R&D innovante, écosystème de start-up dynamique, soutien des pouvoirs publics : le logiciel français dispose de nombreux atouts pour s'exporter. Mais une démarche internationale se prépare en amont et passe notamment par l'adoption d'une culture internationale le plus tôt possible, la définition d'un parcours en fonction des débouchés commerciaux, l'anticipation d'un financement important ou encore le recrutement de talents locaux.
L'étude
Elle a pour objectif de dresser le paysage du logiciel en France, du point de vue des atouts et des freins à l'internationalisation, et de formuler un ensemble de recommandations concrètes. Au-delà de l'état des lieux qu'elle dresse, elle propose aussi des scénarios de croissance à l'international en se fondant sur des succès français. Axelle Lemaire, Secrétaire d'État chargée du numérique, résume ainsi les enjeux portés par ce rapport : "cette étude le démontre bien : se lancer à l'export, si c'est parfois ressenti comme un risque ou un saut dans l'inconnu, c'est une stratégie payante !"
L'étude a été réalisée à la demande de la DGE et de l'AFDEL. KPMG et CXP Group l'ont réalisée. Elle s'appuie sur une enquête réalisée auprès d'acteurs français de l'édition logicielle ayant une activité à l'export et sur une analyse des données économiques de 54 pays identifiés comme offrant un marché du logiciel supérieur à 50 millions d'euros. Une quarantaine d'entretiens, réalisés auprès d'acteurs français et étrangers et d'une dizaine d'experts ayant financé le développement à l'international de sociétés ou ayant une expérience opérationnelle des marchés internationaux complète les éléments analysés. Il s'agit de la première étude portant sur le développement à l'export des éditeurs de logiciels français.
Les éditeurs français peu internationalisés
Jamal Labed, président de l'AFDEL, estime que "trop d'entrepreneurs ne se posent pas la question assez tôt ! Un des enseignements de cette étude est que l'international se pense dès le départ. Marchés visés, produit, go to market , marketing, recrutement des talents et surtout financement : tout doit être pensé à l'aune d'une projection rapide à l'international".
En France, le marché est essentiellement constitué de petites entreprises : 93 % des 2 500 éditeurs français de logiciels réalisent un chiffre d'affaires édition inférieur à 5 millions d'euros et restent très majoritairement cantonnés sur le marché français. Il existe une corrélation forte entre la taille des entreprises et leur développement à l'international. Les éditeurs français réalisant moins de 10 M€ de CA font 19 % de leur chiffre d'affaires à l'international (36 % pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est compris entre 10 et 50 M€ et 50 % au-delà de 100 M€). Du point de vue des destinations, les éditeurs français tendent à privilégier les pays limitrophes (Allemagne, Grande-Bretagne, Espagne, Belgique) ainsi que l'Amérique du Nord. Une analyse quantitative et qualitative des plus grands marchés internationaux pour le logiciel met en exergue des destinations attractives qui n'étaient pas forcément envisagées par les éditeurs : Maghreb, Moyen-Orient, Chine et Inde. La plupart du temps, la présence de l'international résulte de déploiements opportunistes (demande client, implantation transfrontalière). Toutefois, pour près du tiers des éditeurs de logiciels ayant une activité à l'étranger, le développement à l'international est stratégique et fait partie du projet initial de l'entreprise (cf. schéma).
Pour Laurent Calot, PDG de CXP Group,"cette étude confirme ce que nous expérimentons avec nos clients : l'international tire la croissance des éditeurs de manière très significative. Pourtant, trop peu d'éditeurs français osent s'y engager, sauf à le faire de manière opportuniste. La question n'est donc plus de savoir s'il faut ou non aller à l'international, mais comment. Réussir son parcours à l'international est à la portée de tous les éditeurs français, pour peu qu'ils bâtissent en amont une stratégie d'internationalisation structurée".
Un contexte favorable
Certes, le marché français présente quelques freins au développement du logiciel français à l'international, comme l'insuffisante culture de l'international, la faiblesse des investissements dans le marketing et les difficultés à réaliser des levées de fonds significatives. Mais les éditeurs français disposent aussi de nombreux atouts :
- Une R&D innovante. L'excellence des filières technologiques et la qualité des ingénieurs français sont reconnues à l'international. La fonction "recherche et développement" est compétente (formation de qualité pour les ingénieurs) et compétitive (crédit d'impôt recherche)
- Un écosystème de start-up dynamique. On assiste depuis quelques années à l'émergence d'une nouvelle génération d'entrepreneurs français exemplaires, davantage ouverts à une démarche internationale. La place de Paris concentre aujourd'hui tous les acteurs de l'écosystème (institutions, grandes écoles, entreprises et fonds d'investissement) favorisant l'émergence et le développement de start-up au travers de différents types d'incubateurs ;
- Des pouvoirs publics investis. Les pouvoirs publics, à travers plusieurs dispositifs financiers et non financiers, apportent un vrai soutien aux éditeurs qui initient une démarche export (Business France, FrenchTech, Bpifrance).
Comment franchir le pas de l'international
L'international est à la portée des éditeurs de toutes tailles, dans tous secteurs d'activité ou segments technologiques. Ces acteurs se limitent aujourd'hui, que ce soit par méconnaissance du sujet, par crainte de la complexité et des coûts associés ou par crainte de renforcer les effectifs dans une phase de croissance où les incertitudes demeurent encore fortes. Mais ils peuvent, dans le cadre d'une démarche structurée, s'internationaliser en limitant les risques. Il n'y a toutefois pas de recette miracle pour réussir à l'international, ni même de pays incontournable. Chaque éditeur devra s'y préparer en amont et construire son propre parcours.
Néanmoins, quelques recommandations peuvent être formulées :
- Diffuser une culture internationale dans son entreprise et adapter son offre ;
- Déterminer un parcours en fonction de sa stratégie de débouchés commerciaux et de distribution pour que le logiciel trouve son marché ;
- Rechercher un financement adapté et accepter d'ouvrir son capital le cas échéant ;
- Trouver un homme de terrain, ayant une forte expérience de la culture, du marché et des clients locaux, à profil généralement commercial, qui saura ouvrir le pays et décrocher les premières références, capitaliser sur ces dernières, développer un réseau efficace et nouer des alliances
"Dans une économie globale, où les opportunités sont transfrontalières, l'expansion géographique doit être une priorité pour nos éditeurs de logiciels, fleurons de la FrenchTech. La France dispose des atouts pour permettre à ses éditeurs d'accélérer leur développement international, levier fondamental de leur croissance durable. L'enjeu est aujourd'hui, pour de nombreux éditeurs, de franchir ce pas", conclut Éric Lefebvre, associé KPMG Technologies.
La rédaction