Comment former des centaines voire des milliers d'utilisateurs d'applications informatiques dans les entreprises ? Très souvent par de la formation en ligne, du e-learning, complété par des sessions physiques, du présentiel. Mais lorsqu'il s'agit d'applications stratégiques, comportant une grande variété de cas, un déroulement linéaire du logiciel ne suffit pas : il faut permettre l'expérimentation de toutes les situations, la navigation dans tous les sens, la possibilité de recommencer jusqu'à l'obtention d'une maîtrise totale de l'application.
Des simulations d'applications véridiques
C'est pour concevoir de nouveaux outils répondant à ce type d'exigences que la société Knowmore a été fondée en 2001. "Notre principal outil, K-Meleon, est une solution de simulateur d'applications informatiques, comparable à un simulateur de vol dans l'aviation : il reproduit parfaitement l'application sans s'appuyer sur le véritable système, explique Emmanuel Esquieu, PDG de la société. Contrairement aux solutions traditionnelles, qui ne fournissent que des copies d'écran, notre produit reproduit à la fois l'écran et le véritable comportement de l'application."
Emmanuel Esquieu, PDG de Knowmore
Le gros avantage d'un tel outil est qu'il ne nécessite que des ressources matérielles minimales : "un simulateur tient sur une clef USB, est facile à mettre en œuvre en toutes circonstances, en particulier en présentiel, alors que pour faire tourner une application comme E-Business Suite d'Oracle, il faut des milliers d'euros de matériel."
Les outils de formation qui s'appuient sur l'application réelle nécessitent une base école dont la création et la maintenance nécessitent des ressources importantes. La création d'un simulateur d'applications comporte la création d'une "base école simulée", permettant l'utilisation aussi bien en présentiel qu'en e-learning. L'outil crée en parallèle une structure des processus : l'utilisateur peut ainsi revenir facilement en arrière vers n'importe quel point, contrairement à l'application réelle. Le mécanisme de capture d'écrans, de données et de comportements diffère selon l'application concernée : ERP d'Oracle, de SAP, application Web ou AS/400. Knowmore transforme cet ensemble d'informations en script à base de HTML et de JavaScript. Pour le mode e-learning, s'y ajoute une couche pédagogique comprenant un énoncé, une démonstration, des conseils d'entraînement, des corrections en cas d'erreur, l'objectif étant toujours d'amener l'utilisateur à réaliser tout seul l'ensemble des étapes d'un processus.
En effet, l'éditeur intervient dans des contextes opérationnels exigeants où les employés doivent réellement apprendre à utiliser l'application : "la mise en production est imminente. On entraîne des athlètes et la course est pour demain", souligne Emmanuel Esquieu.
Des clients prestigieux et exigeants
Ecran du simulateur du projet Michelin
Knowmore a été placé sur le devant de la scène lors des récents trophées Oracle lorsque son client Michelin a remporté le trophée des trophées pour son projet mondial déployé initialement en Chine (Programme éclectique à la journée utilisateurs 2014 des clubs Oracle). Ce projet gigantesque, dont le budget s'élève à environ un milliard de dollars sur trois ans, consiste à améliorer les processus par transformation numérique de la chaîne logistique à l'aide d'Oracle e-Business Suite et de solutions décisionnelles. Knowmore a fourni des outils de formation innovants générés par son produit K-Meleon, qui concernent potentiellement 28 000 personnes dans 15 pays.
"Nous nous concentrons sur les applications stratégiques comme les ERP, les CRM et les applications dédiées comme celles des banques", insiste le PDG. Par exemple, chez HSBC, il s'agit d'un logiciel de gestion du patrimoine et, chez Accor, du nouveau système de réservation des 3 000 hôtels. Mais Knowmore a aussi des clients plus atypiques comme l'ADMR (Aide à Domicile en Milieu Rural), qui fournit des services (ménage, soins...) aux personnes âgées par l'intermédiaire de 100 000 personnes réparties sur 3 200 sites. L'association a mis en place un système informatique se substituant au papier : il a donc fallu former aux outils informatiques une population hétérogène composée de bénévoles âgés de 15 à 85 ans.
