Nous avons fait le point sur le sujet avec deux sociétés qui travaillent en partanariat sur un certain nombre de dossiers de ce type, Netsystem et TVH Consulting, la première en maîtrise d'ouvrage, la seconde en maîtrise d'œuvre. Olivier Cazzulo, président de Netsystem et Stéphane Moreau, directeur associé chez TVH Consulting, ont été nos interlocuteurs.
"Les grands groupes ont tendance à se concentrer sur leur core business et désinvestissent des pans entiers de leur activité", constate Olivier Cazzulo. "L'activité qui est reprise est en général dépendante du SI de la maison mère et il faut les dissocier dans des délais souvent très courts, en général de six mois. La rupture est généralement assez violente". Et de citer l'exemple du chimiste belge Solvay, qui en 2014 a cédé sa branche "compounds" de PVC, appelée Benvic Europe, au fonds d'investissement américain Open Gate Capital. Ou celui de ce grand opérateur maritime français ayant repris les activités d'un port dans les Antilles, qui s'est soucié de son informatique en avril pour un démarrage en juillet. Car la problématique liée à la transition du SI dans ce type de situations reste encore trop souvent mal appréhendée et ne constitue bien souvent pas une priorité. "L'IT est toujours très mal traitée dans ces opérations. Elle est considérée comme une fonction de support et non business. Les fonctions support, à l'exception des RH, sont en général mal adressés", poursuit Olivier Cazzulo. "Et souvent, les acteurs de l'IT subissent", ajoute Stéphane Moreau.
Des problématiques insoupçonnées
Si la question de la duplication du SI existant versus le choix d'un nouveau SI saute aux yeux, d'autres problématiques, plus enfouies, comme la gestion des licences logicielles se font jour : sont-elles cessibles ? Comment les reprendre ? À quel prix ? La gestion des données et leur localisation pose souvent question aussi : dans le cas de la reprise d'une entreprise belge par une société française, par exemple, les Belges voulaient que les données restent hébergées en Belgique. "Il y a en outre de plus en plus de porosité entre le droit et l'informatique : cyber-sécurité, GDPR etc. Il nous faut faire beaucoup d'évangélisation. La difficulté, dans le cas particulier, était la multiplicité des intervenants, généralement belges", explique Olivier Cazzulo. "TVH est intervenu sur le dossier et a fédéré les intervenants".
Olivier Cazzulo (à G.), président de Netsystem et Stéphane Moreau, directeur associé chez TVH Consulting
Le choix de l'ERP est une problématique majeure : "Il faut répondre très vite en termes de solution à adopter ; il faut décider généralement en quelques semaines si on continue avec la solution en place ou si on en choisit une autre. On observe deux grands schémas dans le cas où l'entreprise a décidé de conserver la solution en place, notamment lorsqu'il s'agit d'une Business Suite de SAP : soit on clone la solution en place, soit on repart des préconfigurés et on simplifie (comme ce fut le cas pour Cordtech, issu du groupe américain Milliken, chez qui une Business Suite toute neuve mais préconfigurée a été mise en place)", explique Stéphane Moreau. "Bien souvent, les entreprises conservent la Business Suite existante, qui les satisfaisait. En revanche, le cloud public n'est bizarrement pas une bonne solution, car il rajoute de la complexité dans un contexte de projet très court".
Et il ajoute : "Les spin-off ne disposent la plupart du temps pas en propre des services généraux nécessaires au fonctionnement du SI, comme les comptables ou le contrôleur de gestion, par exemple. La problématique technique se double donc d'une problématique métier. Il faut recruter, en urgence. S'agissant des ressources informatiques, en revanche, elles se gèrent plutôt bien, en général, notamment grâce à de l'infogérance".
"Ce sont autant d'aspects stratégiques qui doivent être anticipés afin d'assurer le bon déroulement et la réussite d'une opération de fusion-acquisition", synthétise Olivier Cazzulo.
