À plus de trente ans, EBP garde tout son mordant. Depuis sa création en 1984 à Rambouillet (Yvelines), l'éditeur de logiciels de gestion trace sa route sans que rien ni personne ne semble pouvoir l'en détourner. Pas même la crise du secteur de l'informatique, au début des années 90, ni celle dont l'économie peine actuellement à s'extirper. "Sur l'ensemble des exercices, 2009 a été la seule année où nous avons vu nos ventes reculer, de quelques points, indique René Sentis, le fondateur et PDG de la société, qui emploie aujourd'hui 380 collaborateurs, dont plus de 150 développeurs et techniciens. Comme la plupart des acteurs, nous avons fait le dos rond, pour mieux rebondir dès 2010 et les années suivantes". Cinq ans plus tard, l'épisode n'est déjà plus qu'un lointain souvenir. Pour son exercice 2014, EBP vient ainsi d'annoncer une croissance de plus de 10 % de son chiffre d'affaires, à 32,6 millions d'euros. Et même de 28 % sur la Ligne PME, lancée en 2011 pour regrouper les solutions destinées aux entreprises de 20 à 250 salariés, voire au-delà, la cible désormais prioritaire.
Distancer les concurrents sur le marché français
René Sentis, fondateur et PDG d'EBP
Né en même temps que la micro-informatique, dans le "bouillonnement" autour de Windows, l'éditeur s'est développé autour d'une idée simple : concevoir des outils de gestion informatique destinés aux PME-PMI, aux artisans et aux professions libérales. Comme le traduit son nom d'alors, Entreprise de Bureautique Professionnelle propose d'abord des logiciels de tableur et de traitement de texte pour accompagner les entreprises dans leurs tâches administratives. Mais à l'écoute de ses clients, René Sentis se tourne rapidement vers les logiciels de gestion. Devenu European Business Product, l'éditeur développe et commercialise aujourd'hui des logiciels de comptabilité, de gestion commerciale, de paie et de CRM, principalement autour des technologies Microsoft (.Net, SQL Server, etc.). Une soixantaine de solutions figurent au catalogue actuel, segmentées pour cibler les différentes tailles d'entreprises (gamme Pratic, Classic, Pro) en offrant une profondeur fonctionnelle maximale avec la Ligne PME. Au fil des années, l'offre s'est aussi enrichie de plusieurs intégrés et de solutions verticales spécifiques aux métiers du bâtiment, de l'automobile, du commerce, de l'immobilier, de la restauration, etc. Elle couvre aujourd'hui une vingtaine de secteurs d'activité.
En termes de présence géographique, les solutions sont distribuée en France et dans quatre pays à l'étranger. En plus des filiales en Belgique et en Espagne, deux destinations privilégiées pour "leur proximité géographique, culturelle et fonctionnelle dans le domaine de la comptabilité", EBP est aussi présent en Suisse et au Mexique via des partenaires locaux. "Avant d'aller plus loin sur ces marchés, nous voulons d'abord maîtriser leurs spécificités et nous faire une notoriété", explique René Sentis. "Nous ne nous interdisons rien, y compris dans d'autres pays, plutôt en Europe. Mais il ne faut pas vouloir aller trop vite, ni mener trop de chantiers de front. Or la priorité actuelle est mise sur l'offre, pour distancer nos concurrents, en particulier en France". Les concurrents ? Ce sont d'abord Sage, en incluant Ciel, et Cegid, que René Sentis qualifie de "grosses machines". Mais aussi des éditeurs comme WaveSoft ou Interlogiciel (Divalto), dans un registre plus poche de celui d'EBP. Seulement, précise le PDG, "en plus d'être mono-produit, ce qui ne leur permet pas d'amortir les développements à travers toute une gamme de solutions, ils ne visent pas plusieurs catégories de clientèle comme c'est notre cas".
