Lorsqu’elles optent pour un ERP, les grandes entreprises ont pour premier réflexe de se tourner vers les acteurs historiques du marché, en particulier SAP, Oracle et Microsoft. Pourtant, en s’appuyant sur son "Top 10 pour 2017", le cabinet Panorama Consulting Solutions souligne la performance de quatre outsiders : Infor, qui se hisse à la deuxième place, IFS, NetSuite et Sage. Mais c'est surtout l'éditeur américain Epicor qui tire son épingle du jeu, positionné en tête du classement (cf. Et le gagnant est...), un an après avoir déjà été confirmé parmi les "visionnaires" du Magic Quadrant de Gartner consacré aux solutions ERP uniques destinées aux entreprises de taille moyenne. Dans le Top 10 de Panorama Consulting Solutions, qui tient compte à la fois des parts de marché, de la couverture fonctionnelle et de critères opérationnels comme le coût et le délai de mise en œuvre, Epicor talonne SAP sur le critère du ROI. Il se place aussi dans le trio de tête sur les aspects fonctionnels, avec "une multitude d'options de déploiement permettant de répondre précisément aux besoins du client".
Il faut dire que l'éditeur a de l'expérience, puisqu'il fêtera cette année ses 45 ans d'existence. S'il revendique une telle ancienneté, il le doit toutefois à sa fusion avec l'éditeur californien Activant Solutions Incorporated, effectivement fondé en 1972 (initialement Triad Systems Corporation), suite à leur rachat par le fonds d'investissement Apax Partners en 2011. La société Platinium Software Corporation, devenue Epicor Software Corporation en 1999, a pour sa part été créée en 1984. Elle a ensuite régulièrement grossi, par croissance organique mais surtout grâce à de multiples acquisitions, notamment celles de Clientele, CompuNet, Scala ou encore Spectrum. Après 2011 et le rapprochement avec Activant, les rachats se sont poursuivis (Solarsoft Business Systems, QuantSense, ShopVisible), marquant un net virage vers le cloud. Dernière acquisition en date, celle de l'éditeur DocStar, spécialisé dans les solutions de gestion de contenu, a été annoncée par l'éditeur au tout début du mois de janvier.
Pas d'entité juridique en France
Détenu par le fonds d'investissement américain KKR depuis l'été 2016, Epicor est aujourd'hui présent dans le monde entier, directement ou par l'intermédiaire de partenaires. Sous la houlette de Joe Cowan, reconduit à son poste de PDG par les nouveaux actionnaires, la société basée à Austin (Texas) emploie quelque 3 800 collaborateurs. En Europe occidentale, Epicor est surtout présent au Royaume-Uni, où il dispose d'une équipe de 80 personnes. Deux autres filiales complètent les implantations, en Allemagne et en Suède. Si ses solutions y sont encore assez peu déployées, la France reste un marché clé pour Epicor, qui multiplie les efforts depuis des années pour gagner en visibilité. "Une filiale avait été créée dans les années 2000, mais elle n'a jamais trouvé son marché", raconte Hélène Forge, nommée Channel Manager Western Europe en 2013, un an après avoir rejoint l'éditeur, pour accélérer le développement en France, au Benelux, en Suisse francophone, en Italie en Espagne et au Portugal. "Aujourd'hui, Epicor France n'existe pas en tant qu'entité juridique", poursuit-elle. "Nous disposons uniquement d'un bureau local, basé à Paris, qui s'appuie toujours sur les deux partenaires historiques que sont Normasys et Consultencia". Dans le schéma actuel, Epicor affiche au plan mondial un chiffre d'affaires approchant le milliard de dollars, relativement stable au fil des années, mais toujours très majoritairement issu du marché américain.
