Il est cependant intéressant de constater que toute étude de TCO menée et publiée par les organismes généralement indépendants est non seulement bien souvent en désaccord avec la précédente, mais aussitôt mise à profit par les différents éditeurs concernés par ladite étude pour expliquer que le TCO auquel ils arrivent avec leur(s) produit(s) est le meilleur et le plus intéressant pour l'entreprise utilisatrice. Ainsi en va-t-il d'une étude menée par le Aberdeen Group en 2006, concernant Infor, Lawson, QAD, Oracle et SAP.
Infor estime sortir vainqueur de l'étude parce que celle-ci fait apparaître que ses produits présentent le coût de possession de logiciels et services par utilisateur le plus faible du marché et que les solutions spécialisées proposées par Infor exigent moins d'adaptations spécifiques, de ressources informatiques et sont mises en ?uvre plus rapidement. À ceci Lawson réplique que ses produits se positionnent en tête sur trois critères clés du TCO : le prix, le rapport prix/performances et le coût des bénéfices obtenus, le tout dans la même étude.
Quant à QAD, le 7 août 2007 l'éditeur publiait un communiqué de presse selon lequel le TCO par fonctionnalités, d'après une autre étude, plus récente, intitulée celle-ci "The Cost of ERP Functionality", menée par le même Aberdeen Group, le plaçait en tête.
Comment s'en sortir ?
En fait, la première étude, intitulée "The Total Cost of ERP Ownership", Aberdeen distinguait trois différents éléments de coûts liés à l'implémentation des ERP :
- Les coûts logiciels
- Les coûts des services externes
- Les coûts internes
Ceci explique un peu cela. Car la détermination du TCO est tout sauf simple : elle dépend du périmètre de l'étude et fait intervenir de nombreux critères, comme par exemple les réductions accordées par les éditeurs lors d'achats de volumes. Champion toute catégories en matière de volumes, SAP affiche un nombre moyen d'utilisateurs de 1365 par installation, ce qui est bien entendu largement plus élevé que la plupart de ses concurrents (Microsoft Dynamics, Epicor, QAD, Lawson, Infor et même Oracle, avec 834 utilisateurs) plus orientés PME/PMI ayant fait partie de la même étude. Ceci permet à SAP d'accorder bien plus facilement des réductions sur les volumes qu'Epicor, qui affiche une moyenne de 62 utilisateurs. Ainsi, SAP peut se permettre d'afficher le meilleur coût logiciel, avec 194 $ par utilisateur, tandis qu'Infor est à 321 $ par utilisateur.
On est toujours le meilleur dans un domaine, même lorsqu'il s'agit de TCO.
Les choses se compliquent bien sûr pour SAP lorsqu'on commence à intégrer les coûts liés au service, inévitablement plus élevés que ceux d'éditeurs proposant des solutions plus "light", mais pas tant que ça, finalement, lorsqu'on compare les 186 $ de SAP aux 179 $ d'Oracle, par exemple. Il est clair que les solutions d'Oracle ne sont pas forcément "light" non plus et s'adressent assez directement aux même utilisateurs que les solutions SAP.
"The Cost of ERP Functionality", menée en 2007, tente d'être plus précise que celle de 2006 en rapportant les coûts au nombre des fonctionnalités utilisées et au nombre des modules du logiciel mis en place. On s'aperçoit ainsi que les utilisateurs de SAP et d'Oracle implémentent plus de modules que leurs concurrents, mais que l'avantage va à Epicor lorsqu'il s'agit de pourcentage de fonctionnalités utilisées.
Une étude chasse l'autre
Nous n'avons pas encore fini de nous poser des questions sur l'analyse des résultats de ces deux premières études qu'une troisième nous est annoncée en fanfare par le même Lawson, le 21 août dernier, au travers d'un communiqué de presse. D'après ce dernier, une étude ("The Total Cost of ERP Ownership in Mid-Size Companies", par Cindy Jutras, NdlR) menée auprès de 645 PMI par la société de recherche indépendante Aberdeen Group a identifié Lawson comme le meilleur fournisseur d'amélioration de performance métier. La société prend la tête d'un classement qui compte cinq autres éditeurs d'ERP : QAD, Epicor, SAP, Oracle et Infor. L'étude Aberdeen révèle que Lawson délivre plus d'améliorations mesurables que ses concurrents, pour les mêmes investissements logiciels et de services associés.
Parfait, mais s'agissant de solutions métier, les "petits" éditeurs français et européens, qui résistent bien aux coups de boutoir des géants étrangers, qu'ils soient allemands, américains ou autres, sont légions. Et alors même qu'ils ne figurent jamais dans aucune étude américaine, ils offrent souvent des solutions bien adaptées (mieux ?) aux besoins et appréciées des entreprises françaises et européennes, PME/PMI en tête.
Contrairement à ce qu'on pourrait penser au vu de tout ce qui précède, le Aberdeen Group n'a pas le monopole des études de TCO des ERP ! Les éminents confrères de ce respectable cabinet de Boston, Massachusetts comme Forrester Research, le Yankee Group ou le Gartner Group pour ne citer qu'eux se sont également penchés sur le sujet. Et comme la détermination de ce fameux TCO semble intéresser un grand nombre de gens, de nombreux autres organismes comme l'association Educause par exemple, se sont également penchés sur la question. À chaque nouvelle étude ses spécificités, son périmètre particulier, son mode de calcul et ses propres conclusions.
Est-ce à dire que, du fait de ce caractère très peu comparable d'une étude à l'autre, le calcul du TCO n'est finalement pas un élément aussi important qu'on veut bien le dire dans la prise de décision en matière d'implémentation d'ERP ? Faut-il penser qu'une fois de plus, les chiffres "on leur fait bien dire ce qu'on veut" ? Loin de nous l'idée de faire preuve de scepticisme dans notre propos. Il faut au contraire laisser à cette métrique toute sa valeur ; nous pensons qu'il convient au contraire de descendre le plus finement possible et au cas par cas dans l'analyse du TCO spécifique de l'activité de chaque entreprise. Ce n'est sans doute qu'ainsi qu'on arrivera à une mesure de TCO véritablement significative et fiable pour telle ou telle entreprise.
Pour le reste, à l'instar de ce Directeur Informatique d'une entreprise de fabrication industrielle cité dans l'une des études évoquées, sans doute vaut-il mieux y aller de sa dose de confiance en soi et dans le marché en expliquant "Nous avions déjà envisagé un ERP il y a une dizaine d'année, mais à l'époque les coûts ne se justifiaient pas pour nous. Aujourd'hui, les solutions ont eu dix ans pour mûrir et nous espérons trouver une solution répondant à nos besoins sur le marché. Les logiciels sont plus conviviaux et nous espérons que l'installation sera plus vite rentabilisée. Aujourd'hui les logiciels ERP sont matures. Ils sont aussi moins chers, plus faciles à mettre en oeuvre et sont d'une manière générale moins grevés de coûts de maintenance associés."
Simple question de bon sens et de pragmatisme !
Benoît Herr