Lors du récent salon Stratégies Clients, Laurent Deslandres, directeur de Colorado Conseil, a présenté une synthèse de l'enquête, à laquelle ont répondu 120 responsables d'entreprises. Il en ressort que l'e-mail et le téléphone restent les canaux dominants du CRM à hauteur respective de 97 et 96 %, les médias sociaux représentant 36 %, les SMS 28 %, le self-service Web, le call-back Web et le chat étant autour de 20 %. Si l'éventail des canaux s'ouvre bien aux nouveaux médias, ceux-ci ne représentent pour le moment que 5 % des échanges.
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Convaincus que les médias sociaux vont fortement augmenter ainsi que les autres canaux synchronisés (chat, call-back Web, visio), les entreprises pensent que la téléphonie va rester stable ou baisser légèrement. Pour Laurent Deslandres, "on assiste à une densification de la relation client grâce à la numérisation : les gens se manifestent plus. Mais les canaux traditionnels ne disparaîtront pas." De même, l'e-mail n'a pas éliminé le téléphone, comme le prévoyaient certains il y a 10 ans. Autre tendance forte, la prise en compte des équipements mobiles devient une préoccupation importante des entreprises : dans 15 à 20 % des cas, elles déclarent que la mise en place de fonctions adaptées est en cours.
Les sociétés interrogées évoquent des budgets en hausse dans le CRM : c'est une stratégie pour beaucoup d'entreprises malgré la crise, mais cet aspect n'est pas nécessairement confirmé sur le terrain. Interrogées sur les freins qu'elles rencontrent dans leurs projets, 54 % des entreprises considèrent que le plus important est la lourdeur des investissements nécessaires, et 26 % citent l'élaboration de feuilles de route stratégiques. "Les entreprises ont besoin de temps pour se faire une idée précise sur les nouveaux canaux et les outils de changement. Avant de se précipiter sur les dernières innovations, il y a des choix à faire.", constate Laurent Deslandres.
Les éditeurs de CRM, soutiens inconditionnels des canaux multiples
Une table ronde a réuni quatre acteurs du monde du CRM pour débattre de l'adaptation des outils à l'évolution des technologies et des usages. Interrogés par Jocelyne Youyou, directeur de mission au CXP, sur la manière de gérer efficacement le multicanal en conciliant les différentes données, tous les éditeurs affirment être complètement impliqués dans cette démarche, qui a évolué au fil du temps. Ainsi, Salesforce s'emploie depuis plusieurs années à intégrer les réseaux sociaux dans le CRM. "L'opérateur du service client les traite comme les autres canaux", affirme Pierre-Olivier Chotard, directeur marketing Europe du sud de Salesforce. "En outre, des outils d'écoute sociale ont été intégrés, permettant de transformer des échanges en opportunités commerciales." Easiware a également intégré une connexion entre la fiche client et les réseaux sociaux tels que Facebook et Linkedin. "Mais une vision de l'ensemble du SI de l'entreprise est indispensable pour passer en mode collaboratif", insiste Damien Duchateau, PDG d'Ines CRM.
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"Les nouveaux canaux correspondant à de nouveaux usages, n'y a-t-il pas un risque qu'ils soient privilégiés par rapport aux canaux plus anciens ou qu'on assiste à un phénomène de basculement ?", demande Jocelyne Youyou. "Chaque canal a son efficacité", répond Patrick Giudicelli, président d'Akio : "Le téléphone permet d'expliquer une situation complexe à une personne physique et le 'chat' de communiquer tout en exécutant parallèlement une autre tâche." Le choix d'un canal peut répondre à un souci d'efficacité, explique Damien Duchateau : "si un client n'obtient pas de réaction rapide lorsqu'il fait une réclamation sur un canal, il en essaie un autre." Mais tous les canaux ne concernent pas les mêmes secteurs ni le même public : "les jeunes n'utilisent pas les mêmes canaux que les personnes plus âgées", constate Astier Verschuere, directeur produit chez Easiware ; "c'est pourquoi il faut ouvrir le maximum de canaux." Quant aux réseaux sociaux, ils changent fondamentalement la manière d'interagir avec les clients : "ils apportent la transparence car la question et la réponse sont visibles par tout le monde. Des cas peuvent être résolus par les clients qui enrichissent ainsi la plate-forme de la marque", note Pierre-Olivier Chotard.
