L'enquête réalisée récemment auprès des utilisateurs et des offreurs de solutions d'e-achats regroupe la 8e édition de l'étude de l'offre e-achats réalisée par notre confrère Démat-infos et la 5e édition de l'étude de la demande effectuée par les étudiants de l'IMA (Ingénierie et Management des Achats), master spécialisé en achats, qui existe depuis 10 ans au sein du pôle universitaire Léonard de Vinci.
Une demande active, surtout pour certains aspects spécialisés
L'étude de la demande a été effectuée par téléphone et voie électronique par les étudiants de l'IMA de la fin décembre 2013 au début février 2014 auprès d'un panel de grosses entreprises et ETI françaises. L'échantillon obtenu comprend 37 entreprises privées. Un peu plus de la moitié des directions des achats interrogées se disent bien informées sur l'offre en outils et services e-achats. Elles s'informent un peu plus dans la presse spécialisée (46 %) que dans leur réseau professionnel (41 %). Les directions achats restent les principaux prescripteurs de ces solutions (70 % des cas), suivies dans cet ordre par la DSI, la DAF et la DG. Mais la DG est devenue le principal décideur (65 % des cas), suivie de la direction des achats (57 %), de la DSI et de la DAF. En particulier, 50 % des décisions unilatérales viennent de la DG. Mais tout dépend des modules, qui peuvent concerner plus particulièrement une entité ou l'autre.
Typologie des solutions installées
Les solutions les plus fréquemment installées dans les entreprises sont les solutions spécifiques à certains métiers (prestations intellectuelles, gestion de flotte, voyages...), la gestion d'un référentiel d'articles, la gestion des catalogues et commandes, la gestion des consultations. Le potentiel d'équipement des entreprises en solutions complémentaires est important : c'est en particulier les cas pour les solutions de dématérialisation des factures. Il faut aussi tenir compte des nombreux développements internes, réalisés en particulier avec des tableurs.
62 % des solutions installées dans les entreprises ont plus de 3 ans. Les plus récentes sont les solutions de dématérialisation des factures ainsi que de gestion de plans d'action et de progrès envers les fournisseurs. L'intérêt pour cette catégorie pourrait être lié au contexte économique actuel. Un tiers des entreprises interrogées utilise des services e-achats externalisés en 2014. Pour 42 %, il s'agit de bases de données fournisseurs. Viennent ensuite la dématérialisation des factures, les places de marché, la BPO (Business Process Outsourcing) achats. Il semblerait que ces services attirent plus les ETI et les PME que les grands groupes.
Interrogées sur les bénéfices apportés par ces solutions, les entreprises mettent surtout en avant le partage de l'information, l'harmonisation des processus achats et les gains de temps. Pour ce qui est des freins à leur adoption, elles citent en premier lieu les résistances techniques (28 %), les résistances humaines et les aspects financiers (coûts d'acquisition et de possession). Le directeur des achats a du mal à vendre ses projets en interne et à fournir un ROI, d'autant plus que certains bénéfices attendus ne sont pas quantitatifs, comme le partage des informations et les aspects collaboratifs.
Les prévisions de mise en œuvre de nouvelles solutions dans les 18 mois restent faibles : les entreprises semblent manifester de la prudence devant l'incertitude sur le volume des activités. Les directions des achats privilégient la productivité administrative, avec la dématérialisation des factures et le e-procurement, ainsi que la maîtrise des risques fournisseurs, avec le référentiel de fournisseurs et la bibliothèque de contrats. Sous 18 mois, une entreprise sur deux prévoit de mettre en œuvre une fonctionnalité spécifique à un métier.
41 % des entreprises interrogées comptent utiliser des services externalisés dans les 18 mois : plates-formes de dématérialisation de factures, bases de données fournisseurs, BPO, traitement externalisé de données achats. Mais aucune n'a mentionné les places de marché. La priorité des axes de modernisation concerne les ressources humaines avec le recrutement et la formation, signe, selon Arnaud Salomon, professeur à l'IMA, que la fonction achat se complexifie. Quant au conseil, il concerne plus les aspects opérationnels qu'organisationnels.
Des offreurs optimistes pour 2014
En regard de l'étude de la demande, l'étude de l'offre en solutions e-achats réalisée par Demat-infos est une photographie instantanée, réalisée de la fin décembre 2013 à la fin janvier 2014 par voie électronique et téléphonique. Elle concerne 15 fournisseurs, cabinets de conseil et places de marché, représentant 70 % du chiffre d'affaires de l'offre dans le secteur. Par rapport aux prévisions de fin 2012, 67 % des sociétés ont réalisé un chiffre d'affaires conforme à leurs prévisions et 26 % ont fait mieux. Si certains acteurs se félicitent de la signature de gros projets, d'autres se plaignent de l'attentisme des entreprises et de longueurs dans la prise de décision.
Pour l'ensemble des sociétés interrogées, la part du SaaS dans le chiffre d'affaires est devenue prépondérante, au détriment du modèle traditionnel fondé sur les licences et la maintenance. Les entreprises clientes sont surtout des grands comptes (55 %) et des ETI (23 %), le secteur public et les PME restant absents. Mais cette situation pourrait évoluer avec la création de nouveaux modèles comme le regroupement de PME, selon Philippe Grange, responsable de Demat-infos.
La direction des achats et la DSI sont les principaux prescripteurs des solutions, tandis que la DG et la direction des achats sont les principaux décisionnaires : la DG a considérablement repris la main sur la décision, ce qui recoupe l'étude sur la demande effectuée par l'IMA.
Selon les fournisseurs, les clients attendent des fournisseurs des progrès en matière d'ergonomie et de mobilité ainsi que des offres en cloud. Le secteur embauche toujours. Les offreurs ont même du mal à trouver des chefs de projets qui peuvent accompagner les clients à l'international.
Selon les offreurs, la consolidation des acteurs va se poursuivre lentement et ils pensent que c'est plutôt une bonne chose. D'après eux, après SAP, d'autres grands acteurs vont entrer sur ce marché, dont Oracle et Microsoft. Le moral est revenu depuis la fin de 2013, la peur de la crise semble s'estomper et 2014 pourrait être l'année de la reprise : les prévisions pour l'année sont à la croissance avec une augmentation du nombre de projets, des effectifs et du chiffre d'affaires.
Comparaison des réponses de l'offre et de la demande
Les évolutions attendues des éditeurs vues par l'offre et la demande
Offreurs et clients sont d'accord sur la durée et la taille des futurs projets. Par contre, leurs avis diffèrent sur le nombre de projets et les investissements de modernisation, les offreurs étant plus optimistes que les clients. En ce qui concerne les évolutions attendues, les offreurs privilégient une intégration au back-office alors que les clients ne la demandent pas. Par contre, ceux-ci réclament plus de proximité et de réactivité, ce que les offreurs anticipent moins. Mais tous prévoient un enrichissement fonctionnel des solutions. Les offreurs s'attendent à accompagner leurs clients dans leur expansion internationale, plus que ceux-ci ne l'envisagent. Mais ces projets demandent des investissements lourds, qui risquent de fragiliser leur base installée nationale. Par comparaison, selon Arnaud Salomon, "les éditeurs américains ont du mal à s'implanter en Europe car ces métiers récents nécessitent une forte proximité avec les clients."
René Beretz