Huit intervenants au total, pour vingt minutes chacun, des intervenants venus d'horizons très divers, de Laurence Parisot, présidente de Gradiva et ex-patronne du MEDEF, à Philippe Bournhonesque, CTO d'IBM France, en passant par le colonel de gendarmerie Éric Freyssinet ou Max Schrems, étudiant en droit autrichien devenu célèbre pour avoir gagné un procès contre Facebook pour violation du droit de l'UE dans le domaine de la protection des données privées et le transfert de données personnelles à la NSA dans le cadre du programme PRISM.
C'est Corinne Versini, fondatrice de Genes'Ink et pionnière dans la conception, le développement et la fabrication de nanoparticules actives incorporées dans des formulations d'encres destinées au marché de l'électronique imprimée, qui a ouvert le bal sur une évocation de son parcours personnel en forme de plaidoyer pour la préservation des ressources de la Terre pour les générations à venir. Citant François Rabelais dans Pantagruel, elle a terminé son allocution sur "Science sans conscience n'est que ruine de l'âme", une assertion considérée par certains comme l'amorce de la bioéthique. "Les vraies questions à se poser sont d'ordre éthique et non scientifiques", a rajouté Corinne Versini.
Laurence Parisot, présidente de Gradiva et ex-patronne du MEDEF
Autre allocution très orientée éthique, sur un mode encore plus apeurant, celle de Laurence Parisot, qui a commencé en citant le linguiste Alain Rey, pour qui "il existe deux types de visionnaires. Le premier est illuminé, pris par une force quasi-surnaturelle, qui peut être dangereux, manipulateur et tyrannique. Et le second est profondément intuitif, réfléchit à son intuition, à l'instar d'un Jules Verne. Au travers de ces deux définitions, on voit qu'une innovation peut être extraordinaire ou au contraire dangereuse", commente Laurence Parisot. Et d'insister sur le risque, dans "le monde d'aujourd'hui, qui est à hauts risques. Devant toute innovation, nous devons nous poser la question du 'worst case scénario' et surfer sur la révolution digitale de manière intelligente. Pour cela, il faut avoir la culture du risque et se poser les bonnes questions". Comment faire pour que le pire n'arrive pas ? Pour Laurence Parisot, femme issue du monde des entreprises, "nous devons, dans nos entreprises, nous poser des questions éthiques. En France, nous manquons de réflexions éthiques", estime-t-elle. Et de terminer par un parallèle avec l'industrie nucléaire, qui peut être civile ou militaire, et une autre citation encore, du poète Pierre Reverdy : "l'éthique, c'est l'esthétique du dedans".
À l'opposé, l'intervention de Philippe Bournhonesque, CTO d'IBM France, à propos des fondamentaux de l'entreprise numérique d'aujourd'hui et de demain a sans doute été la plus technique. Il a démarré sur les problèmes NP, c'est-à-dire non déterministes polynomiaux, que l'on ne saurait pas résoudre aujourd'hui, pour embrayer ensuite sur les ordinateurs quantiques, capables de résoudre ce genre de problèmes, sans oublier de mentionner bien sûr qu'IBM vient de sortir l'ordinateur de ce type le plus puissant à ce jour, équipé d'un processeur à 16 qubits (unité de stockage d'information quantique). Puis il est passé sur la donnée : "dans 6 ans, 57 000 nouveaux objets seront connectés chaque seconde", affirme-t-il. Et pour recoller avec IBM et la thématique qui a été celle de la journée, il a affirmé que "Watson et l'éthique étaient au cœur du travail de la compagnie aujourd'hui". De quoi faire rêver et nous rassurer quant au rôle central qu'entend bien jouer IBM dans les évolutions qui nous attendent.
Deux juristes ont également livré leurs visions. Le premier, l'autrichien Max Schrems, a brossé un tableau de de la protection des données privées sur fond de RGPD, pour conclure qu'il fallait s'attendre à voir émerger de plus en plus de problèmes légaux et de moins en moins de problèmes techniques. Surtout lorsqu'on sait que les lois européenne et américaine sont antinomiques dans leur principe sur cette question et qu'il faudra nécessairement en violer une des deux. Cette tendance a sans doute les faveurs du second juriste, Donald Callahan, co-fondateur et associé du cabinet de recherche et de conseil The Duquesne Group. Il a lui aussi dépeint un avenir assez apeurant, faisant intervenir "des milliards et des milliards d'interconnexions que personne ne maîtrise vraiment". Et de donner l'exemple du véhicule autonome qui, dans certains cas, devra faire des choix et prendre une décision en une fraction de seconde. "Laquelle va-t-il prendre ? Et surtout, qui va-t-on tenir pour responsable ?". Là encore, l'orateur a insisté sur la nécessité de mettre de l'éthique dans les systèmes d'intelligence artificielle. Et pour reboucler sur la protection des données privées et les libertés, il a rappelé que "les générations qui nous ont précédés ont sacrifié des millions de vies humaines lors des guerres sanglantes pour la liberté. Sommes-nous prêts à sacrifier celle-ci aujourd'hui au nom de la protection contre une hypothétique attaque terroriste ?" À cette question Donald Callahan répond non.
