Typologies de solutions
On recense aujourd'hui sur le marché français plus d'une centaine d'éditeurs d'ERP et près de 10 000 éditeurs de solutions de gestion destinées aux PME. Comment s'y retrouver dans cette jungle ?
Il existe différents types d'ERP mais cette réalité ne semble pas sauter aux yeux de tout le monde. En effet, nombre de projets ERP implémentent des outils inadaptés à l'entreprise et/ou à son métier. Il est en effet ardu d'installer sans garde-fous un ERP conçu pour les grands comptes dans une PME, non seulement du fait des caractéristiques intrinsèques de l'outil, mais aussi et surtout du fait des budgets limités et du manque de disponibilité des utilisateurs. L'échec de nombreux projets ERP provient de l'inadaptation de l'outil et il est facile a posteriori de faire de tel ou tel outil et de son éditeur un bouc émissaire. Mais les causes de l'échec sont bien souvent à rechercher au sein même de l'organisation.
La manière la plus classique et la plus simple de classer les ERP est en fonction de la taille d'entreprise à laquelle ils s'adressent.
Les ERP destinés aux grands comptes.
Le prototype de cette catégorie de solutions est bien sûr SAP avec sa solution pour les grandes entreprises, se déclinant en ERP Financials pour la gestion financière, ERP Human Capital Management pour la gestion des ressources humaines, ERP Operations pour la gestion opérationnelle et ERP Corporate Services pour les services d'entreprise. Oracle vient concurrencer SAP sur ce terrain avec sa suite intégrée d'applications de gestion E-Business Suite. Mais cette offre ne s'adresse qu'à un nombre très restreint d'entreprises en France et en aucun cas les PME/PMI : IDC recense 464 "grands comptes" en France (hors secteur public) en 2007, pour 3 151 708 salariés. Elles sont clairement identifiées et aujourd'hui déjà équipées. Ce marché est donc assez statique, d'où la volonté clairement affichée des géants du progiciel intégré de proposer maintenant des solutions aux entreprises de taille plus modeste.
Les ERP spécifiquement conçus pour les PME/PMI. L'offre est véritablement pléthorique dans ce secteur. De Cegid à Sage, d'Infor à Microsoft, le marché est littéralement submergé. Il faut dire que c'est aussi le marché le plus dynamique et sur lequel on trouve le plus grand nombre d'acteurs récents. Les entreprises de 50 à 2000 salariés - ce qui correspond très exactement à la définition que nous avions retenue dans le premier article de cette série - sont au nombre de 29 039 en France selon la même étude IDC et emploient plus de 5 millions de salariés. À noter que les géants du progiciel intégré évoqués dans le précédent paragraphe viennent challenger les acteurs historiques de ce marché, comme Qualiac ou Divalto, eux-mêmes déjà concurrencés par les acteurs plus récents, comme Nout et son ERP Simax. Ils sont par ailleurs également concurrencés par des éditeurs consolidant des acteurs historiques. Par exemple, Adonix est mort. Vive Sage X3, sa réincarnation. Movex n'est plus. Vive Lawson M3...
Les ERP pour TPE. Toujours selon la même étude IDC, les TPE françaises sont près de 1,1 million en France et emploient 5,6 millions de salariés, soit plus encore que les PME/PMI. Mais l'offre ERP s'adresse encore peu à ces entreprises, qui ont une approche moins systématique et structurée des besoins d'informatisation. En TPE, on raisonne beaucoup plus par résolution de problématique au coup pas coup : "Il nous faut un logiciel pour gérer la paie de nos 10 collaborateurs" ou "Ma gestion commerciale doit être automatisée et interfacée avec ma comptabilité". Cependant, compte tenu de la taille du marché, des offres de plus en plus nombreuses voient le jour, depuis Microsoft Dynamics NAV jusqu'à Pyra XRP en passant Compiere (cf. infra), Mykerinos, Wavesoft ou Spyralis. Les logiciels Open Source représentent également un élément moteur des ERP pour TPE.
Les ERP métiers
Face aux géants internationaux de l'édition d'ERP et à leur puissance de feu, la manière la plus courante de se différencier - et donc d'exister - pour un éditeur français de taille forcément plus modeste est encore de proposer une solution spécifique à un métier. Il existe ainsi une pléthore de solutions variées, pour le packaging (EmaPack de Rhapso ou VoluPack de Volume Software), les industries agroalimentaires (AgroSys de Systel), la gestion de production des ateliers d'impression (Filigrane de Silos), le métier des équipementiers et sous-traitants des constructeurs automobiles (Galion Automotive de Galion Solutions) ou encore pour la confection, le tissage ou la filature (Ocea d'Ordi Conseil), pour ne citer que quelques domaines concernés. Ces éditeurs exploitent des niches auxquelles les grands éditeurs internationaux s'attaquent désormais aussi, avec plus ou moins de bonheur compte tenu de la spécialisation souvent moindre de leurs solutions. C'est ainsi que SAP et consorts proposent des solutions métier et qu'Infor s'est lancé dans une stratégie originale de rachat de nombreux éditeurs de solutions souvent réputées, comme BPCS ou Mapics, afin de proposer la solution la plus adaptée à ses clients. On le voit, sur ce flanc aussi, la bataille continue de faire rage.