Hélène Forge, Channel Manager Western Europe
De cette histoire, l'éditeur a également hérité d'une offre pléthorique. Composée d'une quinzaine de produits, inégalement déployés et commercialisés à travers le monde, elle permet à Epicor de communiquer sur le chiffre de 20 000 clients répartis dans plus de 150 pays. La solution ERP reste toutefois le produit phare, actuellement disponible dans 26 pays, en 35 langues. Conçue et développée dès son origine autour des problématiques de gestion de production, elle place l'éditeur parmi les leaders sur ce marché. Epicor ERP figure parmi les trois solutions majeures d'Epicor en France, avec iScala, un ERP davantage destiné aux domaines de la distribution et de la finance, et Mattec MES, une solution de gestion des processus industriels dédiée aux activités de transformation des plastiques et du caoutchouc, de l'emboutissage et du moulage sous pression. Elle totalise une vingtaine de clients actifs. "A mon arrivée en 2012, il n'y en avait que six ou sept", rappelle Hélène Forge, soulignant le travail remarquable des partenaires, en particulier Consultencia. "Nous espérons en compter cinq à dix de plus d'ici la fin de 2017, en renforçant notre circuit de distribution et en profitant de notre notoriété croissante. Avec la multiplication des clients et, surtout, la visibilité que nous apportent les cabinets d'études, les lignes bougent". Depuis 2015, Epicor a également accéléré son implantation sur le marché hexagonal : promotion d'Hélène Forge au poste de Senior Territory Manager France et Benelux, recrutement d'une chargée de développement et d'un ingénieur solution.
Un ERP pour les entreprises du secteur industriel
Lancé fin 2008 sous le nom d'Epicor ERP 9, d'abord sur le marché américain, le progiciel intégré a été développé à partir d'une feuille blanche, en s'appuyant sur l'expérience et les différentes solutions acquises au fil des années, autour de technologies Microsoft (SQL Server, .Net, etc.) et totalement orientées services (SOA). "Contrairement à ce que beaucoup pensent, 9 n'est pas un numéro de version mais le nombre de produits ayant servi de socle de développement", rappelle la responsable, précisant que certaines solutions n'ont pas été intégrées pour des questions d'intérêt fonctionnel et de simplification technique. Et que toutes continuent de subsister en tant que telles. D'ailleurs, poursuit-elle, "maintenant que l'ERP a atteint sa maturité, nous procédons de façon inverse en faisant bénéficier aux autres produits des avancées techniques et fonctionnelles".
La version Epicor ERP 10, disponible depuis mi-2014, est proposée dans trois modes : on-premise, hosting (hébergé), cloud (SaaS multi-tenant). Sur le plan fonctionnel, elle couvre d'abord les différents volets des process industriels (gestion de production, planification et ordonnancement, gestion des données et du cycle de vie des produits, gestion de la qualité, etc.), y compris en proposant un "configurateur technique et commercial", et de distribution (gestion de la chaîne d'approvisionnement, des ventes, des inventaires et des stocks, de la relation clients et fournisseurs, etc.). Au-delà, toutes les fonctionnalités classiques d'un ERP sont aussi présentes, avec des modules de gestion financière, de gestion des projets, de gestion des performances de l'entreprise ou encore de gestion du capital humain. "Dans ce dernier domaine, et comme c'est le cas pour la plupart des ERP, seule manque la gestion de la paie, un domaine aux fortes spécificités et qui évolue en permanence", indique Hélène Forge en toute transparence. La dernière mouture, Epicor ERP 10.1, lancée au printemps 2016, bénéficie d'un nouveau framework pour une utilisation en environnement mobile et collaboratif. Elle améliore aussi la flexibilité et facilite l'interconnexion avec des solutions tierces.
