"Nous assistons à un virage à 180 °, constate Laurence Dubrovin, analyste conseil au CXP. Alors qu'auparavant la gestion des campagnes marketing, l'optimisation des forces de vente et la gestion du service client constituaient les préoccupations principales, aujourd'hui, il s'agit de se mettre dans la peau du client en suivant son parcours, du premier contact jusqu'à un statut potentiel d'ambassadeur de la marque."
Le parcours du client, omni-canal par essence
Grâce à la multiplicité des canaux, les clients disposent aujourd'hui de nombreux moyens pour recueillir des avis et des conseils, se renseigner sur les prix et la disponibilité des produits et des services et s’informer sur les conditions de mise à disposition et de livraison. Ils passent volontiers d'un canal à l'autre, ce qui oblige les entreprises à adopter une approche omni-canal.
Un exemple de parcours client
Le parcours d'un client peut être très complexe, comme l'illustre le schéma ci-contre. L'entreprise doit donc s'adapter au comportement des clients : elle doit découvrir les interactions, faire la corrélation entre les visites en magasin, les achats on non-achats, les interventions sur les réseaux sociaux mais aussi des facteurs externes comme la météo. Elle doit les reconnaître sur tous les canaux pour leur proposer des offres adaptées, disposer d'un catalogue de produits étendu qui peut s'élargir et établir la confiance par la connaissance mutuelle des acteurs. Ainsi, le catalogue énorme d'Amazon évolue-t-il continuellement et le succès de Blablacar dans le covoiturage provient-il de la connaissance mutuelle que le demandeur et le conducteur obtiennent sur le site.
Les réseaux sociaux, canal complexe mais fondamental
Les réseaux sociaux sont essentiels pour la notoriété de la marque car les clients s'y expriment librement. Les entreprises doivent analyser le sentiment des clients et leur avis sur la marque, connaître leur attente, mesurer l'e-reputation et la retombée des événements, repérer les leaders d'opinion, inciter les clients satisfaits à s'exprimer, répondre aux clients mécontents et leur proposer des solutions.
Alexis Monnier, responsable commercial de l'éditeur français de CRM e-deal, estime que "les réseaux sociaux sont craints, sous-utilisés et peu intégrés sauf dans les entreprises. En fait, ils ont toujours existé à travers des gens qui partagent des avis et des opinions mais leur version numérique a un énorme effet multiplicateur." Dans ce volume d'informations colossal, provenant à 80 % de blogs, il est difficile de déterminer le sens, surtout si les textes sont multilingues. "Il faut donc des outils pour aller récupérer les informations en scrutant les réseaux sociaux et en effectuant un traitement intelligent à l'aide d'outils d'analyse sémantique. Les réseaux sociaux deviennent un canal de plus, géré par un module adéquat : le CRM peut ainsi donner une vision unifiée de tous les canaux."
Les évolutions du CRM
Les outils de CRM se sont beaucoup diversifiés : mobiles, collaboratifs, comportementaux, ils s'adaptent aux caractéristiques de l'entreprise et des clients grâce à leurs facilités de personnalisation et s'appuient sur des outils analytiques élaborés.
Les forces de vente et les intervenants dans le support et l'avant-vente ont besoin de consulter le CRM sur le terrain. Le CRM mobile leur permet de dialoguer avec le client par l'envoi d'informations personnalisées. Par ailleurs, la géolocalisation d'un client autorise l'envoi d'informations sur les promotions en cours lorsqu'il se trouve à proximité d'une boutique. Le CRM collaboratif synchronise les courriels, les contacts et les actions. Des échanges se créent autour de tableaux de bord sur les différentes activités : ventes, marketing, service. Un espace collaboratif permet le partage de documents aussi bien en interne qu'avec les clients. Quant à l'objectif du CRM comportemental, il consiste à mesurer l'usage que le client fait de chaque canal, de repérer ce qui le fait réagir, mais aussi de mesurer la pression marketing qu'il est capable de supporter et d'adapter en conséquence la fréquence des sollicitations.
La compréhension fine des achats des clients, de leurs préférences et de leurs habitudes rend possible la personnalisation des actions marketing. Enfin, les outils analytiques contribuent à réduire le coût d'acquisition d'un client, à l'inciter à répondre, à augmenter le panier et le revenu, à mesurer la pression marketing tolérée, voire à le transformer en ambassadeur de la marque.