Intéressante aussi, l'intervention de ce colonel de gendarmerie, Éric Freyssinet, chef de la Mission Numérique de la Gendarmerie Nationale (MNGN), qui après avoir rappelé les fondamentaux de la mission de la gendarmerie a détaillé les menaces et les attaques que nous avons connues récemment, dont Wannacry. Et d'expliquer que si les cybercriminels s'adaptent aux nouvelles technologies, la gendarmerie aussi, au travers par exemple de nouveaux outils et de nouvelles applications, comme NeoGend, pour laquelle 65 000 terminaux seront déployés d'ici fin 2017, en plus des 10 000 déjà existants. Il s'agit d'un outil sur tablettes et smartphones permettant, par exemple, d'interroger les bases de données et de vérifier directement que le véhicule n'est pas répertorié au fichier des voitures volées, lors d'un contrôle.
Antoine Petit, PDG et président de l'INRIA (Institut National de Recherches en Informatique et Automatique) et président de l'IHEST (Institut des Hautes Études pour la Science et la Technologie), au travers de son allocution intitulée "le futur numérique sera ce que nous en ferons", est resté optimiste. Il a apporté sa contribution au thème de l'éthique en évoquant les "problèmes de société" engendré par le numérique et a déclaré que si "l'IA va supprimer des emplois, elle va aussi en créer de nombreux autres".
Philippe Bournhonesque, CTO d'IBM France
Dernier intervenant, Jean-Charles Samuelian, co-fondateur et CEO d'Alan, la première assurance santé numérique en Europe et première assurance indépendante agréée depuis 1986 en France, était aussi le seul représentant du monde des start-up dans ce panel. Dans une vie antérieure, il avait créé Expliseat, une société née en 2011 et qui propose des sièges d'avion de classe économique révolutionnaires. Depuis l'an dernier, il a changé de métier et s'attaque au monde de la mutuelle à la vitesse de l'éclair. Il a levé 12 millions d'euros fin 2016 et obtenu son agrément en huit mois seulement.
Les technologies constitutives de la "vague d'après" paraissent pour la plupart connues aujourd'hui et, si l'on en croit les différents intervenants à cette conférence, ne devraient pas poser de problèmes majeurs autres que ceux de leur développement et de leur adoption. En revanche, elles paraissent bien plus disruptives dans leurs aspects humains et sociétaux que celles que nous avons connues de par le passé. C'est dans ce domaine qu'il faut mener une vraie et profonde réflexion avant de les exploiter à corps perdu.
Benoît Herr
Les 5 lauréats des Trophées du Cloud
Chaque année, l'association Eurocloud met à l'honneur des organisations qui ont transformé les usages de leur entreprise ou de leur client à travers le cloud. Pour l'édition 2017, 11ème du nom, qui a eu lieu à l'issue de la "conférence des visionnaires", les Trophées du Cloud, attribués par un jury d'experts et d'entreprises utilisatrices présidé par Kareen Frascaria, 4 lauréats ont été dévoilé ainsi qu'un coup de cœur.
Catégorie meilleur cas client :
Nommés : Moskitos – Peugeot, Objectif Libre - France Université Numérique (FUN) et OpenDataSoft - Endetec Veolia
Le lauréat est Moskitos - Peugeot
Catégorie meilleur service d'accompagnement et de conseil vers le cloud :
Nommés : Apsia, Beamap et Cirruseo
Le lauréat est Beamap
Catégorie meilleure solution cloud
Nommés : Limonetik-EBRC, Tinubu et Toucan Toco
Le lauréat est Toucan Toco
Catégorie meilleure start-up :
Nommés : Blue DME, Cycloid, MaPUI et Sil Lab Innovations
Le lauréat est Cycloid
Trophée coup de cœur : MaPUI.
Le Jury a été séduit car il s'agit d'un bel exemple de ce que le cloud peut apporter aux bonnes idées : cette plate-forme d'échange de médicaments entre hôpitaux pour réduire le gaspillage peut ainsi être un outil facilement accessible, sécurisé et qui permet de générer facilement des données en temps réel, pour optimiser les stocks ou générer des statistiques et atteindre ses objectifs facilement.