"L'année qui s'achève a été riche, dans le monde des ERP, émaillée de nombreuses avancées et possibilités d'amélioration. Mais voyons ce qui nous attend au cours de l'année qui s'annonce", propose Eric Kimberling, managing partner de PCS. "Certes, les prévisions de PCS n'ont pas un caractère de certitude, mais il se dégage néanmoins un certain nombre de tendances existantes ou émergentes qui auront un impact sur les acheteurs potentiels d'ERP et les intégrateurs en 2016".
Panorama Consulting Solutions (PCS) est un cabinet indépendant de tout éditeur et à ce titre sa vision est intéressante, même si elle passe par le prisme déformant du marché américain. Mais PCS est aussi un cabinet de conseil spécialisé dans l'ERP, ce qui le pousse à prêcher un peu pour sa paroisse. Il convient de tenir compte de ces aspects dans les 10 prévisions qu'il fait pour 2016, que voici :
1/ La classification en Tier I, Tier II et Tier III, va devenir obsolète. Cette classification a généralement cours aux États-Unis, mais souvent aussi en Europe. "Non pas que les systèmes ERP en eux-mêmes vont devenir obsolètes, mais les différences entre Tier I, II et III vont s'estomper", précise Eric Kimberling. Il y a en effet des possibilités tellement riches et des technologies tellement sophistiquées sur le marché qu'il est illusoire de penser que les trois leaders que sont SAP, Oracle et Microsoft soient les seuls à même de répondre aux besoins des grandes entreprises et des ETI. Même les plus grosses et les plus complexes des entreprises ont une multitude de possibilités à leur disposition. Le classement d'Infor en Tier I par PCS en début d'année a été le premier domino à tomber et a fait chuter cette classification surannée et arbitraire.
2/ Une adoption des ERP élargie dans les PME/PMI. Jusqu'à il y a peu, les grands comptes avaient un avantage technologique indéniable par rapport à leurs concurrents PME/PMI. Mais les solutions en SaaS et les technologies mobiles sont en train de devenir plus concurrentielles et plus faciles à déployer, ce qui permet aux organisations de taille plus modeste de rattraper les grands comptes. Il est loin le temps où des millions d'euros étaient nécessaires au déploiement de nouvelles solutions d'entreprise, ce qui met les ERP, les logiciels de CRM et d'autres systèmes à la portée de la plupart des entreprises.
3/ Les ERP dans le cloud ne seront plus un problème. Le buzz autour des ERP dans le cloud va finir par d'estomper, essentiellement parce que la plupart des éditeurs et hébergeurs auront proposé des offres abordables et en nombre aux entreprises souhaitant migrer dans le cloud. Les enseignements et les éléments apportés par l'étude "2015 ERP Report" de PCS montrent que cette tendance va se poursuivre au moins dans le futur proche. Mais la grande différence sera que le cloud va devenir un aspect normal et accepté de tout système ERP et non plus un buzzword mis en exergue par les analystes du marché. La question n'est plus de savoir si le mouvement vers le cloud va se poursuivre mais plutôt de quelles organisations vont franchir le pas dans cette direction.
4/ Les procès dévoilent les causes des échecs de projets ERP. PCS met en avant son expérience de témoin en la matière et note un accroissement important du nombre de ces procès aux États-Unis, ce qui selon lui reflète l'état de l'art en matière d'implémentation d'ERP. De trop nombreux projets échouent et se terminent dans dans un bourbier juridique, dont certaines entreprises ayant pignon sur rue, ce qui met en lumière les défaillances de l'industrie des ERP. Les litiges qui font l'objet de ces procès vont certainement mettre en lumière les raisons des échecs et, plus important, ce qui peut et aurait dû être fait pour les éviter.
