La virtualisation consiste à optimiser l'utilisation des ressources en faisant fonctionner plusieurs systèmes d'exploitation ou logiciels d'infrastructure sur un même serveur. Cette technique concerne maintenant de plus en plus de domaines : les serveurs, les réseaux, le stockage, les applications, les postes de travail. On considère que 70 % des applications dans le monde sont activées sur serveurs virtualisés et la proportion augmente encore.
Les systèmes convergés
Une nouvelle manière d'envisager la virtualisation est celle des "systèmes convergés", qui englobent serveurs, réseaux et stockage. "Une tendance forte consiste à reporter vers le logiciel des fonctions assurées jusqu'ici par le matériel, déclare Sébastien Verger, directeur technique chez EMC, ce qui permet de les faire fonctionner sur tout type de matériel". À côté du discours global qui considère les "sofware-defined data centers", un discours par brique distingue les "software-defined servers", défendus par exemple par VMware ou Microsoft, le "software-defined storage", prôné par EMC avec son offre ViPR, et le "software-defined network", domaine de Cisco.
Plate-forme ViPR d'EMC
"Les systèmes convergés supposent que chaque couche comporte un ensemble de propriétés", explique Frédéric Leonetti, directeur avant-vente Converged Systems chez HP. Les clients attendent une standardisation et une industrialisation. Il faut des outils de conception et de dimensionnement pour l'architecture et des facilités d'intégration pour les clients qui ont plusieurs fournisseurs. "Le constructeur doit se comporter comme un équipementier. Depuis longtemps, les systèmes sont intégrés en usine."
Illustrant cette démarche, Netapp, spécialiste du stockage, travaille en partenariat avec des constructeurs pour les serveurs, les réseaux, le stockage. "Les matériels communiquent entre eux avec des API standards. On peut demander facilement des allocations à la volée, demander les ressources informatiques dont on a besoin pour le cloud privé ou public, indique Cyril Van Angt, responsable avant-vente partenaires chez Netapp. Nous pouvons même installer des contrôleurs pour les stockages partenaires."
L'évolution du matériel rend les systèmes plus fiables et plus performants. Nicolas Frapard, directeur des ventes EMEA chez HGST, fabricant de disques, témoigne de ces sauts technologiques : "on a ajouté aux disques des capacités de calcul telles qu'on peut exécuter tous les traitements à leur niveau sans avoir à les déporter vers d'autres ressources."
Selon Anas Safla, consultant manager cloud chez Econocom-Osiatis,"les solutions convergées sont peu présentes dans les entreprises. Les demandes de provisioning (allocation automatique de ressources) passent d'une équipe à l'autre. Les entreprises ont surtout besoin de virtualisation de serveurs. Mais les équipes serveurs, réseau et stockage ont du mal à communiquer entre elles à cause de l'organisation en silos." Autre frein aux projets de virtualisation, l'environnement existant de l'entreprise introduit de l'inertie.
Faut-il tout virtualiser ?
"Théoriquement, on peut tout virtualiser, affirme David Darious, responsable des solutions virtualisation et stockage chez Oracle. Mais il faut étudier chaque cas en détail." En pratique, les applications génériques comme la bureautique, la messagerie et les serveurs Web se virtualisent bien. Les applications critiques des banques sont également virtualisées. Plus généralement, les systèmes transactionnels industrialisés sont les meilleurs candidats à la virtualisation.
Virtualisation de serveurs Sparc chez Oracle
Par contre, les systèmes stables, qui consomment beaucoup de mémoire, ne gagneront rien à être virtualisés, ce qui est aussi le cas des applications de gestion comme les ERP. "De même, pour les applications 'gazeuses' comme le Big Data, qui prennent toutes les ressources disponibles, la virtualisation n'est pas intéressante", note Frédéric Leonetti. Mais toutes les applications ne peuvent pas être virtualisées : "alors que les applications récentes ont été conçues pour permettre la virtualisation, certaines applications anciennes ne la supportent pas", remarque Anas Safla.
EMC distingue trois générations de plates-formes : la première a été celle du mainframe, la deuxième celle du client/serveur et des systèmes distribués, la troisième celle de la virtualisation (cloud, mobilité, réseaux sociaux, Big Data). Selon Sébastien Verger, le marché mondial de la 3e plate-forme s'élève à 44 milliards de dollars et croît de 25 % par an tandis que le marché de la 2e plate-forme s'élève à 2 000 milliards de dollars et croît de 4 % par an.
Et la virtualisation du poste de travail ?
"La virtualisation du poste de travail est une vraie fausse bonne idée, affirme Sébastien Verger. Mon point de vue personnel est que cela ne concerne que les entreprises avec des postes de travail fixes : administrations, grandes entreprises (banques, assurance), là où l'on peut obtenir des économies sur les postes fixes. Mais à l'heure de la mobilité, avons-nous encore besoin de lancer un PC virtualisé ? Non, nous avons avant tout besoin de lancer une application native SAP, Oracle ou Salesforce."
Mais il existe un marché du VDI (Virtual Desktop Infrastructure) qui répond à certains besoins liés au métier de l'entreprise. Pour Frédéric Leonetti, la virtualisation du poste travail peut apporter des gains dans des environnements avec "des processus simples, des volumes faibles, des environnements non persistants, peu configurables, par exemple dans le secteur bancaire, à la différence des environnements turbulents comme celui des mobiles."
De nouvelles compétences pour gérer plus de données
Converged Systems de HP
Avec les nouvelles technologies, chaque administrateur est amené à gérer un plus grand volume de données. "L'automatisation qu'elles comportent supprime des tâches répétitives, ce qui amène le personnel à évoluer vers de nouvelles fonctions auxquelles il doit se former", explique Cyril Van Angt. Le besoin d'experts a changé : "on n'a plus besoin d'experts d'un domaine mais surtout de gens polyvalents", constate Sébastien Verger. Selon une étude IDC qu'il cite, le nombre de professionnels de l'IT dans le monde passera de 28 millions en 2013 à 36 millions en 2020. Dans la même période, le volume des données sera multiplié par 10.
"Nous rencontrons tous les jours le problème du manque d'expertise dans les entreprises, observe David Darious. Les systèmes convergés apportent une solution sous forme de boîtes noires qui ne nécessitent pas d'expertise de détail, apportant une vue métier. Mais les entreprises se forment aux nouvelles technologies avant de se lancer pour pouvoir communiquer en interne."
René Beretz