Le CMIT a pour vocation "d'enrichir et de promouvoir les fonctions marketing et communication dans le secteur de l'IT en France". Fort d'une centaine d'adhérents directeurs marketing, il organise près de 20 évènements par an, comme celui qui a récemment réuni six experts autour du thème des communautés clients et qui fut animé par Jean Denis Garo et Marie Jacob, administrateurs du CMIT. En premier lieu, les intervenants ont souligné l'importance de répondre aux différents niveaux d'engagement des clients lors de la mise en place d'un club utilisateur : il est indispensable d'adapter sa communication selon que l'on parle à son public général, ses clients fidèles ou à ses fans absolus.
Suivant cette logique, Angelica Reyes, directrice marketing de Qlik, a détaillé ses trois niveaux de communautés : "le premier est un forum online autour des produits. Le deuxième est une association qui se réunit 6 fois par an autour de témoignages clients. Le troisième ne concerne que 50 utilisateurs très fidèles, chez qui nous allons étudier l'utilisation des produits".
À quoi servent les clubs utilisateurs ?
"Le forum soulage les équipes car les utilisateurs se répondent entre eux sur la manière de vraiment tirer profit des solutions. Les équipes avant-vente s'y connectent toutes les semaines : c'est un extraordinaire moyen d'accéder à l'information a expliqué Angelica Reyes. L'ensemble des clubs des intervenants partage cet objectif de guider l'évolution des produits. En profitent-ils pour pousser des montées en gamme ? Angelica Reyes a estimé que c'est un jeu dangereux : "Nous avons déjà fait l'erreur de présenter les services consulting lors d'une rencontre : les utilisateurs en furent très mécontents. Ils préfèrent les témoignages et les présentations produits … mais seulement s'ils en ont fait la demande !"
Yacine Mafhoufi, directeur marketing France d'Alcatel Entreprises, anime des communautés d'utilisateurs, malgré un positionnement B2B en indirect. En plus de faire remonter les anomalies et de renseigner la R&D, il a estimé que "les clubs servent aussi à fidéliser et à associer des clients à notre marque. Ils permettent également de faire appel à eux dans nos présentations de cas clients. En tout cas, l'objectif n'est pas un retour immédiat sur investissement". Tous les intervenants ont convenu que la construction d'une communauté de clients est une démarche de longue haleine, qui s'apparente à du lobbying et à la création d'un écosystème autour de ses produits et services.
Comment recruter les utilisateurs ?
Cécile Maindron, directrice online de Talend, est intervenue en tant qu'organisatrice du groupe utilisateurs Paris de Marketo (logiciel d'automatisation du marketing) : "en tant que club géré par des utilisateurs, nous avons des difficultés à recruter", a-t-elle reconnu. "Ce sont les commerciaux de l'éditeur qui décident de nous communiquer les noms des clients ou pas. La présence d'intégrateurs dans le club nous permet tout de même de recruter un peu par nous-mêmes".
Yacine Mafhoufi a confirmé que les entreprises sont les mieux placées pour recruter les utilisateurs : "Nous offrons par exemple la 1ère année d'adhésion au club utilisateur à tous les nouveaux clients de l'entreprise". De son côté, Qlik s'appuie uniquement sur le bouche à oreilles et cela semble fonctionner : elle compte plus de 190 000 membres sur son forum, dont 9 000 actifs dans le monde et 900 en France.
Pour les entreprises visant des cibles particulières dans les équipes client, Sylvain Fievet, du Club des partenaires IT, a suggéré d'adapter les services proposés : "au sein des clubs utilisateurs et sur les forum online, on trouve plutôt des gens opérationnels qui utilisent les produits de l'éditeur. Les évènements présentiels rassembleront d'avantage les personnes des métiers et la DSI, plus intéressées par l'analyse des usages". Tous se sont tout de même accordés sur la nécessaire cohabitation du présentiel et du online, tout en soulignant les difficultés budgétaires sous-jacentes qui "expliquent que Talend hésite encore à créer son club utilisateur", selon Cécile Maindron.
Quel niveau d'indépendance pour les clubs ?
Tous ont assuré que leurs clubs utilisateurs étaient totalement indépendants : Angelica Reyes a reconnu "garder un œil sur les échanges, mais nous laissons les gens discuter, sans filtre". Cécile Maindron confirme qu'il n'y a pas non plus de modération de contenu sur le forum de son groupe Marketo, "même si l'éditeur vérifie tout de même le dynamisme du forum". Yacine Mafhadi a de son côté "constaté en présentiel deux ou trois incidents liés à des partenaires présents, qui ont évoqué d'autres solutions que celles d'Alcatel, ce qui est remonté aux oreilles d'une direction pas très satisfaite...".
Cette autonomie au sein des clubs peut créer au départ des réticences en interne : "La première réaction des commerciaux est d'avoir peur que les clients parlent entre eux", estime Sylvain Fievet. "Par la suite, ils seront les premiers à venir y chercher des cas clients ! De toute façon, les utilisateurs ne supportent pas que l'éditeur ou l'entreprise leur dictent ce qu'ils doivent faire : il est indispensable qu'ils animent le club eux-mêmes".
Le contenu, point-clé du succès des communautés
Pour Samuel Gaulay, fondateur d'IT Social, "les clubs ne fonctionnent que si le contenu est intéressant et si les utilisateurs l'enrichissent par leurs prises de parole. On peut aider les intervenants à accoucher d'une contribution, soit par un entretien avec un rédacteur qui écrira le papier, soit en optant pour un format webinar s'appuyant sur une présentation préexistante".
Cette boucle vertueuse peut être obtenue en adaptant l'offre de communautés aux profils des utilisateurs : Céline Maindron a expliqué que "pour notre audience marketing, un système de gratification, avec des gains de points et des diplômes de 'champions', donne accès à des bêtas de test de nouveaux produits. De leur côté, les développeurs vont plutôt préférer qu'on mette en avant leurs compétences".
Le nerf de la guerre étant l'intérêt du contenu, Sungard Availibility Services a décidé d'en faire le cœur de son projet de communauté. Emmanuelle Servaye, responsable du marketing en France, a présenté l'initiative originale de son entreprise, qui a lancé, en novembre 2014, Atout DSI, un site de contenu avec accès gratuit, ainsi que des dispositifs plus spécifiques, comme parcours DSI, une aide à la prise de fonction, et un système de mentorat : "les mentorats, contrairement aux cocktails, permettent de répondre concrètement aux interrogations des DSI", a-t-elle affirmé.
"L'idée était de créer une intimité entre notre cible de DSI et notre marque, alors que nous étions peu connus dans ce secteur. Nous étions en train de changer d'offre et cette stratégie nous a semblé préférable à une campagne d'affichage massive", a-t-elle encore expliqué. En moyenne, dix articles sont publiés par mois, dont moins de deux traitent de sujets en lien avec Sungard AS. "Nous avons gagné en influence et en visibilité. Le succès rapide d'Atout DSI, avec plus de 7 000 visiteurs uniques par mois, a démontré que nous répondions à un besoin. L'autre grande surprise est la forte mobilisation que cela a provoqué en interne", a conclu Emmanuelle Servaye.
Hervé Baconnet