Par cette couverture, Epicor ERP cible principalement l'industrie manufacturière, pour des entreprises de 100 à 1 000 personnes dans les secteurs de l'électronique, des équipements médicaux, de l'aérospatiale et défense, de l'automobile (fournisseurs et sous-traitants), de la plasturgie, etc. Du fait de sa capacité d'adaptation à des contextes locaux, l'outil apporte une réponse particulièrement efficace pour des projets multi-sociétés menés à l'échelle mondiale. D'ailleurs, les filiales de groupes internationaux représenteraient la moitié de la base installées en France. "Il m'arrive de découvrir des clients apportés par la maison mère dans le cadre de projet globaux", ironise Hélène Forge. Principales références d'Epicor ERP dans l'Hexagone : Kadant Lamort (140 personnes), fournisseur d'équipements pour l'industrie du papier et d'autres industries des procédés, et SES (Store Electronic Systems – 220 personnes), leader mondial des systèmes d'étiquetage électronique pour la grande distribution. Mais aussi Ceram'Hyd ou encore Martin Yale.
Un même code pour les trois modes d'exploitation
Le mode on-premise représente encore 70 à 80 % de la base ERP installée. Mais la proportion des configurations externalisées, notamment le cloud, augmente de façon régulière. "Cette évolution s'opère d'autant plus facilement que nous pouvons proposer des installations hybrides, au sein d'une même entreprise, ou entre des entités différentes d'un même groupe. De même, le fait que les trois modes s'appuient sur le même code permet de basculer de l'un vers l'autre sans difficulté", détaille Hélène Forge, estimant qu'Epicor est l'un des rares éditeurs d'ERP a offrir cette possibilité. La concurrence se concentrerait essentiellement sur SAP, Infor, IFS, Microsoft. Peu Oracle. Hélène Forge pointe toutefois les fortes disparités selon les marchés et la présence de nombreux acteurs locaux. "En France, nous croisons assez peu IFS", explique-t-elle par exemple. "Par contre, il nous arrive souvent d'être mis en compétition avec des éditeurs fonctionnellement positionnés comme nous, tels Silog ou Sylob, voire Proginov. Mais lorsque c'est le cas, nous préférons nous retirer. Cela signifie pour nous que le projet n'est pas dimensionné pour Epicor ERP, dont les fonctionnalités pointues et basées sur de puissants algorithmes ne seraient pas forcément utilisées par l'entreprise".
Le siège, à Austin, Texas
En prenant les commandes de la société, KKR a fait un constat : Epicor ERP 10 compte plus de 3 600 clients dans le monde, mais près des deux tiers (2 300) sur les marchés américains, en particulier aux États-Unis. S'il n'est pas prévu de changement d'offres ou de technologies dans un premiers temps, la stratégie de développement à l'international connaît un coup d'accélérateur. "En se basant sur le succès outre-Atlantique, notre nouveau propriétaire a jugé énorme le potentiel de développement sur tous les autres marchés à travers le monde et engagé un virage en lançant un vaste programme axé sur le recrutement de nouveaux partenaires", explique Hélène Forge. L'objectif d'Epicor n'est pas de recruter un très grand nombre de nouveaux partenaires, mais de travailler avec des "acteurs à forte valeur ajoutée" (présence géographique, expertise sectorielle, etc.) et en ligne avec la logique "cloud first". C'est-à-dire des partenaires maîtrisant parfaitement la technologie et les enjeux (intérêts, contraintes, bénéfices, etc.) du modèle, ainsi que la typologie des clients potentiellement candidats. "Sans forcément viser cette cible, nous pourrions d'ailleurs être amenés à nous tourner vers des clients plus petits, en fonction des opportunités et des demandes", précise Hélène Forge. En France, si tout se passe comme il l'imagine, l'éditeur espère pouvoir s'appuyer sur trois nouveaux partenaires avant la fin 2017. Des partenaires aux profils très différents incluant "un grand acteur international dont la couverture géographique et la notoriété compenseraient son manque d'expertise autour des spécificités propres aux solutions d'Epicor" et une société franco-française plus modeste. Les discussions, déjà très avancées, pourraient aboutir à une première signature dans les toutes prochaines semaines.
Thierry Parisot