Longtemps, Unit4 a souffert d'un déficit de notoriété sur le marché français. Malgré un logo devenu incontournable dans les allées des salons spécialisés et un solide ancrage sur le marché mondial des logiciels, avec 4 000 collaborateurs et près de 550 millions d'euros de chiffre d'affaires, l'offre de l'éditeur d'origine néerlandaise restait nébuleuse aux yeux de nombreux décideurs informatiques. Si les acquisitions du Norvégien Agresso (ERP généraliste) en 2000 et du Britannique Coda (progiciel dédié à la comptabilité et la finance), en 2008, ont lancé la stratégie de développement de la société à l'international, elles n'ont pas permis d'assoir la marque. En particulier en France, où l'entité d'Agresso en charge des ventes est restée indépendante dans un premier temps, puis simple distributeur de l'ERP Agresso pour le compte de Unit4 à partir de 2010. "Dans ce contexte confus et peu lisible, le marché continuait à s'intéresser aux produits de Coda et d'Agresso, très connus et déployés, sans les inscrire dans une offre globale, autour d'une seule marque", explique Esther Edelstein, directrice marketing de l'éditeur dans l'Hexagone. "Mais les choses sont en train de changer et Unit4 commence à apparaître sur les radars". Depuis l'arrivée d'un nouveau PDG, José Duarte et le rachat de la société par le fond américain Advent International à la fin de 2013, un vaste programme de transformation est engagé.
Un changement d'approche commerciale et marketing
En 2014, conscient des limites d'un modèle reposant sur une holding de taille modeste basée à Sliedrecht (Pays-Bas) et des filiales jouissant d'une grande autonomie, le nouveau propriétaire entreprend une remise à plat de l'organisation et des équipes. Dans l'Hexagone, la filiale Unit4 Coda et Agresso France fusionnent, sous la houlette de Bertrand Boulet qui devient directeur général du nouvel ensemble. Le fonctionnement des activités de recherche et développement est également revu. Si l'éditeur conserve ses centres en Norvège et au Royaume-Uni, hérités des rachats d'Agresso et de Coda, le développement est déporté en Espagne et en Pologne. Très rapidement, l'ensemble des solutions de l'offre Unit4 voient leur interface réécrite, pour apporter une logique globale et homogénéiser leur mode d'utilisation. Puis les couches basses font à leur tour l'objet d'un intense chantier, pour bâtir un socle technologique unique, Unit4 People. Enfin, pour remédier à l'ambiguïté autour de ses deux marques historiques, le groupe finit par rebaptiser l'ERP Agresso en Unit4 Business World et la suite Coda en Unit4 Financials.
Christophe Vanackère, directeur général, Unit4 Business Software France
Autre changement notable, au cours des deux dernières années : l'approche commerciale et marketing. "A l'arrivée de Bertrand Boulet, les commerciaux se comptaient sur les doigts d'une main en France", détaille Christophe Vanackère, qui vient de lui succéder à la tête de la filiale. "Grâce aux capitaux injectés par Advent International et aux économies générées par ailleurs, nous en disposons aujourd'hui aujourd'hui d'une douzaine". Unit4 France se lance parallèlement en quête de nouveaux partenaires, pour augmenter ses ventes indirectes. Au printemps 2015, quelques mois après la création par le groupe d'un pôle en charge des partenariats au niveau global, un directeur dédié est nommé en France, Bruno Foucault. Rapidement, la stratégie prend forme. D'une poignée il y a un peu plus d'un an, Unit4 France compterait aujourd'hui 35 partenaires de vente indirecte. De natures très différentes, ils peuvent être classés en deux grandes catégories. Des partenaires technologiques, d'une part, regroupant une dizaine d'éditeurs apportant des compléments aux offres de Unit4 sur les couches techniques (base de données, moteur décisionnel, etc.) ou fonctionnelles. Des partenaires dans les services, d'autre part : une douzaine de cabinets de conseil, huit intégrateurs et quelques distributeurs à valeur ajoutée.
Les services professionnels, la finance et l'éducation comme priorités
Malgré la réussite de ce programme de transformation, tout reste cependant à faire. "La France fait aujourd'hui partie, avec l'Allemagne et les États-Unis, du fait des spécificités de leur marché, des pays où l'activité n'est pas à la hauteur du potentiel", explique sans ambages Christophe Vanackère, dont la filiale est devenue une absolue priorité pour Unit4 en Europe. "Maintenant que les fondamentaux ont été mis en place, nos objectifs sont clairs : continuer à renforcer nos liens avec nos clients existants, étendre nos réseaux de partenaires, poursuivre le développement de nos solutions". Avec comme ambition de repositionner la marque sur le marché français, y compris face aux plus gros concurrents, en particulier dans le monde des ERP.
La filiale va donc d'abord accompagner de manière encore plus rapprochée ses quelque 300 clients, en s'inspirant des 5 000 références que compte le groupe dans la monde. La cible, en particulier sur le marché des ERP, reste les grosses ETI, employant plus de 500 voire 1 000 personnes, ou réalisant plus de 100 millions d'euros de chiffre d'affaires. "Dans certains appels d'offres, si nous constatons que nous sommes mis en concurrence avec Sage ou Cegid, cela signifie que le client est trop petit", explique Chistophe Vanackère. Face à SAP, Oracle et Microsoft, des rivaux plus directs, Unit4 a choisi de se positionner différemment, en misant sur l’agilité post implémentation. Traditionnellement, les ERP cherchent à automatiser les processus en apportant un cadre généraliste mais très structurant, dans lequel les entreprises doivent entrer. "Avec les solutions historiques, les projets durent plusieurs années, puis les entreprises essaient de limiter les modifications tellement chaque évolution est difficile à mener", décrit Christophe Vanackère. "En ce qui nous concerne, l’approche est inverse. Nativement dédié au secteur tertiaire et donc à des entreprises confrontées à des changements permanents (évolution de stratégie, fusions-acquisitions, création de nouvelles offres, etc.), notre ERP est capable de s'adapter facilement".
