La notion « d’informatiquement correct » est dorénavant désuète. Afin de conserver un avantage compétitif à l’entreprise, la réponse applicative doit s’adapter en permanence aux contraintes changeantes : des clients, des produits, de la concurrence, des législations nationales et internationales, des technologies, du marché. Bref, il lui est presque demandé de « changer plus vite que les changements eux-mêmes ». L’inadaptation chronique des solutions applicatives actuelles, révélée par un manque de flexibilité et d’évolution, a donc été à l’origine de cette période de transition que nous traversons. La liste des fournisseurs de solutions s’est considérablement allongée ayant pour conséquence de disqualifier partiellement, temporairement ou définitivement ceux qui se trouvaient, encore hier, dans une situation de quasi-monopole : les informaticiens internes. C’est ainsi que les utilisateurs, devenus — enfin — de vrais clients, sont aspirés au centre de l’univers informatique.
C’est dans ce contexte bouillonnant, sans cesse en mouvement, sans cesse en devenir, que l’offre intégrée des différents éditeurs tente d’apporter aux unités opérationnelles de l’entreprise des réponses transversales, fédératrices, intégrées, compatibles, adéquates, efficaces et évolutives. Les projets étant toujours l’œuvre d’hommes, la mise en place de ces solutions demande ou génère inéluctablement des modifications multiples, rapides et radicales pour l’ensemble des acteurs de l’entreprise. Cet article représente une synthèse des éléments fondamentaux. Ils constituent ce que nous pourrions nommer les « leçons apprises » car ils proviennent d’expériences vécues ou partagées durant différentes implantations d’ERP dans des grands groupes, des PME-PMI ou encore des entreprises publiques.
L’entreprise
Afin de se doter des meilleures solutions applicatives possibles, l’entreprise doit se donner les moyens de ses objectifs. La technologie doit devenir un catalyseur puissant ; il ne s’agit plus de savoir qui, de l’entreprise ou de la technologie, s’aligne l’une sur l’autre, mais plutôt de s’assurer qu’elles sont toutes les deux alignées de manière adéquate. Certes, l’investissement financier est nécessaire et parfois même conséquent, mais il est bien loin d’être suffisant. Pour l’entreprise, la différence entre les implantations qui marchent, celles qui marchent moins bien et celles qui échouent se situe sur deux points fondamentaux : les personnes et les processus.
Les leçons apprises pour l’entreprise
- Le déploiement d’un ERP est un projet d’entreprise. Ainsi, les objectifs, les bénéfices, le retour sur investissement et les métriques sont au niveau de l’entreprise, non au niveau d’un département, d’un groupe d’individus ou d’un individu.
- Identifier les meilleurs experts métiers dans chacun des domaines opérationnels et les assigner officiellement au projet.
- Permettre une grande disponibilité des membres des équipes de mise en œuvre, quitte à compenser leur absence dans les unités opérationnelles par des ressources et/ou des solutions temporaires.
- Favoriser, encourager et promouvoir le travail en groupe et un réel esprit d’équipe entre utilisateurs, consultants et informaticiens ; c’est une condition de succès sine qua non.
- Saisir l’opportunité unique de l’arrivée de l’ERP pour stimuler et procéder à une révision ou à une refonte partielle ou totale des processus métiers actuels.
- Sans une démarche authentique, éclairée et structurée de conduite des changements réelle, l’entreprise n’atteindra jamais les objectifs fixés et ne réalisera pas la totalité du retour sur investissement attendu.
- Une perte de productivité significative suivra inéluctablement la mise en production. Le retour à un niveau de performance acceptable prendra plusieurs mois.
Le management
La volonté de l’entreprise — de sa direction générale et de ses directions métiers — ne saurait être respectée si ceux et celles qui ont la charge de l’appliquer ne sont pas parfaitement en ligne avec les objectifs à atteindre, intimement convaincus de la stratégie adoptée et pleinement conscients des enjeux. Trois éléments essentiels permettent au management d’assumer ses responsabilités vis-à-vis du projet, et donc de l’entreprise : la priorité affectée aux activités du projet, la démonstration de son implication personnelle, le niveau d’attente réaliste quant aux bénéfices escomptés.
Les leçons apprises pour le management
- Le support constant, total et visible de la direction générale est critique et essentiel ; c’est le combustible du projet.
- L’implication personnelle, directe, démontrée et visible de tous les directeurs métiers est incontournable.
- Le plein retour sur investissement ne peut se réaliser au mieux qu’à moyen terme, voire à long terme, certainement pas à court terme.
- Les ressources et les coûts informatiques qui sont nécessaires au suivi, au support et à l’évolution des solutions applicatives diminueront avec le temps.
- La couverture opérationnelle et le degré d’intégration des solutions applicatives apportées par l’ERP augmenteront avec le temps.