Les entreprises devront tenir compte de nouvelles tendances du monde numérique. L'implication croissante des clients va fortement augmenter l'importance du service client. La consommation à l'usage et les abonnements progressent régulièrement. L'e-commerce se transforme avec le "social commerce" et "l'entertainment commerce" (comme la promotion au sein d'une conversation). Enfin, la séparation entre la sphère privée et la sphère publique devient problématique. Pour la garantir, chacun doit pouvoir protéger ses données personnelles et en réguler l'usage par le principe d'opt-in. Mais le client doit être conscient que, s'il fournit moins de données, il recevra moins de services. Enfin, l'émergence de l'Open Data et l'ouverture des données vont offrir des opportunités à l'entreprise mais aussi à ses concurrents.
Des éditeurs en pointe dans l'analyse du parcours client
Plusieurs éditeurs s'attachent à collecter et analyser les informations sur les nouveaux canaux numériques et le parcours des clients. Ainsi, l'éditeur français Eptica propose-t-il un outil de front-office qui traite les interactions multicanal avec les clients (self-service, chat, mobile). L'outil analyse, donne des priorités, détecte la langue, analyse les tonalités (content/mécontent), extrait le sens des questions. Il s'appuie sur une base de connaissance et sur le moteur sémantique Lingway pour en interpréter le sens. Auto-apprenant, il s'appuie sur une question analogue déjà traitée précédemment pour formuler une réponse.
Pour sa part, la suite unifiée de l'éditeur américain eGain analyse finement le parcours du client dans toute sa complexité et en acquiert une bonne connaissance. Ainsi, l'outil repère-t-il les interactions du client avec un site Web, en particulier ses hésitations : il lui propose instantanément des solutions adaptées comme des informations directes ou l'aide d'un assistant. Il contribue à augmenter le panier moyen et améliorer la satisfaction du client.
René Beretz
Une enquête du CXP sur le CRM
En partenariat avec la DCF (fédération des Dirigeants Commerciaux de France), le CXP a mené une enquête auprès de grands comptes et d'ETI disposant d'équipes commerciales. À partir des réponses de 130 entreprises, l'enquête révèle que les deux canaux de communication les plus utilisés pour communiquer avec les clients sont le téléphone et l'e-mail, qui devrait encore progresser pour 60 % des répondants. Les formulaires et les SMS devraient chacun progresser pour 30 % des répondants. Plus de la moitié des entreprises centralise et exploite les données récoltées par les divers canaux de communication.
Pour gérer la relation avec leurs clients, les entreprises utilisent surtout leur site Web, Facebook venant ensuite, surtout pour gérer leur e-réputation. Les trois opérations principales les plus traitées par les réseaux sociaux sont les demandes d'informations, les réclamations, et l'animation d'une communauté d'experts. La part des demandes de clients passant par les réseaux sociaux va fortement augmenter. En ce qui concerne les applications mobiles, seules 20 % des entreprises en proposent à leurs clients : elles devraient être plus de 30 % fin 2015. Celles-ci traiteront avant tout les demandes d'information.
Un tiers des entreprises permettent le changement de canal à leurs clients pendant leur parcours, par exemple en commandant sur le Web et en étant livré dans un point de vente. En ce qui concerne l'après-vente, les clients utilisent surtout le téléphone (98 %) et l'e-mail (95 %) pour demander un renseignement ou signaler un problème.
Seules 12 % des entreprises reconnaissent leurs clients fidèles sur n'importe quel canal et 44 % d'entre elles proposent des offres personnalisées pour les fidéliser. Pour le moment, peu d'entreprises (14 %) ont défini et mis en place un parcours client. Celles qui l'ont fait ou comptent le faire ont pour objectif de favoriser la fidélité et d'augmenter le panier moyen, la moitié d'entre elles ayant une organisation omni-canal. Les principaux indicateurs du parcours client sont le taux de satisfaction, le taux de retour de campagnes et le taux de conversion.
Le budget de la relation client est stable. Les objectifs pour 2015 sont l'amélioration de la qualité de la relation client et l'augmentation du CA par client en se concentrant sur les clients existants. Les freins sont les coûts de l'investissement et le manque de compétences en interne.
RB