Le club de la presse informatique B2B a réuni deux acteurs du marché et un DSI pour débattre du rôle respectif de la DSI et des métiers dans les choix technologiques. Le tableau est contrasté comme le montrent plusieurs études. Markess International a publié quelques chiffres à ce propos. Par exemple, une étude auprès de 100 décideurs a montré que, pour des projets innovants de ressources humaines, la direction RH joue un rôle moteur dans 81 % des cas, la direction générale dans 66 % des cas et la DSI dans 54 % des cas. Dans des projets d'interactions clients sur mobiles, la DSI joue un rôle croissant (32 % en plus) par rapport à d'autres projets. C'est encore plus flagrant pour les applications mobiles destinées aux forces de vente où l'implication de la DSI est essentielle (60 à 70 % des cas) ainsi que pour la gestion des processus documentaires (80 à 90 % des cas).
Les nouveaux profils des DSI
"Il y a plusieurs profils de DSI : les dinosaures, les innovants et les stratèges, explique David Laniado, DSI du groupe Babilou, spécialiste de crèches pour les entreprises et les collectivités. Mais les DSI sont aujourd'hui à un tournant." En effet, leur situation est délicate dans un contexte de numérisation à tout va, où les individus et les métiers vont plus vite que l'informatique institutionnelle.
Traditionnellement, les DSI imposaient les outils aux autres services de l'entreprise : mais, faute de coordination, ceux-ci étaient parfois mal perçus et donc mal ou peu utilisés. Aujourd'hui, les métiers choisissent eux-mêmes des outils SaaS ; c'est le cas en particulier des directions des ressources humaines. De même, alors que les DSI ont piloté les premiers développements de sites Web, ils en ont confié ultérieurement la responsabilité aux directions marketing. "Mais on assiste maintenant à un retour vers la DSI pour résoudre certains problèmes techniques", précise David Laniado.
Direction marketing et DSI : de l'incompréhension à la collaboration
Accenture s'est penché sur les relations entre les directions du marketing et les DSI dans une étude mondiale portant sur 10 pays dont la France, recueillant les propos de 450 directeurs marketing et 250 DSI : "The CMO-CIO disconnect". Selon Christine Rémoville, responsable de l’activité "Transformation Marketing" chez Accenture Interactive, "il faut combler le fossé entre les directions marketing et les directions informatiques et télécommunications." L'étude montre en effet que seuls 25 % des directeurs marketing et 20 % des DSI considèrent que les décisions sur les aspects technologiques sont prises en commun.
Les raisons de cette incompréhension sont multiples. 38 % des directeurs marketing disent que les solutions fournies par la DSI ne correspondent pas à leurs attentes. De leur côte, 46 % des DSI disent que les directions marketing n'expriment pas assez clairement leurs besoins, ne savent pas ce qu'elles veulent ou changent d'avis. Mais la plupart souhaitent une meilleure coordination. 56 % des directeurs marketing et 77 % des DSI estiment qu'un alignement des pratiques est nécessaire, en particulier pour l'accès aux données sur les clients, la confidentialité et la sécurité. Dans le monde, 19 % des directeurs marketing et 27 % des DSI veulent une intégration totale entre les canaux numériques et les canaux traditionnels du marketing. Mais la DSI s'intéresse surtout à l'intégration technique tandis que la direction marketing examine les résultats tangibles.
Supprimer les silos au profit d'une gouvernance globale
Jean-Luc Deixonne, directeur de programme chez Capgemini, confirme le problème de gouvernance rencontré par les entreprises : "il y a souvent des silos correspondant à la culture de l'entreprise. Les différents services doivent s'efforcer de mieux travailler ensemble." Dans ce contexte, la direction générale devrait jouer un rôle moteur dans les projets et activités mais ce n'est pas toujours le cas. Quand au DAF (Directeur Administratif et Financier), il est nécessairement présent mais son rôle réel dépend de l'objet et du périmètre du projet.
