Les entreprises du mid-market seraient-elles les leaders méconnus de l'économie européenne ? Pour Jayne Archbold, récemment nommée au poste de CEO de Sage Mid-Market, cela n'a jamais fait l'ombre d'un doute : "en dehors de l'Allemagne et son tissu de PME solides (Middlestand) que tout le monde connaît, elles sont souvent mal identifiées et peu reconnues par les pouvoirs publics, contrairement aux start-ups et aux grandes entreprises". Sage Enterprise Market Europe a fait appel au CEBR, cabinet de conseil en études économiques de marché afin d'évaluer leur impact économique dans douze des 28 pays de l'Union européenne (Allemagne, Royaume-Uni, France, Italie, Pologne, Espagne, Pays-Bas, République Tchèque, Portugal, Belgique, Irlande, Slovaquie). "Aucune étude globale européenne n'existait jusqu'alors", explique Jayne Archbold. "Nous voulions avoir un portrait type, mais aussi obtenir des éléments de comparaison entre pays". Les résultats de ce rapport parlent d'eux-mêmes. Si les entreprises de taille intermédiaire représentent à peine 1 % du nombre total d'entreprises, elles génèrent 20 % du chiffre d'affaires et contribuent à hauteur de 1 030 milliards d'euros à la VAB*, soit près de l'équivalent de la production totale de l'Espagne, souligne le rapport.
Jayne Archbold,CEO de Sage Mid-Market
Confiance et optimisme
Rien qu'en France, alors que le mid-market représente 0,6 % de toutes les entreprises, il engendre 15 % de la VAB, précise l'étude. "Le nombre de petites entreprises dans l'Hexagone a augmenté de 32 % et pourtant la VAB a diminué", rapporte Jayne Archbold. "C'est l'inverse pour les PME. Leur nombre a baissé de 11 % en huit ans alors que leur contribution à la VAB à crû de 5%". Malgré la crise, leurs dirigeants sont confiants quant à leur croissance en 2015, peut-on lire. Trois quarts d'entre eux s'attendent à ce que leur chiffre d'affaires reste stable ou augmente en 2015 et un peu plus d'un tiers (39 %) tablent sur une hausse de 10 %. Un optimisme qui laisse présager une augmentation de la VAB de 3 % en 2015 pour atteindre 1 200 milliards d'euros d'ici 2019.
Cette confiance se traduit aussi dans l'emploi. Employant déjà 18,7 millions de personnes, soit 17 % de la population active, plus de la moitié d'entre elles prévoient de recruter en 2015. Avec une croissance de 0,8 % observée en 2014, le rapport table sur la création d'ici 2019 d'environ 124 000 emplois par an pour atteindre un total de 19,3 millions de personnes. Autre enseignement : dans 9 des 12 pays analysés, la valeur ajoutée des salariés est bien supérieure à celle observée dans les autres entreprises. Ainsi, la gestion des talents devient une préoccupation stratégique majeure, "d'autant que le recrutement des entreprises du mid-market est largement concurrencé par l'attractivité des start-up et par les opportunités financières et de carrière des grandes entreprises", relève Jayne Archbold. Pour répondre à ces questions de RH, Sage vient de lancer au Royaume-Uni, en Allemagne et en Autriche, HR on line, "une solution SaaS intégrée aux réseaux sociaux permettant d'identifier les compétences, mais aussi de rationaliser le processus de recrutement grâce à la présence d'une plate-forme unique pour les offres d'emploi et d'un système de suivi des candidats automatisé", explique Christopher Catterfeld, directeur de la stratégie et communication et responsable pour les entreprises européennes en matière de RH à Sage Enterprise Market Europe.
Benoît Gruber, vice président, corporate communication & alliances, division Mid-Market
L'innovation au cœur du mid-market
Si le développement des talents maximise le potentiel de croissance de ces entreprises, l'innovation également. Près des deux tiers des PME innovent (63 %) que ce soit dans l'organisation, les produits et les services, ou autres. En Europe, elles ont déboursé 22,4 milliards d'euros en R&D en 2013, soit 15 % des investissements. "Les dépenses sont en augmentation, quel que soit le pays", constate Jayne Archbold. Les technologies de l'information sont également un levier d'innovation. Selon le sondage effectué par le cabinet Redshift Research, 93 % des 814 décideurs d'entreprises de tailles moyennes interrogés prévoient d'investir dans les NTIC en 2015, dont un tiers ont l'intention de dépenser plus de 5 000 euros. Mais selon Benoît Gruber, vice président, corporate communication & alliances de la division Mid-Market, l'investissement technologique diffère en fonction des pays. "Certains sont plus matures que d'autres. La France, le Royaume-Uni et l'Allemagne modernisent leur système d'information en y ajoutant des applications mobiles ou analytiques tandis que les pays d'Europe de l'Est investissent davantage sur le backbone et l'implémentation d'ERP".
Le rapport fait également état d'une mauvaise exploitation des investissements en logiciels de gestion pour 58 % des entreprises. Un constat corroboré par une étude réalisée en juin dernier par Sage sur l'usage d'un ERP et grâce à laquelle l'éditeur tirait plusieurs enseignements. Pour Benoît Gruber, "souvent, l'ERP choisi n'est pas utilisé par l'ensemble des salariés. Ensuite, la grande majorité des entreprises n'utilise qu'une partie des fonctionnalités". Le manque de formation est une autre raison invoquée. De quoi faire réfléchir les responsables marketing de Sage sur les évolutions à apporter à X3, d'ores et déjà utilisé par 5 000 clients dans cent pays. Parmi les principaux objectifs affichés par l'éditeur, celui de rendre la solution la plus intuitive possible, la plus facile d'utilisation et pour tout type d'utilisateur. Autre priorité : la réduction des coûts d'implémentation. "Une solution a de la valeur si elle est utilisable rapidement", observe Benoît Gruber.
Enfin, dernier point : l'accessibilité de l'ERP dans un environnement mobile. "Une solution efficiente se doit donc d'être 'user friendly', facile à mettre en œuvre et très mobile", résume-t-il. En attendant, Sage espère conquérir les marchés slovaque, tchèque et turc avec sa solution ERP X3. Si la Turquie ne figure pas dans le rapport, elle a un fort potentiel, estiment les experts de Sage. "Les entreprises européennes n'hésitent pas à investir. Elles vont avoir besoin pour leurs filiales de disposer d'un SI cohérent avec le pays dans lequel elles s'installent", note Benoît Gruber. Le rapport constate aussi la frilosité des entreprises pour opérer une transformation numérique. Internet, le e-commerce et la relation client online ne sont pas encore des priorités pour nombre d'entre elles. 53 % estiment que la transformation numérique est importante pour l'avenir, mais pas dans l'immédiat. "Ces chiffres m'ont surprise", avoue Jayne Archbold. "Cependant, je pense qu'ils n'associent pas ce qu'ils font à une transformation digitale". Benoît Gruber renchérit : "On met de nombreuses choses derrière le numérique. Quoi qu'il en soit, derrière cette transformation, il y a un vrai changement de modèle d'affaires que Sage compte bien accompagner".
Sandrine Tournigand
* La VAB (Valeur ajoutée brute) est une mesure économique de la production, couvrant les biens et les services. Comparable au PIB, elle est calculée en soustrayant au chiffre d'affaires le coût des achats externes utilisés comme ressources pour produire ces biens et services, après prise en compte des subventions et impôts indirects.