Ces différents canaux sont-ils gérés indépendamment les uns des autres avec des files d'attente dédiées ? "Il faut distinguer les canaux urgents que sont le téléphone et le 'chat' des autres canaux pour lesquels un temps d'attente est admis", précise Astier Verschuere. Pour ceux-ci, il n'existe qu'une seule file d'attente, assortie de priorités. Et c'est le profil du client qui fait la différence : "Un client qui a beaucoup de suiveurs sur un réseau social a une forte priorité", estime Pierre-Olivier Chotard.
La mobilité, une évolution incontournable
L'accès en mobilité progresse rapidement pour de multiples fonctions de l'entreprise : les éditeurs de CRM le prennent en compte et innovent en tirant parti des nouvelles possibilités qu'il offre. C'est le cas des commerciaux d'Axa, qui disposent des outils de Salesforce sur leur tablette ou des agents des trains Ouigo, équipés de la solution Easiware, qui saisissent les réclamations sur leur tablette avec transmission immédiate au service client. "Mais il faut aussi pouvoir travailler en cas d'absence de réseau et donc disposer d'un mode déconnecté", prévient Astier Verschuere. Ces terminaux performants suscitent de nouvelles applications, ainsi que l'imagine Patrick Giudicelli : "Un consommateur qui a un accident est géolocalisé par son mobile, il prend des photos et des vidéos de l'accident, les transmet immédiatement au service client de l'assureur, qui peut envoyer un garagiste si nécessaire."
Le CRM et le SI de l'entreprise
L'augmentation de la masse des données collectées par le CRM pose un problème de gestion et de dédoublonnage des données mais aussi de relation avec le SI de l'entreprise. "Il faut s'appuyer sur les outils transactionnels et utiliser des liens hypertextes et des Web services pour communiquer. Mais cela impose d'avoir des outils ouverts", insiste Astier Verschuere. L'intégration dans le back-office est indispensable et les données doivent être conservées soit dans le CRM, soit dans l'ERP, selon l'architecture choisie. Elles deviennent disponibles à tous les niveaux, ainsi que l'illustre Pierre-Olivier Chotard : "le RSE Chatter permet de s'abonner aux opérations d'un client, par exemple à ses factures gérées dans l'ERP. Si c'est une facture impayée, l'abonné reçoit automatiquement une notification lors du paiement de la facture." Mais la gestion des données peut être complexe et il n'est pas toujours facile de savoir combien de temps il faut conserver les données, comme l'explique Patrick Giudicelli : "que faire d'un contact qui appelle une seule fois et qui n'est pas un client ?"
Freins et conditions de réussite
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Pour qu'un CRM se déploie efficacement dans une entreprise, il faut une réelle adhésion des collaborateurs. "Il est illusoire d'imaginer avoir tout prévu avant la mise en place de la solution, explique Astier Verschuere : "il vaut mieux découper le projet en plusieurs lots et se laisser des marges de manœuvre pour que l'utilisateur apporte des briques à l'édifice." Ce que confirme Pierre-Olivier Chotard : "les méga-projets ne sont plus d'actualité. Pour qu'une application soit déployée, il faut qu'elle soit simple." Un autre élément fondamental du succès d'un projet CRM est l'implication de la direction de l'entreprise. "L'existence d'un sponsor interne est indispensable et il vaut mieux que ce soit la direction : si elle n'est pas impliquée, le projet court à l'échec", prévient Damien Duchateau. "Il faut également que la société réfléchisse à ses besoins et les formalise au moyen d'un cahier des charges", conseille Astier Verschuere. Enfin, l'adoption généralisée du SaaS par les éditeurs de CRM a ouvert de nombreuses possibilités. "C'est un moyen puissant pour libérer les freins", constate Patrick Giudicelli. Mais elle entraîne des exigences fortes pour les éditeurs : "le système d'abonnement facturé à l'usage oblige à la recherche de la meilleure solution. Le produit doit être simple et la formation courte. Si le client n'est pas satisfait, il passe à la concurrence", avertit Pierre-Olivier Chotard.
René Beretz