Un réseau de plus de 5 000 distributeurs indirects
Entreprise familiale contrôlée par son fondateur et non cotée, EBP aurait en fait la taille idéale. "Nous sommes suffisamment importants pour pouvoir lancer des investissements lourds et disposer d'une solide structure organisationnelle, mais également assez modestes pour garantir une proximité avec nos clients et pouvoir être très réactifs", résume René Sentis, qui insiste aussi sur la puissance de son réseau de distribution. Outre les équipes de commerciaux sédentaires et les relais dans la grande distribution, la stratégie commerciale d'EBP, à l'intérieur ou en dehors des frontières hexagonales, repose en effet sur un maillage de plus de 5 000 distributeurs indirects. Celui-ci a d'ailleurs contribué aux bons résultats enregistrés l'an dernier, avec une hausse de 15 % en termes de chiffre d'affaires généré. Pour lui permettre de rester performant et entretenir les relations, ce réseau fait l'objet d'une politique d'accompagnement continu, rythmée par des événements tels que "Les Rencontres EBP" ou "Les Rendez-vous d'Affaires". Autre manifestation très attendue des revendeurs, les Trophées EBP récompensent chaque année les meilleurs d'entre eux. Dans la même logique et alors que d'importants investissements ont été réalisés autour de la révision comptable et de la dématérialisation, l'éditeur a mis en place en 2014 "Les Rendez-vous d'Experts" pour réunir ponctuellement ses équipes internes et les experts-comptables prescripteurs de ses solutions.
Le siège d'EBP à Rambouillet (Yvelines)
Aujourd'hui, sur l'ensemble de ses activités, EBP revendique quelque 560 000 clients. "Étant donné l'éventail de notre offre, une segmentation par taille de clientèle est difficile à dresser", explique René Sentis. "Mais environ deux tiers du chiffre d'affaires sont réalisés auprès des entreprises de 10 à 20 salariés et des PME et environ un tiers auprès des TPE et des mono entreprises". Les grands comptes et les institutions dépendent, eux, d'Itool, la filiale créée en 2006 pour gérer les problématiques particulières des clients opérant dans le secteur de l'assurance et initier le virage vers le SaaS. Face aux spécificités de certains marchés ou de ses offres, l'éditeur s'est également doté d'autres filiales : EBP Presta Paye et Objectif-Paye (2012) dans le domaine de l'externalisation du traitement des salaires, respectivement pour les TPE-PME et les experts-comptables, ou encore EBP Méca (2013), à destination des professionnels de la réparation, en mécanique et carrosserie.
Une solution de gestion commerciale mobile sur Azure
Pour accélérer son développement, EBP va-t-il poursuivre dans la spécialisation ou la verticalisation de ses solutions ? "C'est une voie possible, qui dépend aussi des attentes du marché", répond René Sentis. "Mais certains domaines qui pourraient nous intéresser, comme les notaires, sont très pointus". Quid, par ailleurs, d'une extension fonctionnelle, dans les achats, par exemple, ou pour couvrir d'autres aspects de la gestion des ressources humaines ? "Là encore, nous ne nous interdisons rien. Mais c'est d'abord ce que nous demandent nos clients qui va déterminer notre roadmap". Pour l'heure, les efforts se concentrent sur la Déclaration Sociale Nominative (DSN), qui vise à alléger les démarches déclaratives de toutes les entreprises dès le 1er janvier 2016, avec un impact au niveau de la gestion de la paie. "Si EBP fait partie des éditeurs pilotes depuis 2013 et que les adaptations nécessaires ont été globalement apportées, notre objectif consiste désormais à accompagner nos clients pour les aider à intégrer rapidement et facilement ce nouveau processus", explique René Sentis.
Parmi les autres chantiers de taille, l'éditeur entend renforcer son offre dans le cloud, après la forte croissance enregistrée dans ce domaine au second semestre 2014, et dans la mobilité "en réponse à une demande croissante des clients alors que la transition digitale est un enjeu majeur pour les années à venir". Mi-mai, trois ans après le premier service Open Line Mobility, l'éditeur lancera une solution de gestion commerciale mobile sur Azure, la plate-forme qui permet d'héberger, d'exécuter et de gérer les applications et les données via un centre de données Microsoft. Dans cette perspective, EBP table sur une hausse "raisonnable" de 6 % de son chiffre d'affaires en 2015 et une poursuite des embauches pour probablement dépasser la barre des 400 collaborateurs avant la fin de l'année. Et si une éventuelle proposition d'acquisition se présentait ? "Non seulement il n'y en a pas, mais je ne suis pas intéressé : je préfère rester maître du jeu, pour ne pas subir", assure René Sentis. De conclure, toujours en toute sérénité, que "le rythme devrait se poursuivre en 2016, sans rupture technologique ni réglementaire... à moins que le prélèvement de l'impôt à la source finisse par se mettre en place". Une autre histoire.
Thierry Parisot