Le projet
"Même si on a la chance d'être consulté en amont du deal, on a du mal à faire l'audit du SI, car des obstacles comme le fait que les organismes sociaux n'aient pas encore été consultés, par exemple, se dressent devant nous". Quoi qu'il en soit, l'étude initiale comporte quatre points :
- L'état des lieux du SI ;
- La liste des licences et de leurs propriétaires, leur caractère cessible ou non "une question souvent occultée, essentiellement par méconnaissance", précise Olivier Cazzulo ;
- Le détail des compétences existantes dans l'entité qui se sépare ;
- Un scénario et un budget. "Attention, il convient de tenir compte de tous les aspects et pas uniquement de l'ERP : les réseaux, l'infrastructure etc. doivent y figurer et le scénario doit faire apparaître les dépenses en CAPEX et en OPEX", prévient Olivier Cazzulo.
Après cette étude initiale, le scénario et le budget validés (car il arrive parfois que la structure d'accueil n'ait pas les moyens d'intégrer le spin-off), on entre très vite en mode projet. Dans le cas d'une réintégration de l'entité détachée dans une autre structure, étant donné qu'il y a déjà un DSI en place, celle-ci va s'occuper de l'intégration du SI. TVH, qui intervient en maîtrise d'œuvre, est donc moins concernée, ce qui n'est pas le cas de Netsystem, en maîtrise d'ouvrage. "Nous sommes partenaires mais pas exclusifs et conservons chacun notre indépendance", tient à souligner Olivier Cazzulo, "même si nous collaborons depuis longtemps et sur de nombreux projets, nous avons chacun d'autres partenaires".
Benoît Herr
Netsystem et TVH Consulting
Netsystem est une société de conseil en management et système d'information basée à Aix-en-Provence (siège), Lyon et Paris. Son approche est orientée résultats et s'appuie sur une méthodologie de mise en œuvre éprouvée. Ses équipes sont rompues au management de projets à forte contrainte (délai, juridique, budgétaire, technique). Elle a développé une forte expertise dans la gestion de transition des projets de détourage informatique (ou carve-out) suite à désinvestissement, scission, fusion, acquisition, des phases amont de due diligence et de négociations, jusqu'à la mise en œuvre de l'IT cible et de son pilotage. Parmi ses références on compte le groupe Benvic (fabricant de granulés PVC), Bourbon (opérateur maritime), Payot (cosmétiques) ou encore les villages vacances VVF.
TVH Consulting a été créée en 2003 par Guy Tubiana (qui avait déjà créé GTI en 1985, qui deviendra ensuite Intentia Consulting). Société indépendante spécialisée dans le conseil, la mise en œuvre, l'intégration et l'hébergement de solutions ERP (Microsoft Dynamics et SAP en particulier), elle édite également une solution métier s'appuyant sur Dynamics AX appelée ADAX Suite (Advanced Distribution for Microsoft Dynamics AX), pour les moyennes et grandes entreprises des secteurs de l'industrie agroalimentaire, des coopératives agricoles, de la distribution spécialisée, des fournisseurs de la grande distribution, de la chimie-pharma-cosmétologie et l'industrie de transformation.
Il y a quelques jours, un rapprochement stratégique entre TVH et le groupe Cadexpert a été annoncé. Créé en 1997, Cadexpert et ses quelque 50 collaborateurs se spécialise dans la mise en œuvre des solutions SAP et est certifié SAP Partner Gold. Implantée à Lyon (siège), Paris et Nantes, elle propose des solutions pré-packagées appelées Cadexpress, adossées à la technologie S/4 HANA répondant aux enjeux métiers des PME industrielles dans les secteurs des sciences de la vie (pharmacie, dispositifs médicaux, suppléance fonctionnelle...), chimie, agro-alimentaire, agro-industrie, biens d'équipements industriels (petites/moyennes séries, à l'affaire) et imprimerie.
Le chiffre d'affaires des deux groupes consolidés atteindra les 30 millions d'euros. Les actionnaires des deux sociétés se sont donné pour objectif de faire aboutir les discussions exclusives en cours dans les meilleurs délais.
BH