l'assistance. Objectif atteint : à partir des enseignements de l'ouvrage de Langdon Winner "La baleine et le réacteur - À la recherche des limites au temps de la haute technologie", Eric Fimbel nous a fait réfléchir aux dictats de la technologie et au somnambulisme technologique dont semblent être frappées bon nombre de sociétés. "Si vous offrez un iPhone à votre enfant de 10 ans pour Noël en imaginant que cela le transformera en adulte responsable et éclairé, vous êtes dans l'erreur", a-t-il lancé. Et le tout à l'avenant, depuis la fustigation des prêcheurs, des "évangélistes", chargés de porter la bonne parole, la foi centrale, dans les filiales et sur le marché jusqu'au mythe de la neutralité des technologies : "rien, dans la technologie moderne, ne peut a prioriêtre considéré comme neutre. Le fait de savoir conduire une voiture, par exemple, de savoir comment elle fonctionne ou de connaître le code de la route ne nous dit rien sur la manière dont la voiture affecte la texture de la vie moderne". Gardons le contact avec la réalité : "vaut-il mieux regarder le tableau de bord ou la route ?", demande Eric Fimbel, avant de justifier son discours : "il vaut mieux être un chiant précoce qu'une victime tardive...".
Cette journée a aussi été l'occasion de décerner le trophée des trophées Oracle, qui est revenu à la société Cosea (cf. Cosea remporte le Trophée des Trophées des Clubs Utilisateurs Oracle).
Benoît Herr