Une entreprise comme Sodexo, par exemple (15,7 milliards d'euros de chiffre d'affaires dans le monde, 36 000 personnes en France), est en perpétuelle réflexion sur son organisation. Pour Rafik Kadi, en charge de l'infrastructure, les challenges à relever sont "accélérer", "convaincre les métiers que le cloud est l'avenir" et "le cloud hybride et le IaaS pour supporter la transformation des métiers et emporter tout ce qui est SaaS". Dans ce contexte, l'ERP n'est qu'une brique que l'on déplace d'un endroit à l'autre de manière plus ou moins transparente pour l'utilisateur.
Damien Andreani, DSI de Soitec, une ETI (1 000 personnes) fabriquant des semi-conducteurs en région grenobloise, a pour objectif de passer 100 % dans le cloud pour des raisons économiques. Aujourd'hui déjà, la quasi-totalité des applications est dans le cloud, dont notamment la bureautique, puisque l'entreprise utilise Google Apps. À terme, d'ici 3 à 5 ans, il souhaite également passer son ERP dans le cloud, ce "qui n'est pas une mince affaire". Équipée d'Oracle e-business suite, l'entreprise va remplacer progressivement cette suite applicative par des services cloud. Pour cela, Damien Andreani entend s'appuyer sur des partenaires clés. Mais "l'écosystème et les intégrateurs sachant accompagner des sociétés comme la notre dans la migration d'un ERP ne sont pas légion en France", se plaint-il. Il travaille actuellement avec des petites structures spécialisées, dont une à Barcelonnette, dans les Alpes de Haute Provence.
Il reste toujours des mainframes
Malgré l'envol des SMACS (Social, Mobile, Analytics, Cloud, Security), le mainframe existe toujours : 80 % des données structurées au monde y sont encore toujours hébergées et avec elles les ERP qui les traitent. Jean-François Vigneron, DSI de Covéa, estime même qu'on assiste à une augmentation des consommations mainframe, car ceux-ci sont beaucoup plus sollicités qu'auparavant par les applications externes via des API. "Et il reste toujours un gros besoin en back-office", constate-t-il.
Les grandes entreprises ont aujourd'hui des projets cloud de grande envergure. Ainsi, Gérard Guinamand, Group Deputy CIO d'Engie veut-t-il "faire évoluer ses infrastructures", soit une quarantaine de datacenters, en 2017.
Le panel de l'une des deux tables rondes des DSI
Quant à Carlos Goncalves, DSI de Société Générale Global Banking and Investor Solutions, il mène de front trois grandes transformations : l'agilité, avec le cloud, la flexibilité des développements avec DevOps et ce qu'il appelle la "vraie" transformation numérique, c'est-à-dire l'orientation vers le service. Et lui aussi doit mener toutes ces transformations en tenant compte des mainframes toujours en place.
Pour Gilles de Richmond, directeur général de Voyages SNCF Technologies, "DevOps est un rapprochement culturel. DevOps nous a permis de diviser par trois le time-to-market : aujourd'hui, nous faisons jusqu'à 20 mises-à-jour par mois", Chez Covéa aussi, le mouvement vers DevOps est en cours : "lorsqu'on travaille sur DevOps, il faut aussi travailler en amont, avec les métiers", note Jean-François Vigneron. "Il faut que les métiers délèguent et fournissent une certaine autonomie aux équipes de développement. Au début, l'entreprise n'était pas prête à avoir ces cycles courts". Des cycles de développement courts, auxquels l'ERP a un peu de mal à s'adapter.
À l'inverse, Hubert Tournier, DSI du Groupement des Mousquetaires et DG de la Stime, estime qu'" Avoir ses propres datacenters coûte moins cher et offre une meilleure qualité. Et s'agissant des applicatifs, il est hors de question de les réécrire pour les mettre sur le cloud". Il faut préciser que le Groupement des Mousquetaires compte quelque 600 applications majeures, hébergées sur 8 000 serveurs.
Des fournisseurs-partenaires
Inventeur de Ticket Restaurant, Edenred est le leader mondial des services prépayés aux entreprises. Présente dans 40 pays, la société conçoit et gère des solutions qui améliorent l'efficacité des organisations et le pouvoir d'achat des individus. Konstantinos Voyiatzis, directeur général et CIO, vient de signer un gros contrat de services cloud portant sur plus de 40 datacenters. Il lui aura fallu près d'un an pour cela, dont six mois de négociations, force juristes extérieurs à l'appui, notamment pour bien protéger les données. Là encore, l'ERP, pour important qu'il soit, paraît dérisoire au vu de l'importance de ces contrats. Et de leur valeur stratégique : "nous avons eu un souci au Mexique avec une solution externalisée : un système était en panne, ce qui fait que les gens ne pouvaient plus prendre d'essence. C'était très invalidant, notamment pour les ambulances, au point que l'incident est passé dans les journaux télévisés. Fort heureusement, le cas était prévu au contrat", se souvient le DSI. "Nos critères de choix de fournisseurs sont bien sûr les coûts, mais aussi le maintien du contrôle", précise Damien Andreani. Et de confirmer : "un contrat cloud nécessite trois mois pour être signé".
Quant au sujet du "Shadow-IT", qui a fait couler beaucoup d'encre ces derniers temps, Konstantinos Voyiatzis l'évacue ainsi : "un DSI travaille avec le business pour proposer des solutions aux métiers. Son rôle n'est pas de faire de l'exploitation. S'il y a des gens sur le marché pour cela, qui le font mieux que nous, qu'ils le fassent".
Benoît Herr