Imaginez que vous vous promeniez innocemment dans la rue et tombiez nez à nez avec votre banquier. Là, une irrépressible envie d'ouvrir un compte dans l'établissement de ce monsieur vous saisit subitement à la gorge. Heureusement, votre banquier a la solution : il dégaine sa tablette et saisit vos coordonnées et autres informations indispensables, instantanément transmises et vérifiées par le système central, de préférence hébergé sur un mainframe IBM system z, qui enregistre la demande.
Ce scénario aussi improbable que futuriste est l'une des facettes de la vision commune qu'ont SAP et IBM de la banque du futur. D'ailleurs si ce scénario nous paraît improbable, à nous occidentaux, une ouverture de compte en situation de mobilité l'est déjà un peu moins dans d'autres régions du monde comme l'Afrique, où les distances sont souvent très grandes et les agences bancaires assez rares. Et puis plus généralement, l'objectif est tout simplement de renforcer la relation avec le client, qui visite de moins en moins dans son agence, sur un marché bancaire où la concurrence est féroce et où les acteurs se diversifient.
Une offre commune préservant les intérêts de chacun
Les deux géants de l'informatique ont mis en commun leurs outils et leurs savoir-faire pour proposer une solution de "core banking" de nouvelle génération, à l'instar de leurs concurrents, pure players ou nom, que sont entre autres Sopra Banking Software, Tata, Polaris FT ou encore Infosys. Un tel système gère les opérations bancaires quotidiennes, qui concernent tout un chacun : dépôts, retraits, virements, ouvertures de comptes, prêts, etc. et les répercute dans la comptabilité et les systèmes de reporting de l'organisation.
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De son côté, SAP apporte son outil, la suite logicielle SAP for Banking, et son savoir-faire : selon Gartner, cette suite logicielle compte parmi les leaders en la matière (cf. quadrant magique d'octobre 2013). De fait, "cette solution compte aujourd'hui quelque 200 clients dans 60 pays différents. Elle est depuis l'année dernière notre quatrième plus importante solution métier en termes de revenus et l'un de nos principaux relais de croissance", précise Patrice Vatin, directeur du marché banque et assurance chez SAP France. La solution est d'autant plus stratégique pour l'éditeur que, si elle est bien implantée dans des pays comme le Canada ou le Brésil, elle demeure assez absente en Europe en dehors de l'Allemagne. En France en particulier, elle ne compte aucun client : l'éditeur possède donc des gisements de croissance importants à sa porte.
En dehors du moteur du système, IBM apporte à peu près tout le reste de la solution, du middleware à l'infrastructure en passant par les applications de mobilité et les services. Côté infrastructure, le mainframe, system z, demeure encore et toujours incontournable et central dans le monde de la banque. Côté mobilité, la solution s'appuie sur des outils comme IBM Worklight, plate-forme ouverte de création et de gestion d'applications mobiles. En revanche, la Compagnie ne dispose précisément d'aucun logiciel équivalent à SAP for Banking : c'est donc là qu'elle trouve son intérêt dans ce mariage. S'agissant des services, "SAP est un éditeur de logiciels et n'a pas vocation à faire du service au-delà du conseil autour de ses solutions", estime Peter Robert, vice-président en charge des partenariats bancaires stratégiques chez SAP AG. Précisons que ce partenariat n'est pas assorti d'exclusivité et qu'il demeure néanmoins possible pour SAP de travailler en direct avec des établissements bancaires et financiers.
Le géant allemand compte s'appuyer sur IBM, sa notoriété et son savoir-faire pour relayer cette solution auprès des grandes banques mondiales, mais aussi auprès d'institutions financières telles que Nationwide, une société de services bancaires et financiers anglaise chez laquelle Big Blue a mené son premier projet. Nationwide a refondu son SI pour installer la solution conjointe constituée du cœur SAP et du packaging IBM. Cette institution datant du milieu du XIXème siècle utilisait un SI tombé en obsolescence et vivait quelque peu sur ses acquis, au point de ne plus avoir lancé de nouveau produit depuis 25 ans ! "Le nouveau SI leur a fourni une plate-forme sur laquelle construire leur transformation", explique Ramona Maye, chef de projet chez IBM.
Quel avenir pour cette solution ?
Les progiciels sont un marché relativement récent dans le métier de la banque, les établissements bancaires étant habitués à utiliser des solutions développées sur mesure ou très personnalisées. Pour Sanat Rao, vice-président en charge des marchés bancaire et financier chez IBM Global Business Services, "optimiser le fonctionnement d'une banque, c'est notamment réduire ses coûts et ses risques, mais aussi mieux connaître son client pour mieux le satisfaire et trouver ainsi des relais de croissance en ces temps de crise". SAP et IBM espèrent donc convaincre un nombre important d'établissements bancaires du bien fondé et de l'intérêt de leur solution conjointe pour l'entreprise, dans le but évident de trouver leurs propres relais de croissance. Reste à voir dans quelle mesure l'essai sera transformé.
Benoît Herr