K-Now, le GPS applicatif
Knowmore dispose d'un deuxième produit destiné à fournir une information personnalisée aux utilisateurs d'une application déjà déployée. Le concept innovant du produit K-Now permet d'intervenir de manière transparente par-dessus une application en production pour fournir en situation des conseils, alertes, ou avertissements aux utilisateurs. Ce "GPS applicatif" ou "coach électronique" permet de documenter, par exemple, un changement récent dans une application ou un cas particulier qui n'arrive qu'une fois sur 100. L'outil permet en 5 minutes d'ajouter par-dessus une application une information, qui peut apparaître sous forme de pastilles qui s'affichent par survol, d'infobulles ou de fenêtres pop-up.
Identifié par le Gartner sous le nom d'EPSS (Electronic Performance Support System), ce type de produit est pour le moment peu répandu mais devrait prendre de l'importance avec la montée en puissance du cloud. "Dans ce mode d'utilisation, les changements de version sont fréquents : à chaque fois, il faut donner aux utilisateurs des explications précises sur les modifications et nouveautés lorsqu'ils les utilisent", remarque Emmanuel Esquieu.
Le produit K-Now comprend un système de statistiques d'utilisation : cela permet de connaître le niveau d'utilisation des informations, mais aussi de suivre la courbe d'utilisation dans le temps. Par exemple, une note documentant une nouveauté peut être très utilisée au début et beaucoup moins par la suite. On peut aussi se rendre compte qu'une information considérée comme importante n'est pas consultée par les utilisateurs et donc adapter le message en conséquence. Chez Orange, où les mises à jour sont également fréquentes, cet outil a permis de réaliser des économies significatives pour informer les vendeurs sur des conditions particulières ou des contraintes et pousser la vente croisée.
Un modèle économique qui évolue
Base école du simulateur d'Orange pour une formation en présentiel
Fondée en 2000, la société Knowmore comprend aujourd’hui 25 personnes et génère un chiffre d'affaires annuel de 2,5 M€. Reconnue comme Jeune Entreprise Innovante en 2004 et lauréat PM'Up (prix décerné aux PME à fort potentiel de croissance) en 2011, elle consacre depuis toujours 15 % de son budget à la R&D. Knowmore commence à s'internationaliser : elle a par exemple un contrat au Canada avec la banque Desjardins et elle est engagée avec HSBC dans un projet mondial. Alors qu'auparavant la part des exportations dans le chiffre d'affaires ne dépassait pas les 5 %, elle devrait en représenter 20 à 30 % en 2014. La question d'implantations à l'étranger commence donc à se poser avec la création d'un bureau au Canada, aux États-Unis ou à Londres.
Le mode de commercialisation des produits évolue parallèlement à l'élargissement des secteurs concernés. Vendu jusqu'ici au prix catalogue de 120 000 €, le produit K-Meleon commence à être loué dans certains contextes, comme celui des grands acteurs du service : avec Cap Gemini, il s'agit d'un projet pour le Conseil de l'Europe.
Ce type de produit commence à être clairement identifié : "depuis 2 ou 3 ans, les appels d'offres comprennent des demandes de simulateurs à l'initiative des métiers qui se démarquent de la DSI. C'est le cas pour CMA-CGM avec SAP SuccessFactors, mais aussi avec Oracle Fusion HCM, tous deux en mode cloud", remarque le PDG. Partenaire d'Oracle, Knowmore a des contacts avec d'autres éditeurs, en particulier avec des éditeurs français spécialistes de niches. Une autre piste de croissance est celles des académies internes des clients.
L'éditeur commence à s'impliquer dans des projets de taille plus modeste, ce qui l'amène à adapter ses tarifs. "Jusqu'ici, Knowmore se comportait comme Ferrari en Formule 1. Aujourd’hui, il faut aller sur la chaîne de montage de la Twingo, où le prix du boulon n'est pas le même. Il faut donc remplacer le prix par le volume et passer du concept du projet unique à une démarche industrielle", conclut Emmanuel Esquieu.
René Beretz