Les logiciels Open Source représentent également un élément moteur des ERP pour TPE.
La tentation du libre
Les ERP Open Source souffrent encore d'un manque de reconnaissance de la part des décideurs non-techniciens de l'entreprise. Pourtant, techniquement ils supportent parfaitement la comparaison avec leurs homologues propriétaires. Ils ont pour noms Compiere, Tiny ERP, ERP5, Openbravo ou encore Value Enterprise, pour n'en citer que quelques-uns. Ce sont tous des projets Open Source, qui se caractérisent par une mise en commun du code et un développement de proche en proche. En d'autres termes, ils ont été conçus au départ pour répondre à un besoin bien particulier, comme c'est le cas de Fisterra, par exemple, qui répondait initialement à une commande de sous-traitant automobile. Corollaire de ce mode de fonctionnement : les fonctionnalités se développent à l'avenant et la couverture n'est pas nécessairement complète dans le cas particulier de votre entreprise. La couverture fonctionnelle et les nécessaires développements spécifiques sont donc à contrôler d'encore plus près que s'il s'agissait d'un ERP propriétaire. Les évolutions logicielles se gèrent d'une manière différente de celle du monde traditionnel. Et il doit prendre en compte le risque de divergence.
Mais le coût d'implémentation de ce type de solution reste évidemment inférieur à celui de licences payantes. Rappelons que seules les licences logicielles sont gratuites dans le monde du logiciel libre. Tout le reste donne lieu à facturation de la part des SSLL (Sociétés de Services en Logiciels Libres). L'intégration, la formation, les développements complémentaires et spécifiques et autres services constituent leur principale source de revenus.
"S'agissant des coûts, si l'on raisonne à court terme, les ERP Open Source conservent sans doute l'avantage" estime Emmanuel Obadia, Directeur des produits MGE chez Sage. "Si en revanche on raisonne sur le plus long terme, les progiciels traditionnels reprennent l'avantage car les évolutions et les changements de versions sont plus simples en environnement traditionnel". S'il est certain que chez Sage on a tendance à défendre les logiciels propriétaires, il n'en demeure pas moins que l'entreprise envisageant d'adopter un progiciel Open Source se doit d'intégrer les évolutions à long terme dans sa réflexion. Cela dit, le monde de l'Open Source est en pleine évolution et proposera certainement de nouvelles solutions.
Une alternative viable : le SaaS
Selon le Gartner Group, les applications en mode ASP (Application Service Provider) ou SaaS (Software as a Service) ont représenté 5 % du CA provenant de la vente de licences en 2005. Mais cette part croit de 21 % par an et, à l'horizon 2011, le même Gartner estime qu'un quart des logiciels utilisés en entreprise devraient être hébergés. Le cabinet Markess International confirme cette tendance et estime la croissance d'ici à 2009 à +24 % annuels, comme nous vous l'indiquions dans notre article "L'adoption des ERP en mode SaaS reste en retrait, selon une étude Markess International". Selon le même article, l'ERP ne connaît pas encore en mode SaaS un succès équivalent à celui des autres applications car ce mode privilégie une approche par fonction et non pas intégrée. Mais avec la multiplication des offres, l'adoption devrait suivre. De nombreux éditeurs proposent une offre de ce type : de Microsoft à Cegid, de Proginov à Avenue Software, Tiny ERP ou Divalto. Et d'autres devraient bientôt l'annoncer. L'événement majeur de l'automne dans ce domaine a été l'annonce fracassante de Business ByDesign par SAP.
Mais qu'est-ce qui pourrait bien pousser une entreprise à adopter un ERP en mode SaaS, autrement dit à externaliser physiquement ses données souvent sensibles et au c'ur de son métier ? Avant tout le "on-demand" qui est en fait le petit nom du SaaS. On ne paye que pour ce que l'on consomme, à l'exclusion du superflu et de l'inutilisé souvent inclus dans les ERP installés sur site. Conséquence : les coûts restent prévisibles et maîtrisés. Autre avantage du modèle SaaS : la sécurité. Il existe en effet un contrat de niveau de service entre l'entreprise et le prestataire, qui prend en charge la sauvegarde des données et leur restauration en cas de panne. En outre, les entreprises recherchent de plus en plus des solutions de mobilité. Le modèle SaaS apporte cette mobilité et l'ubiquité des applications.
En guise de conclusion synthétique à cette série d'articles, je dirais que les facettes de l'ERP sont nombreuses, surtout en PME/PMI. Une entreprise met les meilleures chances de succès de son côté à condition de ne pas brûler les étapes, en adoptant une démarche systématique et en optant pour un outil adapté à ses besoins réels, toutes autres considérations mises à part.
Benoît Herr