L'ERP reste le principal logiciel de l'entreprise, largement déployé et utilisé par un maximum d'utilisateurs. Son caractère stratégique vient justement du fait qu'il affecte potentiellement tous les processus de l'entreprise. Le SI d'une entreprise est composé d'un ou de plusieurs progiciels interconnectés, orchestrés par un ERP maître. Ce dernier a étendu son périmètre fonctionnel au fil des années. Depuis que l'ERP existe, il n'a cessé de s'enrichir fonctionnellement. La BI (Business Intelligence) n'échappe pas à ce phénomène : si les entreprises utilisatrices optent depuis longtemps pour des solutions best-of-breed, quand elles souhaitent mieux exploiter la puissance de l'ERP, c'est qu'elles ont constaté que la fonction décisionnelle de l'ERP est généralement limitée et insuffisante.
Pour rivaliser sur ce terrain face aux leaders mondiaux, les ERP du "Tier 2" ont souvent noué des partenariats avec des éditeurs de BI. Parallèlement, certains ont développé des enrichissements ou procédé à des acquisitions, comme Microsoft, Infor ou Unit4. L'ERP joue un rôle majeur dans le SI et, directement ou indirectement, dans la BI. Il est le premier outil de communication et de collaboration de l'entreprise. Il est aussi de fait le premier outil de Business Intelligence, car il collecte des données, les centralise sur une base unique en les structurant. Il les rend accessibles ou les diffuse selon les droits de chaque utilisateur et offre des restitutions "intelligentes" et si possible contextuelles.
La question qui se pose et qui revient de manière récurrente concerne la nécessité de compléter l'ERP par un outil de BI. La couverture de l'ERP sur le plan de la BI est-elle suffisante ? Jusqu'où va l'ERP et à partir de quand l'entreprise a-t-elle besoin d'outils complémentaires ?
L'ERP et ses limites
L'ERP propose généralement au moins une fonction de reporting, permettant au mieux de mesurer l'activité en vue de la comprendre. Auparavant, les entreprises demandaient à leur éditeur (ou à l'intégrateur) de construire des états spécifiques à chaque nouvelle demande interne, demande qui se traduisait par quelques jours de prestation, ce qui pouvait représenter un budget important selon les entreprises ou limitait les demandes au risque de brider l'activité.
Globalement le périmètre fonctionnel d'un ERP est très variable d'un éditeur à l'autre mais reste toujours très large. Lorsque l'ERP propose une gestion BI "convenable", il peut couvrir quasiment l'ensemble des processus classiques, de la collecte à la restitution des données sous forme de graphiques ou de tableaux de bords. Les "gros" éditeurs d'ERP ont développé des data warehouse, incluant des cubes, rapports, rôles, etc. SAP, par exemple, proposait BW avant le rachat de Business Objects, qui infléchira la stratégie et la nature des offres. D'autres éditeurs, comme Oracle, Infor ou Microsoft disposent de solutions décisionnelles d'un niveau intéressant. La plupart des autres éditeurs préfèrent jouer la carte du partenariat.
Mais, toutes les grandes entreprises et la plupart des PME éprouvent le besoin de déployer une solution décisionnelle en complément de leur ERP : plusieurs aspects font défaut aux ERP pour les entreprises qui souhaitent une BI poussée. Les utilisateurs attendent plus de possibilités en matière de restitution, de graphiques, de tableaux de bords ainsi que des graphiques dynamiques qui permettent de "plonger" pour obtenir l'origine de la donnée ou au contraire de remonter à un niveau plus agrégé (drill down et drill up). Les managers souhaitent pouvoir procéder à des modifications de leurs cubes sans forcément toucher à l'ERP, ou encore modifier le format d'une restitution en quelques clics en interne (sans prestation).
L'ERP gère un très grand nombre de transactions et de données mais aurait du mal à stocker tout ce qui se passe dans l'entreprise. En effet, les systèmes d'information deviennent hybrides, les offres SaaS se multiplient et les opérations effectuées avec Excel n'ont pas toutes disparu.
