Quelque 400 personnes s'étaient donné rendez-vous il y a quelques jours à Paris, malgré la grève, pour le Forum CXP, manifestation annuelle du cabinet de conseil axée sur les témoignages utilisateurs et les démonstrations. Sans surprise, de nombreuses personnes de PAC ont animé une bonne part des sessions lors de cette journée d'information, signant ainsi la complémentarité des deux entités dont faisait état Laurent Calot, président du CXP Group, lors de l'annonce de leur rapprochement (cf. Le CXP et PAC se rapprochent). Les sessions plus traditionnelles, comme celles sur l'ERP ou les ressources humaines, étaient animées par des analystes du CXP tandis que les sessions plus orientées sur des technologies émergentes, comme le cloud ou la mobilité, par des consultants de PAC.
Toutes les sessions de la journée étaient placées sous le signe de la transformation numérique. Lors de la plénière de l'après-midi, Stéphane Bout, directeur associé de McKinsey & Company, a livré sa vision de cette transformation et de la manière dont les DSI doivent relever ses défis. "Les nouveaux besoins qui découlent de la transformation numérique ont trois éléments en commun : l'orientation client, l'agilité commerciale et l'excellence opérationnelle", a-t-il posé en introduction. Or, l'architecture traditionnelle de l'informatique est incapable de répondre aux nouveaux besoins des métiers.
"Plusieurs évolutions sont possibles pour la DSI", a poursuivi Stéphane Bout. "Devenir une DSG (Direction des Services Généraux), devenir des architectes en définissant des normes et des méthodes ou encore devenir le principal partenaire de la transformation numérique. Mais pour cela il faut savoir s'adapter !" L'orateur a insisté sur le client, qui doit nécessairement se trouver au centre de l'architecture IT.
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"Qu'est-ce qu'une architecture orientée client ? C'est offrir des possibilités multiples, ce à quoi le développement vertical des applications ne permet pas de répondre. L'approche doit être totalement différente. Il faut adapter les processus et les compétences IT et adopter une approche agile". Par "approche agile", il entend par exemple développer et mettre en production 12 à 50 releases par an. "Il faut développer vite et mettre en production rapidement, grâce à des outils comme DevOps. De ma propre expérience, il ne sert à rien de développer rapidement s'il faut ensuite des semaines pour mettre en production. L'approche cloud permet des gains considérables en la matière, surtout dans les premières années". Et de conclure que "même si l'on se trouve dans la situation d'un DSI compétitif, il faut dès maintenant entamer le processus de transformation".
Témoignages ERP
L'unique table ronde ERP de la journée, animée par Patrick Rahali, analyste au CXP, s'inscrivait bien dans la thématique globale de la journée et avait pour titre "L'ERP, plateforme centrale de la gestion de la communication de l'entreprise numérique". Après son introduction résumant les déferlantes technologiques actuelles et les enjeux de la transformation numérique, l'analyste a donné la parole à quatre entreprises utilisatrices : l'entreprise belge Automatic Systems (groupe Bolloré), représentée par Philippe Dalcq, Group IT Director, Dimo Gestion, représentée par son directeur général, Jean-Paul Genoux, le brasseur breton Britt, représenté par Jimmy Quessandier, DAF, et le groupe monégasque SMEG-SMA, représenté par son DSI, Jean-Charles Harlé.
Tous les témoins s'accordent sur le rôle primordial et la place centrale de l'ERP au sein de leur entreprise. Pour Philippe Dalcq, "la transformation numérique est un travail commun entre la DSI et la direction". Selon une étude de Cap Gemini, les entreprises les plus avancées numériquement seraient plus rentables de 26 %. Jean-Charles Harlé constate que "l'aspect structurant de l'ERP a été l'occasion de remettre les données et les processus au centre de l'entreprise". Jean-Paul Genoux enfonce le clou : "les processus sont l'objet même de la transformation numérique", tandis que Jimmy Quessandier insiste sur l'importance de l'ergonomie de l'outil retenu. "Tous les utilisateurs adhèrent à notre outil car son choix s'est opéré en collaboration", précise-t-il. Jean-Charles Harlé confirme l'importance de l'ergonomie pour sa propre installation et Philippe Dalcq, qui bénéficie d'une longue expérience en matière d'ERP, résume les différentes phases par lesquelles est passée son entreprise : "la première réaction de la direction a été de dire que c'était l'outil qui devait s'adapter aux processus. Mais au bout de quelques années, ils se sont rendu compte qu'ils étaient allés beaucoup trop loin dans la customisation. À partir de 2009, l'entreprise a revu sa position à la faveur d'un changement de version et cherché à utiliser les processus tels qu'ils existent dans l'outil". Aujourd'hui, Automatic Systems a replacé son ERP au centre de son activité, une démarche qui permet à Patrick Rahali de conclure en affirmant qu'il faut faire de l'ERP "le GPS de l'entreprise".
Les enjeux de la transformation numérique pour les offreurs
La journée s'est achevée par une table ronde dédiée aux enjeux de la transformation numérique pour les offreurs. Autour de la table, deux prestataires de services, François Enaud, président-directeur-général de Stéria et Paul Hermelin, président-directeur-général de Cap Gemini, et deux éditeurs, Pierre-Marie Lehucher, directeur général de Berger-Levrault et Christophe Letellier, CEO Mid-Market Europe et CEO Sage ERP X3.
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Pour François Enaud, "l'outil ne fait plus rêver : c'est la valeur d'usage qui est la plus importante. Par ailleurs, les conditions sont favorables à l'émergence de nouvelles offres émanant d'acteurs innovants et souvent jeunes, mais les clients ne vont pas forcément s'adresser directement à ces nouveaux offreurs. Les agrégateurs conservent donc toute leur place". Paul Hermelin confirme la richesse actuelle des offres, notamment dans le cloud, et voit son métier évoluer vers l'intégration de systèmes de plus en plus complexes dans les deux ans à venir. "Mais Cap va rester un intégrateur", précise-t-il. "J'ai déjeuné avec Marc Benioff (PDG de Salesforce NdlR) ce midi, pour qui le social est la première des transformations numériques. Mais on assiste aussi à une révolution de l'intelligence artificielle, qui à terme va aboutir à des machines intelligentes". À propos de la concentration des acteurs, Paul Hermelin estime que "la facilité du cloud va conduire à une très grande diversité. Mais les entreprises auront besoin de cartographie pour naviguer. Si les start-up font preuve de grand talent, en France plus qu'ailleurs, elles sont tentées de vendre rapidement car il y a une peur d'entreprendre dans ce pays. Or, l'une des clés du succès de Cap, c'est la délégation et la démultiplication des énergies. Je suis pour la décentralisation organisée.".
Pour Pierre-Marie Lehucher, "le cloud permet à l'utilisateur d'accéder de manière banale à de nombreux services publics en ligne : c'est un défi pour les collectivités locales". Rappelons que Berger-Levrault s'adresse avant tout au monde public. "Trois domaines applicatifs sont particulièrement concernés par cette transformation : le social, la vie de famille et la ville intelligente".
Christophe Letellier, dont l'offre s'adresse aux entreprises du mid-market, constate que ses clients lui demandent avant tout de la simplicité : "ils veulent pouvoir faire un usage intelligent de tout ce qu'ils mettent dans leur back-office. Ils veulent des solutions qui leur donnent rapidement accès à l'information et focaliser leur énergie sur leur métier. La complexité est l'ennemie de l'entreprise".
Benoît Herr