Jusqu'à présent, lorsqu'on évoquait les applications Machine-to-Machine avec un DSI, il affichait un air plutôt dubitatif et interrogateur, estimant que ce domaine relevait plus du monde industriel que de celui de la gestion. Mais de nouveaux usages sont nés, les applications se sont diversifiées encore plus et impliquent désormais les SI centraux de l'entreprise, dont naturellement l'ERP. Ces applications nécessitent désormais une intégration plus large et impliquent même parfois le traitement de volumes massifs de données, répondant à la définition du Big Data (le Big Data commence là où les infrastructures traditionnelles ne suffisent plus à assurer le traitement des données, qui implique alors des infrastructures spécifiques). Quelques exemples : un distributeur de boissons pourra détecter que son stock est en train de se réduire et déclencher de lui-même un ordre de réapprovisionnement. D'autres exemples vont de la collecte des déchets par pesée des ordures déposées dans un container équipé d'une puce à la prévention de pannes automobiles jusqu'au fameux compteur intelligent d'eau, de gaz ou d'électricité, en passant par de nombreuses applications en télémédecine.
"IDC considère le M2M comme la 'Next Big Opportunity'", affirme Jean-Charles Massé, directeur de mission en architecture SI chez Bull. Pour François Gatineau, directeur du business center machines connectées chez Atos Worldline, "les machines connectées sont maintenant aussi bien une réalité pour le marché de masse que pour les industriels. Le M2M, initialement dédié à la collecte et à l'envoi de données, est en train de grandir sur les innovations métier". Pour Carrie MacGillivray, directeur des programmes services mobiles chez IDC : "le M2M va sans nul doute accroître la productivité et élargir la vie des machines ou 'objets' parce qu'elles sont connectées et que chaque connexion va fournir des données importantes aux entreprises, qui leur permettront de prendre des décisions en temps réel, sur la base de faits". Les conférences organisées en parallèle du récent salon Machine-to-Machine, qui se tenait à la porte de Versailles à Paris les 10 et 11 avril, ont apporté quelques éclairages sur la question.
Plates-formes génériques
L'adoption plus large des solutions M2M se heurte à certains freins, tels que l'absence d'offres multi-industries complètes ou celle de solutions de connectivité à la couverture mondiale adaptée. L'une des réponses apportées par les offreurs du domaine est appelée "plate-forme générique". Il s'agit de solutions clés en main alliant l'infrastructure cloud et les capteurs aux logiciels et aux services, permettant de traiter une problématique M2M de bout en bout. Parmi d'autres, Atos Worldline propose ce genre de solutions. Bull développe une plate-forme baptisée Boost, qualifiée par Jean-Charles Massé de "DaaS" (Device as a Service), qui permet à l'entreprise utilisatrice de s'affranchir des verrous technologiques et ainsi d'accélérer les développements.
Ces plates-formes cloud sont conçues sur mesure pour permettre la mise en place de véritables écosystèmes réseaux, intégrant l'ensemble des composants nécessaires de manière sécurisée. Pour François Gatineau, "nous sommes à l'aube d'une révolution et l'on évolue vers un écosystème de partenaires où la donnée ne sera plus la richesse, mais le moyen permettant aux savoir-faire des organisations métiers de fournir de nouveaux services riches et de grande valeur".
M2M et Big Data
Selon la loi de Metcalfe, le fondateur de 3Com, la valeur d'un réseau croît exponentiellement en fonction du nombre de points connectés. Le nombre des objets connectés croît lui-même de manière fulgurante et les analystes se battent à coups de milliards (10 milliards aujourd'hui, 50 milliards en 2020 ? Ou 2015 ? Voire avant...) d'objets connectés dans le monde. Les interactions entre ces objets croissent de manière exponentielle et le nombre des mesures (pour un compteur intelligent on passe d’une à deux mesures par an à une mesure par heure !) fait de même. Le M2M est entré de plain-pied dans l'ère du Big Data.
Il y a quelques années encore, il aurait été impensable de voir figurer SAP au nombre des intervenants à une table ronde consacrée au M2M : les volumes de données échangés et la nature des applications étaient loin de pouvoir intéresser le géant allemand. Pourtant, il était bien là en 2013, représenté par son responsable du business développement France, Thierry Pierre, à évoquer ses solutions spécifiques et le Big Data, avec sa solution in-memory HANA – encore elle !

Ericsson et SAP ont en effet début mars conclu un accord de commercialisation, basée sur une offre SaaS conjointe de solutions et services M2M, en mode cloud dans le monde entier. Revoilà les plates-formes M2M génériques : la combinaison des services, des solutions, des technologies et des infrastructures réseaux pour opérateurs d'Ericsson, appelés Device Connection Platform & Service Enablement Platform, et des solutions de SAP (HANA) devraient fournir aux entreprises les moyens de répondre aux attentes de leurs clients. Jim Hagemann Snabe, co-CEO de SAP, déclare : "ensemble, nous allons lever tous les freins à l'adoption des solutions M2M en proposant une solution simple, économique et rapide à mettre en œuvre. Les entreprises vont profiter d'une offre qui leur apporte tout ce dont elles ont besoin pour communiquer avec leurs machines et les aider à transformer de vastes volumes de données en informations temps réel à même de soutenir leurs processus de décision".
Malo Jennequin, directeur de mission "innovative solutions" chez Bull, plante le décor en décrivant un processus étonnamment familier : les principales approches du Big Data dans le M2M se font au travers de trois étapes que sont l'acquisition des données, leur organisation et leur stockage, puis leur analyse au travers de requêtages. Cette approche ressemble à s'y méprendre à celle, classique, des applications de business intelligence. Le M2M n'invente donc rien et n'est finalement pas si éloigné que cela de choses connues depuis des décennies. C'est sans doute ce qui en fait un candidat plus que crédible pour assurer la prochaine vague d'évolution de l'informatique.
Jacques Mezrahid, directeur de l'innovation de Sogeti, enfonce le clou en évoquant les projets innovants menés par sa société dans le monde de l'automobile, pour non seulement analyser des pannes avérées, mais aussi les prévenir. Pour cela, Sogeti a conclu des accords avec les équipementiers et les constructeurs pour équiper les véhicules, en première ou en deuxième monte, de capteurs transmettant un nombre phénoménal d'informations. Et que dire de Jacques Bourgain, président de la toute jeune société GA-MM, qui se présente comme retraité et fondateur de cette start-up : intervenant dans le domaine du bâtiment intelligent, il propose un système expert pour une gestion active du bâtiment.
Ces multiples applications génèrent de plus en plus de données, qui doivent de plus en plus être intégrées aux SI des entreprises concernées. Lorsque les machines parlent aux machines et que l'intervention humaine devient l'exception, l'informatique passe effectivement à la vitesse supérieure.
Benoît Herr