Le recours aux solutions décisionnelles
Pour croiser des données internes avec des données externes provenant de sources diverses, les suites décisionnelles sont plus performantes que l'ERP. Un des enjeux pour l'entreprise est d'anticiper en s'appuyant sur des algorithmes capables de traiter des volumes de données plus importants et plus hétérogènes. L'objectif est de proposer aux managers des indicateurs, des métriques, des agrégations (consolidations) combinant plusieurs dimensions (paramétrables) ainsi que des outils de simulation, toutes fonctions qui relèvent de systèmes décisionnels s'appuyant sur l'ERP.
Les outils décisionnels savent interroger une base de données relationnelle à l'aide du langage SQL pour restituer les données dans une forme attractive et lisible. La plate-forme choisie devra permettre des restitutions figées, supporter le reporting de masse et l'ensemble des outils de Data Visualisation. S'agissant de la restitution, il faut également considérer la publication, la distribution et l'accès à l'information.
L'ERP est souvent considéré comme l'outil "back office" du système d'information qui héberge le référentiel et enregistre les transactions, les mouvements, etc. Les processus sont alors souvent réduits à des associations entre les tables en fonction de règles et de conditions paramétrables. La vraie valeur ajoutée des ERP n'est pas toujours perçue car elle réside dans la collecte, le stockage et le traitement des données. Les fonctions décisionnelles de l'ERP ou les outils de BI implémentés permettent de valoriser l'intérêt et les apports de l'ERP car ils montrent concrètement le résultat de tout le travail effectué dans l'ombre.
Tendances et perspectives actuelles
La BI est aujourd'hui un monde très actif et mouvant.
Les SI hybrides gagnent du terrain et dans ce contexte, l'ERP fait figure de pierre angulaire fonctionnelle en assurant à la fois la continuité de chaque processus d'un bout à l'autre de la chaine de valeur et en les interconnectant via les autres progiciels : par exemple, le processus de vente impacte le flux financier mais possiblement aussi celui de la production, des achats, des RH, de la maintenance, etc.
Les API et autres connecteurs prennent une place importante dans ce SI où l'ERP cohabite avec des progiciels spécialisés de type best-of-breed.
La combinaison ERP + BI évolue avec l'avènement des traitements in-memory et du cloud. Lors du choix d'une solution, les différentes pistes doivent être étudiées sous l'angle technique et organisationnel, mais aussi en fonction de la stratégie de gouvernance de l'entreprise pour ce qui concerne les données, et notamment les aspects liés à la sécurité.
Parallèlement, la fonction décisionnelle doit traiter plus de données en moins de temps et tend vers le temps réel. L'Internet des objets, l'arrivée de robots (bots), le télétravail et de manière générale les évolutions technologiques, fonctionnelles, organisationnelles, comportementales etc. peuvent conduire à la multiplication des données à prendre en charge par le système d'information et par l'ERP.
Analytics ?
Depuis quelques années, les éditeurs parlent aussi d'analytics. Selon certains éditeurs et en fonction de la compréhension du terme, la BI concernerait plutôt la dimension opérationnelle et l'analyse des données historiques provenant de sources multiples permettant ou facilitant la prise de décision. L'analytics concernerait plutôt l'exploration des données historiques provenant de différents systèmes sources pour l'analyse statistique, la modélisation prédictive, etc. afin d'identifier les tendances pour anticiper les évolutions. L'analytics peut être compris comme un sous segment de la BI.
Vers un SI plus intelligent
Les outils de simulation permettent la modélisation de futurs scénarios envisageables en se basant sur l'étude des données et l'extrapolation des relations entre elles. On évalue l'impact, le résultat, en fonction du modèle relationnel. Le "data mining" modélise les scénarios passés et permet d'imaginer ceux qui sont les plus probables en tenant compte des relations entre les données. Ces notions sont assez proches et contribuent à la prédiction et à l'anticipation.
L'analyse prédictive servira par exemple à évaluer le potentiel d'une base de prospects (scoring) ou le comportement de la clientèle dans le retail, combinant des données internes et externes à l'entreprise.
La réalité augmentée, la cinématique, etc. sont aussi des notions qui bouleversent les habitudes et qui devraient transformer de nombreux métiers.
Benoît Herr d'après le dossier de recherche du CXP "L'ERP, 1er outil BI du système d'information"