La 6ème édition de la Cloud Computing World expo a accueilli cette année 120 exposants et 4 832 visiteurs en 2 jours. De nombreuses conférences ont tenté d'apporter des réponses concrètes aux responsables informatiques, encore très souvent réticents à adopter les solutions cloud. Or, comme l'explique Denis Remy, directeur du salon, "les utilisateurs, les partenaires et les clients exigent de nouveaux services en ligne et de nouvelles interfaces mobiles et inter-applications. Les missions et les priorités changent à un rythme plus soutenu que jamais. Le DSI est-il encore là pour maintenir des infrastructures, pour mettre à jour des systèmes et des équipements ou doit-il plutôt aujourd'hui accompagner les métiers et préserver les données sensibles et le cœur d'activité au sein des datacenters les plus sûrs ?".
La DSI à l'heure du cloud
Lors d'une conférence dédiée aux métiers-clés au sein d'une DSI adoptant le cloud, Stéphane Duproz, DG France de Telecitygroup, a rappelé que le cloud n'est pas une technologie mais un business model : "alors que l'informatique s'externalise ou n'est plus sous son contrôle immédiat, les DSI abandonnent le rôle de CTO (Chief Technology Officer) pour embrasser celui de CIO (Chief Information Officer). Sa mission devient organisationnelle : il doit désormais gérer les fonctionnalités pour assurer l'efficacité du traitement de l'information. L'avenir du DSI est de devenir un directeur général bis".
Philippe Recouppé, président du Forum Atena, association qui se définit comme un lieu d'échange et de réflexion sur les NTIC, confirme cette analyse mais estime que le profil des DSI a à peine commencé à changer. "Une fois le système d'information sorti pour tout ou partie de l'entreprise, les missions principales des DSI font de lui un véritable chef d'orchestre : travail de coordination, garant de la sécurité, respect des contraintes juridiques". Philippe Recouppé pointe d'ailleurs un réel danger si le DSI ne remplit pas bien son rôle : "une mauvaise anticipation des coûts dans le cloud peut déboucher sur d'importantes zones d'ombres financières", liées au danger de la facturation à l'usage, si celle-ci n'est pas maîtrisée.
Stéphane Duproz, dont l'entreprise "héberge une grande partie des infrastructures du cloud dans ses centres de données", acquiesce : "beaucoup se sont imaginé que le cloud était génial et se sont lancés à corps perdu, sans comprendre que le SaaS n'est pas fait pour être utilisé en permanence ! Les clients reviennent aujourd'hui vers des positions plus hybrides et ne conservent le cloud que pour les projets novateurs, où il y a besoin davantage d'agilité".
Quand les DSI traînent les pieds...
Louis Naugès, cloud evangelist, estime lui à 15 % la part des DSI ayant pris le virage cloud et regrette cette timidité : "il y a un décalage très fort entre ce que font les entreprises et la puissance des outils". Louis Naugès l'assure : tout est déjà disponible dans le cloud mais les DSI ont une très mauvaise connaissance des solutions. De plus, des acteurs comme Google font très peu de démarchage commercial, car ils n'en ont pas besoin. "Un DSI qui ne va pas vers l'offre ne fait pas son métier".
Or, à l'heure où le système d'information devient vital, toute entreprise a besoin d'un DSI performant et innovant. "Mais beaucoup préfèrent encore se tourner vers des ERP de type SAP ou Oracle, qui ne correspondent pourtant pas à leurs besoins, plutôt que de prendre le risque de se faire taper sur les doigts en optant pour des solutions plus adaptées mais moins rassurantes pour la direction générale, du type Salesforce, Plex ou Bime", constate Louis Naugès.
Comment former les DSI à ses nouvelles responsabilités ? Pour Philippe Recouppé, qui est également chargé du développement du master cloud computing à l'ISEP, "les enseignements ont commencé à évoluer dans les écoles d'ingénieur pour préparer les futurs DSI à cette nouvelle mission organisationnelle, pour développer leurs compétences managériales et de collaboration avec les métiers. Le cloud est l'externalisation de l'expertise technique : une connaissance des technologies par les DSI est importante mais il n'est pas indispensable d'additionner les expertises pour devenir expert cloud".
Le DSI négociateur de la réversibilité
Les questions autour de la réversibilité constituent encore un frein à l'adoption cloud : sa contractualisation avec les fournisseurs cloud doit donc constituer une nouvelle corde à l'arc des compétences du DSI. En effet, concernant le coût final de la réversibilité, l'ensemble des participants à une conférence sur ce thème sont tombés d'accord sur le fait que l'enveloppe budgétaire est la même en entrée et en sortie des solutions cloud.
Alexandre Diehl, avocat au cabinet Lawint, a rappelé le cadre dans lequel les DSI auront à gérer ces soucis : "en fin de contrat, le prestataire est vexé d'être laissé au bord du chemin et le DSI a déjà le regard tourné vers son nouveau partenaire. Si rien n'est écrit, ça ne se passe jamais bien".
Ainsi, si les textes légaux ne prévoient rien en termes de réversibilité, Cyril Ruche, directeur des opérations cloud chez Quadria, identifie plusieurs bonnes pratiques, avec quelques années de recul : "on ne fait pas ce qu'on n'est pas obligé de faire. Or, comme il n'y a souvent rien de prévu dans les contrats... Le prestataire doit s'engager contractuellement à vérifier plusieurs fois par an s'il est en capacité de rendre les données. Mise en place dès la conception, la réversibilité doit fonctionner dès le 1er jour».
Il considère également nécessaire l'inscription dans le contrat d'une possibilité d'audit de la solution par le DSI client (ceci impliquant tout de même qu'il ait les moyens humains de mener ses vérifications). Cyril Ruche insiste enfin sur deux dernières garanties pour s'assurer une bonne fin de contrat : "ne rien mettre en commun entre le prestataire et le client et ne pas placer réseaux et télécom chez le même prestataire, au risque de devenir complètement captif".
Thibault Dallemagne, DSI au SFIC (Syndicat Français de l'Industrie Cimentière), a lui pointé une difficulté majeure dans la négociation de la contractualisation de la réversibilité : il faut trouver un interlocuteur acceptant d'en discuter ! "Certains fournisseurs de SaaS ont des closes prévues en cas d'arrêt du contrat et il est par ailleurs possible de négocier avec certains éditeurs français, mais les volumes des prestations cloud qui nous sont facturées sont trop faibles pour que des fournisseurs américains acceptent de contractualiser la réversibilité".
Hervé Baconnet