5/ Des écarts plus importants entre succès et échec des projets ERP. La disparition des échecs des projets ERP ne semble pas à l'ordre du jour dans un futur proche. Mais, d'un autre côté, il y a aussi de nombreux projets réussis. La différence entre les deux devrait, selon PCS, continuer à devenir de plus en plus apparente. Les projets réussis seront ceux qui auront tout bien fait du début à la fin (gestion de projet efficace, BPM et gestion du changement efficace, par exemple), tandis que les projets conduisant à un échec seront toujours ceux où il n'a pas été investi suffisamment dans ces mêmes domaines. Et les divergences entre ces deux groupes seront de plus en plus importantes.
6/ Le rattrapage des échecs de projets ERP va devenir une compétence très prisée. Dans la mesure où le ratio des projets ERP se soldant par un échec devrait continuer à croître, la demande en personnes capables de rattraper ce type de situations va naturellement devenir plus importante, peut-être même plus importante que celle en chefs de projets traditionnels. Ces personnes disposent de compétences singulières, qui leur permettent d'aller chercher les causes à la racine de ce qui a mené à l'échec et de les corriger.
7/ Le grand retour du best-of-breed. Dans un passé récent, les ERP isolés, très peu intégrés à d'autres systèmes, issus d'autres éditeurs, ont fait florès dans de nombreuses organisations. Mais aujourd'hui, on trouve du Salesforce, du Workday ou d'autres systèmes d'entreprise centrés sur les fonctionnalités un peu partout. Ils constituent une alternative viable pour des entreprises qui recherchent des solutions ne répondant pas exhaustivement à tous les besoins de tous les utilisateurs. Il est hautement probable que ces solutions best-of-breed ravissent une part de marché de plus en plus importante aux éditeurs d'ERP classiques.
8/ SOA et les technologies d'intégration vont revenir à la mode. S'il est loin d'être sûr que ces technologies aient jamais été à la mode, il y a sans doute de nombreuses organisations qui se brûlé les doigts à chercher à intégrer des ERP hétérogènes. Mais il existe toute une palette d'outils qui rendent une telle intégration possible. Et s'il est vrai que les systèmes best-of-breed font leur retour (voir pont 7/), les compétences et les outils d'intégration vont gagner en importance pour un nombre de plus en plus grand d'organisations et de DSI.
9/ Les développements spécifiques plus acceptés par le plus grand nombre. "Depuis que je suis dans ce métier, les termes de 'développements spécifiques' ont terrifié les directeurs financiers, les DSI et autres dirigeants", constate Eric Kimberling. Comme le montre le rapport "2015 ERP Report", 90 % des implémentations d'ERP nécessitent des développements spécifiques pour répondre aux besoins métiers. Il est donc difficile de passer à travers. Les ERP actuels s’accommodent mieux de ce souci et en réduisent les risques : certes, il s'agit d'une pente glissante, mais on peut la gérer si les volumes restent raisonnables.
10/ Les techniciens reprennent la main sur les installations d'ERP. Les trois points précédents montrent à bien des égards que le balancier revient dans le camp de la technique, au détriment des métiers. La complexité technologique augmente la dépendance à l'informatique et engendre le risque de sous-estimer les aspects transformation du métier de la mise en place d'un ERP ou d'autres solutions logicielles d'entreprise. PCS considère qu'il ne s'agit pas là d'une tendance favorable, parce qu'elle accroît le risque d'échec et va à l'encontre du fait que les implémentations d'ERP les plus réussies sont celles qui sot traitées comme des transformations du métier. Mais c'est la réalité du paysage technologique actuel.
Le monde des ERP est en évolution constante. Sa compréhension et celle des forces qui le gouvernent est donc importante pour pouvoir y naviguer et mettre toutes les chances de son côté. Pour PCS et Eric Kimberling, les 10 tendances détaillées ci-dessus sont à conserver à l'esprit en permanence pour se préparer à la mise en place d'un ERP en 2016.
Benoît Herr, d'après Eric Kimberling et Panorama Consulting Group