Organisateur des assises, le club MES regroupe des éditeurs, intégrateurs et consultants, actifs dans le monde des MES (Manufacturing Execution System). Se définissant comme un club d'offreurs informant les utilisateurs, il réalise des actions de promotion et favorise les échanges entre l'université et l'industrie. Il a créé un réseau technologique et scientifique et a lancé une communauté de pratiques animée par des utilisateurs.
Une enquête nationale menée par le club MES avec un partenaire de la presse a obtenu 55 réponses. Les industriels concernés sont quasiment tous équipés d'un ERP mais seuls 53 % disposent d'un MES. Les freins le plus souvent évoqués pour la mise en œuvre d'un MES sont l'absence de budget spécifique et la difficulté de calculer le retour sur investissement. L'ergonomie de l'interface utilisateur devient l'un des critères principaux dans le choix d'un MES et l'appui de la direction générale est le facteur essentiel garantissant le bon déroulement du projet. Les indicateurs de performance le plus souvent cités sont la réalisation du programme (quotient de la production réalisée par la production prévue) et le TRS (Taux de Rendement Synthétique), c'est-à-dire le produit des taux de disponibilité, de performance et de qualité.
Séance plénière d'ouverture des assises du MES
La mise en place d'outils de MES dans une usine répond à un besoin d'automatisation des processus. Particulièrement inefficace, l'utilisation de documents sur papier engendre de nombreuses erreurs. Ainsi chez Winoa, leader mondial de la fabrication de grenaille abrasive, la mise en place d'un outil de MES a permis de numériser les OF (Ordres de Fabrication) et de les gérer automatiquement, remplaçant la version sur papier qui était recopiée plusieurs fois depuis la fabrication jusqu'à l'expédition en passant par l'emballage. Le MES a amélioré le suivi des opérations grâce à la collecte automatique des informations ainsi que les performances et la qualité : elle s'est appuyée sur des équipements tels que de terminaux mobiles et des scanners.
Le décisionnel industriel
À côté du MES, qui assure le suivi et le pilotage des chaînes de production, l'EMI (Enterprise Manufacturing Intelligence) ou décisionnel industriel exploite les données pour en tirer des enseignements. Ainsi, un responsable de production voudra comprendre les causes des aléas de production pour améliorer son TRS ; un responsable financier désirera diminuer la consommation de matières, de ressources et d'énergie ; et un responsable qualité poussera au respect des normes et voudra assurer la traçabilité de matières.
Stéphane Crepet, dirigeant de la société Productys, illustre les deux concepts de la manière suivante : le conducteur d'un véhicule qui fait un trajet relève en fin de parcours sa consommation de carburant. S'il constate une surconsommation, il se posera des questions sur les conditions météo (du vent de face), sur sa configuration (galerie chargée qui fait obstacle à l'avancement) ou sur le fonctionnement du moteur : c'est du décisionnel (EMI). Mais pendant son voyage, il contrôle en temps réel son indicateur de vitesse et ralentit immédiatement si nécessaire. Et en regardant son compte-tours, il sait s'il doit changer de vitesse : c'est de l'opérationnel (MES). Ces deux notions ne sont pas aussi dissociées qu'il y paraît, un ordinateur de bord fonctionnant en temps réel pouvant facilement détecter une surconsommation de carburant.
La qualité de l'analyse dépend étroitement de celle des données. Le premier souci est donc celui de la collecte. Les indicateurs reçus des différents sites et ateliers n'étant pas homogènes, il faut les rendre cohérents. Les travaux de préparation peuvent être longs car tous les acteurs de l'entreprise doivent se mettre d'accord sur des indicateurs communs. Le MES apporte une structuration à la collecte des données et les pérennise donc, d'autant plus qu'il s'appuie sur une norme largement partagée, ISA 95.
Stéphane Crepet, de Productys, et Yves Lardanchet, de Siemens France, pendant leur atelier
"Mais la tendance à enregistrer un maximum de données est contre-productive, prévient Stéphane Crepet. Il ne faut pas tout 'historiser' tout le temps. Par exemple, c'est inutile quand l'équipement est à l'arrêt. En faisant preuve de souplesse, il est possible d'obtenir beaucoup d'informations en collectant judicieusement une quantité minimale pertinente de données." Enfin, pour que les données prennent toute leur valeur, il faut qu'elles soient contextualisées, c'est-à-dire reliées au site, au matériel, à l'application...
Quelle est la place des MES dans le SI de l'entreprise ? Yves Lardanchet, directeur des ventes et livraisons MES chez Siemens France, décrit les différentes couches de systèmes qui échangent des données au sein de l'entreprise, depuis l'atelier jusqu'aux systèmes de gestion. Les chaînes de fabrication produisent des données, soit automatiquement (automates ou interfaces de contrôle-commande), soit par identification (lecteurs de codes-barres, RFID), soit manuellement par la saisie des opérateurs. Toutes ces données sont sauvegardées par le MES ou des "pompes à valeurs" dans un historique sur un poste serveur. Les outils de maintenance, production, planification viennent par-dessus. La couche la plus haute est celle de la gestion (finances, comptabilité, qualité, méthodes, GPAO, ERP). En pratique, ne remontent à cette dernière que 5 % des données acquises.
Le MES et les dirigeants
Outil technique destiné aux ateliers et usines, les MES peuvent déborder de ce cadre et concerner la direction des entreprises. La communauté de pratiques du club MES a travaillé sur ce sujet et certains de ses membres l'ont abordé pendant les assises. Les MES sont appréciés sur le terrain comme outils de suivi, de traçabilité et d'aide au pilotage mais les dirigeants les perçoivent comme une boîte noire dont ils ne voient pas l'intérêt à leur niveau. Alors qu'ils ne se posent plus la question de la nécessité d'un ERP, ils n'identifient pas vraiment la place d'un MES. Toute la question est de faire prendre conscience aux sponsors et dirigeants que ce sont des outils de rationalisation des processus, de support de benchmarking, de tableaux de bord temps réel.
Dialogue entre les participants et les orateurs
Pierre Touiller, responsable des projets MES chez Rio Tinto Alcan, fait le bilan de 10 ans d'implantation de MES dans toutes les usines du groupe :"d'un côté, la direction de l'usine apprécie de gagner deux points de TRS, de l'autre, les MES se connectent bien aux ERP. Mais nous n'avons pas encore trouvé le Saint-Graal pour la justification globale des MES." Le MES possède des atouts d'amélioration de la réactivité : il faut travailler les fonctions qui permettent de trouver très vite les dérives. En particulier, il est essentiel d'analyser les données sans attendre la fin du mois. Ainsi, si la production et la rentabilité d'une chaîne dérivent au bout de 3 postes, il est possible de réagir immédiatement. Mais ces succès incontestables au niveau d'un projet, qui permettent de gagner des points de TRS, ne se transforment pas facilement en un gain global. Le club MES et la communauté de pratique ont encore du pain sur la planche.
René Beretz