- Une attention et un support sans faille du management permettront aux centres de compétences constitués d’imposer aux acteurs de l’entreprise la discipline nécessaire à la pleine utilisation opérationnelle des nouveaux processus.
L’utilisateur
Une certitude : rien ne se fera plus sans la communauté des utilisateurs. L’essentiel, pour elle, n’est pas de participer, mais de conduire, de construire et de gagner. Le défi étant, dans ce contexte, d’être à la fois juge et partie : juge, parce qu’il faut décider et configurer les solutions applicatives à mettre en place qui sont optimales pour l’entreprise, dans sa globalité ; partie, parce qu’il s’agit d’utiliser ces solutions avec leurs forces et en admettant aussi parfois leurs faiblesses.
Les leçons apprises pour l’utilisateur
- Un chef de projet utilisateur à plein temps, représentant l’ensemble de la communauté utilisateur, s’avère nécessaire. Il fait partie du comité de pilotage.
- L’implantation d’un ERP ne peut être conduite que par la communauté des utilisateurs.
- Rien ne peut se faire sans la volonté, l’énergie et la disponibilité des meilleurs experts métiers.
- Initialement, dans certains domaines, seuls 80 % de l’ensemble des besoins opérationnels identifiés peuvent, au maximum, être couverts.
- Au départ, pour certaines fonctionnalités et/ou pour certains départements, et/ou pour certains individus un retour en arrière, temporaire, est inévitable.
- La création de centres de compétences est essentielle à la pleine utilisation et à la juste évolution de l’ERP.
L’informaticien
L’implantation d’un ERP représente pour l’informaticien une période de chaos : son rôle, ses responsabilités, son statut sont bouleversés. La prise en compte de cette période de transition entre les deux environnements, traditionnel et ERP, s’avère délicate. Néanmoins, la cohabitation inévitable entre l’ERP et les applications périphériques – dites legacy – toujours nécessaires requiert, encore pour longtemps, une certaine compétence traditionnelle au sein de l’entreprise. Progressivement, les qualités personnelles doivent prendre le dessus sur les qualités techniques qui se trouveront, de facto, obsolètes.
Les leçons apprises pour l’informaticien
- L’implantation d’un ERP dans l’entreprise représente un nouveau métier pour l’informaticien.
- Il lui est demandé de plus en plus de connaissances métiers et opérationnelles et de moins en moins de connaissances techniques.
- Son travail consiste de plus en plus à intégrer des composants existants plutôt qu’à en développer ; les compétences en organisation, en communication, en gestion de projet, en analyse opérationnelle et en planification deviennent essentielles.
- Son nouveau défi est double : un environnement pleinement ouvert aux évolutions technologiques (veille technologique), mais aussi, l’exigence de rester à l’affût des solutions applicatives requises par l’entreprise (veille applicative).
La méthodologie
Pour employer une expression bien connue, nous pourrions dire que formalisme et pragmatisme sont les « deux mamelles » de la méthodologie. Il s’agit, en effet, d’éviter les maux de la rigidité tout en bénéficiant des atouts de la rigueur. Cette approche se justifie par le fait que l’implantation d’un ERP met en jeu un grand nombre d’acteurs possédant des profils différents et provenant d’origines très diverses : entreprise, éditeur, conseil, intégrateur, informaticiens, experts, utilisateurs, managers. De plus, le nombre et l’hétérogénéité des composants applicatifs, logiciels et matériels en présence et des livrables à fournir imposent un effort considérable de planification.
Les leçons apprises sur la méthodologie
- Première priorité : planifier ; deuxième priorité : planifier ; troisième priorité : planifier !
- Une gestion de projet formalisée ainsi qu’une méthodologie rigoureuse sont deux conditions de succès sine qua non.
- La recommandation est de travailler avec des consultants qui ont à la fois : l’expérience du secteur d’activité, l’expertise sur l’ERP, un bon niveau de communication et une disponibilité adéquate.
- Il s’agit d’être extrêmement précis et pointilleux dans les sessions de travail entre utilisateurs, informaticiens et consultants : documenter ; le concept critique de livrable prend ici tout son sens.
- L’adéquation besoin/solution pour les rapports et les documents doit être commencée très tôt dans le cycle de vie du projet.
- La formation initiale, technique et fonctionnelle, des membres de l’équipe d’infrastructure technique ne peut pas être sous-estimée.
- Les utilisateurs finaux doivent être formés juste avant le passage en production, quelques semaines avant, pas plus tôt.
- La stabilisation de l’ERP étant achevée dans la phase de post-ERP, un effort de dépersonnalisation de l’ERP doit être entrepris.
- Trois recommandations ultimes : simuler, simuler, et… simuler !
Article initialement publié Jean-Louis Tomas - S.I. ANTIPOLIS sur le site www.si-antipolis.com