Pour être efficace, la DSI doit bien collaborer avec les autres métiers de l'entreprise et donc bien se vendre. C'est aux métiers de définir leurs processus car ce sont eux qui les connaissent. Mais la DSI s'attachera à comprendre leurs besoins. Le rôle de la DSI a changé : "la DSI fournit du conseil, de l'assistance, du pilotage de projet.", insiste David Laniado.
"La DSI doit faire en sorte que les besoins des services soient bien décrits. Cela peut se faire grâce à des outils qui aident à définir les processus. Cela permet ensuite à la DSI d'orchestrer les projets, précise Jean-Luc Deixonne. Quant aux méthodes, elles peuvent être utiles à tous les métiers. En adoptant des méthodes informatiques, ils peuvent se passer de la DSI (hors infrastructures et intégration)." L'implication des opérationnels est essentielle à la réussite des projets. David Laniado confirme que l'utilisation d'ITIL par tous les métiers donne de bons résultats, mettant en avant les bonnes pratiques.
SaaS, on-premise et gestion des données
Alors que l'intégration des applications relève de la DSI, la montée en puissance du cloud en modifie les enjeux et les méthodes. "L'intégration du SaaS est plus complexe : elle dépend de la mise à disposition de Web services par les fournisseurs. Les problèmes du on-premise sont différents mais il y en a dans les deux cas, explique David Laniado. Je laisse le métier choisir le produit qui lui convient, en SaaS ou en on-premise, mais je le préviens des caractéristiques techniques propres de chaque solution."
Pour bien communiquer avec les métiers, la DSI a intérêt à simplifier son message, "à faire du marketing", note Christine Rémoville. Dans ce but, un intermédiaire entre la DSI et les métiers s'avère souvent indispensable. Ce sera une assistance à la maîtrise d'ouvrage, le plus souvent assurée par des prestataires extérieurs. Chez Babilou, "les prestataires sont invités à s'adresser directement aux métiers, qui connaissent les produits destinés à leur domaine, reconnaît David Laniado. Le projet RH a pris un prestataire qui nous accompagne dans nos décisions. La DSI, les métiers et le prestataire se parlent. Chez nous, tous les produits en mode SaaS sont passés par la DSI."
Dans certains domaines novateurs comme les réseaux sociaux d'entreprise, les éditeurs spécialisés en mode SaaS s'adressent directement aux métiers de l'entreprise, leur assurant qu'ils pourront se passer de la DSI pour implanter leurs solutions. Mais les limites d'une telle approche se heurtent à la question des données. C'est le fil rouge de l'intégration des solutions, préviennent plusieurs intervenants : "le cloud va exploser dans les 5 ans. Mais il faudra assurer la sécurité et l'intégration des données à partir de sources éclatées", prévient David Laniado. Une partie importante des données réside dans les ERP, qui doivent communiquer entre eux s'il y en a plusieurs, mais il faut aussi intégrer les données extérieures à l'entreprise, de plus en plus nombreuses.
Le budget de la DSI et des métiers
Dans ce nouveau contexte, les budgets technologiques sont inévitablement répartis entre la DSI et les autres services. "Il y a de plus en plus de maturité dans l'entreprise pour la gestion des budgets. Et plus l'arbitrage se fait à un niveau élevé, mieux c'est", souligne Jean-Luc Deixonne. Dans l'étude d'Accenture, 25 % des directeurs marketing contrôlent 75 % du budget technique du marketing et c'est le cas de 16 % des DSI. Pour la France, les chiffres s'élèvent à 38 % des directeurs marketing et 18 % des DSI. Mais le plus souvent, les budgets sont partagés de manière à peu près égale entre la DSI et les métiers. Chez Babilou, un budget d'exploitation important est alloué à la DSI sans être réparti entre les autres services. Même les budgets d'investissement sont mutualisés : c'est le cas du projet actuel de datawarehouse.
Mais cette répartition n'est pas immuable. Ainsi chez Babilou, la direction marketing, qui dispose d'un budget pour les réseaux sociaux, les sites Internet, l'intranet, fait appel à la DSI pour la prise en charge de certains projets techniques. Cela pose la question d'une meilleure répartition des budgets, d'autant plus que la direction générale et la DAF demandent des comptes sur leur utilisation.
René Beretz