Comment ? Grâce à la plate-forme évolutive Unit4 People qui permet d'ajuster les workflows, les process, la hiérarchie, etc. par simple reconfiguration, et à la vingtaine d'"Experience Packs", des fonctionnalités pouvant être ajoutées en fonction des besoins. "Ainsi, si entre 200 et 300 jours sont généralement nécessaires pour mettre en production un système, l'évolution est ensuite très simple et beaucoup plus rapide", détaille le directeur général. Cette souplesse serait aussi valable pour les montées de version, que la plupart des clients réaliseraient seuls, sans l'aide de l'éditeur ou d’un prestataire. Pour se démarquer de ses principaux concurrents, l'éditeur a aussi opté pour des solutions verticalisées. Sans délaisser le public et surtout la distribution, un de ses marchés historiques, Unit4 France s'est fixé trois secteurs d'activité prioritaires pour 2016 : les services professionnels, la finance, l'éducation. "Aux côtés des deux produits phares, Unit4 Student Management constitue le troisième pilier de l'offre", explique même Bruno Foucault, précisant que "pour renforcer sa position sur ce marché de l'éducation, Unit4 n'a pas hésité à mettre la main sur le spécialiste nord-américain Three Rivers System, en juin 2015".
Atteindre la barre des 40 partenaires à la fin de 2016
La conquête de nouveaux clients passera forcément par le développement des réseaux de partenaires, second objectif de Unit4 France. Là encore, le chantier est vaste. "Si, tous profils confondus, les partenaires actuels sont à l'origine d'environ la moitié des revenus de Unit4 France, le réseau de distributeurs reste notre gros point faible", précise Bruno Foucault. "Sa part ne dépasse pas 2 à 3 %, quand elle monte à 20 ou 30 % dans des pays comme l'Espagne ou la Norvège". Pour se renforcer, le directeur des relations partenaires français compte à la fois sur la signature d'accords internationaux par la maison mère, tel le contrat signé à l'automne 2015 avec Capgemini dans le domaine des services, et sur le ralliement d'acteurs locaux. Objectif : compter cinq ou six revendeurs avant fin 2016 et atteindre la barre des 40 partenaires au total, en privilégiant la qualité sur la quantité. Des discussions seraient en cours avec l'un des principaux revendeurs de solutions Cognos, du groupe IBM, en France.
En fait, sur un plan global, Unit4 France envisage de se séparer de trois ou quatre partenaires et d'en faire entrer sept ou huit nouveaux. "Pour renforcer à la fois notre offre et la part des ventes indirectes dans nos revenus, l'acquisition d'un éditeur disposant déjà d'un solide réseau de partenaires serait l'idéal", dévoile Bruno Foucault, rappelant que "l'enjeu est aussi de se développer géographiquement". Car aujourd'hui, dans l'Hexagone, Unit4 reste surtout présent en Île-de-France et dans le Nord du fait de son historique dans le secteur de la distribution. Le Lyonnais, où Unit4 explique avoir déjà identifié quelques partenaires potentiel à travers ses clients et prospects, et le Nantais, où il aurait aussi noué des premiers contacts, sont les destinations privilégiées. "L'acquisition d'un acteur local couvrant ces territoires fait partie des possibilités", complète Christophe Vanackère, " et je suis d'ailleurs tout à fait preneur. Mais la stratégie et surtout la décision appartiennent à la maison mère".
Maintenir une croissance à deux chiffres dans les prochaines années
Enfin, comme dernière priorité, le développement de l'offre est indispensable pour rester dans la course. En termes d'innovation, d'abord. La signature de partenariats avec des éditeurs spécialisés dans certains domaines techniques complémentaires, comme le PLM (gestion du cycle de vie des produits) ou la BI (décisionnel), entre dans cette stratégie. L'intégration de solutions externes aussi, comme cela a récemment été le cas avec Slack, l'application de messagerie professionnelle, pour renforcer la dimension collaborative de son ERP. "Avec cet outil, qui n'a pas vocation à remplacer tous les e-mails professionnels à court terme, les équipes peuvent être opérationnelles en quelques secondes et collaborer via des groupes ouverts ou privés sur n'importe quel projet ou initiative", détaille Christophe Vanackère. L'autre axe de développement concerne inévitablement le Cloud. Peu disert sur le sujet, le directeur général se contente d'une réponse très générale : "Avec nos solutions, chaque entreprise peut choisir sa méthode de déploiement, que ce soit sur site, en cloud privé ou public et bénéficie d'un accompagnement personnalisé". Sans oublier le mode hybrique, qu'apprécient les clients des ERP, pour garder la main sur les modules stratégiques.
Au final, conclut-il, "la taille et l’expertise des équipes dont nous disposons aujourd'hui en France, associées aux innovations technologiques du groupe, nous amèneront vers une belle croissance pour 2016 et pour les années à venir". Une croissance qui aurait déjà été à deux chiffres l'an dernier et que le nouveau directeur général entend pérenniser, sans toutefois donner davantage de précisions. Seule certitude, pas question de faire n'importe quoi : Unit4 est et restera un éditeur avant tout. "En particulier, nous ne souhaitons pas développer nos activités d'intégration, ce n'est pas notre vocation", insiste Christophe Vanackère. Même en forte augmentation, le chiffre d'affaires continuera de se répartir à parts quasi égales entre l'édition de logiciel, le service et le support-maintenance.
Thierry Parisot