Lorsqu'elles veulent s'équiper d'un ERP, les entreprises ont l'embarras du choix. Entre SAP et Oracle, d'abord, les deux acteurs historiques, suivis par Infor et Microsoft. Mais aussi entre leurs nombreux poursuivants, plus ou moins spécialisés par marchés ou zones géographiques, à commencer par les éditeurs français (Divalto, Generix, Kimoce, Qualiac, Proginov, Sylob, etc.), bien positionnés sur le marché hexagonal. Sans oublier les nouveaux entrants, ancrés dans la mouvance du cloud (Cornerstone, Netsuite, Workday), ni les ERP Open Source. C'est justement cette dernière alternative qu'a choisi Sorégies (196 millions d'euros de chiffres d'affaires, 300 collaborateurs), fournisseur et distributeur de gaz et d'électricité pour quelque 270 communes du département de la Vienne, en 2012, qui souhaitait renouveler son système d'information. Un choix par élimination, après un appel d'offres et la réception de huit réponses autour de solutions généralistes (Euriware/Microsoft Dynamics, Logica/Oracle, SQLI/Agresso), spécialisées dans l'énergie (Alsi/Pracdis, e-GEE, GFI/Wattson) et Open Source (Axelor, Smile/OpenERP).

Au lancement du projet, deux ans plus tôt, l'entreprise du groupe Energies Vienne cherchait à se doter d'une nouvelle solution globale couvrant la gestion de la relation client, la facturation, le recouvrement et la comptabilité, pour faire face à la dérèglementation du marché de l'énergie. Plus précisément, "nous voulions remplacer notre application interne, développée en Cobol et devenue difficile à maintenir, par un progiciel modulaire permettant à la fois de répondre à la complexité des nouvelles contraintes réglementaires, en particulier l'obligation de séparation juridique des activités du distributeur et du fournisseur et d'être en mesure de lancer des offres innovantes suite à l'ouverture du marché à la concurrence", explique Stéphane Lestrade, directeur informatique de Sorégies. D'assurer que "si cette migration n'avait pas été réalisée, la pérennité de l'entreprise était en jeu".
Un budget deux fois moins important que les concurrents
En 2010, la réflexion s'oriente vers une solution de type ERP, mais avec la possibilité d'intégrer, sous forme de Web services, quelques modules métiers existants. Sur les huit réponses à l'appel d'offres, la moitié sont retenues en short-list, pour participer aux soutenances et réaliser une démonstration de facturation d'énergie. Puis deux : celle d'Axelor, malgré son ERP Open Source encore à l'état de prototype, et celle d'Euriware, avec une version de Microsoft Dynamics adaptée au marché de l'énergie (Mecoms). "Les autres solutions nous ont paru soit trop lourdes soit trop spécialisées dans le domaine de l'énergie, explique Stéphane Lestrade. Pour la plupart, l'ergonomie n'était pas non plus très séduisante et elles n'offraient pas une vraie brique CRM ni d'outils associés pour la modélisation des processus, la reprise des données, les tests et la mesure des performances". Sans oublier l'aspect financier : "même dans une approche forfaitaire, le budget sur le périmètre de départ avec Axelor était deux fois mois important que celui de la plus intéressante des autres offres, y compris celle de Smile avec OpenERP", poursuit le responsable, qui convient qu' "avec une enveloppe à moins d'un million d'euros, Axelor a fait un effort financier évident".

Il faut dire que pour l'éditeur, alors en plein changement de métier et construction de son offre, l'enjeu est également important. "Nous avions besoin de travailler avec un grand groupe, d'abord pour financer les travaux de R&D, mais aussi pour prouver que la solution pouvait répondre à ce genre de problématique, à savoir un système complexe dans lequel les règles changent en permanence", explique Laith Jubair, son directeur général. Le projet avec Sorégies, "l'un des plus gros en France en matière d'ERP Open Source", selon lui, tombait à point nommé. Pour départager les offres d'Axelor et d'Euriware, une évaluation plus fine est réalisée par le comité de pilotage composé d'une quinzaine de personnes. Alors qu'avantages et inconvénients s'équilibrent, l'architecture technique fait pencher la balance : deux serveurs physiques sous Linux avec une base de données Open Source PostgreSQL pour Axelor, contre dix dans la configuration d'Euriware. Le coût global, intégrant la main d'œuvre, la maintenance, le matériel, etc., achève de faire la différence : du simple au double ! Au final, Axelor l'emporte, même si "tout ou presque était à construire", admet Stéphane Lestrade. D'ajouter : "Au départ, j'avais d'ailleurs eu du mal à prendre l'éditeur au sérieux". Alors pourquoi ce choix ?
Une culture du développement et une solide équipe interne
Sorégies a d'abord été séduit par la capacité d'analyse et de conception d'Axelor, qui proposait une approche très innovante et flexible. Ensuite, "nous ne partions pas dans l'inconnu : nous avions déjà une culture de développement et une solide équipe interne composée d'une quinzaine de collaborateurs et d'une dizaine de prestataires", explique le directeur informatique. "En choisissant Axelor, nous restions finalement dans la même logique, mais en nous appuyant sur un éditeur et un socle applicatif existant, hébergé sur nos propres serveurs". Restaient les incertitudes quant à la pérennité de la solution et de l'entreprise, notamment . "C'est un risque que nous avons identifié", poursuit-il, "mais qui existe aussi avec des éditeurs classiques. L'approche Open Source nous permettait également de posséder le code source de l'ERP et de pouvoir le faire évoluer à travers une plate-forme de développement intégrée, Axelor Process Studio, en toute indépendance, dans le cadre très souple d'une relation avec un éditeur de taille humaine". Mais ce choix supposait dans le même temps de mettre en place une organisation différente, pour assurer le transfert de connaissances, avec des échanges croisés de collaborateurs.

À compter de 2013, la montée en puissance chez Sorégies a été menée de façon progressive, en commençant par migrer des clients grands comptes, pour tester le système en environnement de production. La migration des plus petites entreprises et des particuliers a suivi, sur l'année 2014. Enfin, à partir de fin 2015, l'ERP a été étendu au périmètre d'Alterna, une nouvelle filiale rassemblant une cinquantaine de sociétés locales de distribution d'énergie, pour accompagner les clients sur l'ensemble de la France et faire face à la fin des tarifs réglementés de vente. Aujourd'hui, le système est totalement opérationnel et permet à Sorégies de générer plus d'un million de factures par an, auprès de ses 150 000 clients. "Nous continuons évidemment à travailler avec Axelor, mais comme de véritables partenaires et plus seulement dans le cadre d'une relation client-fournisseur", conclut Stéphane Lestrade, aujourd'hui sollicité par de nombreuses entreprises locales de distribution d'énergie qui s'intéressent à la solution.
Etienne Tartivel