À l'origine
Si l'on en croit Wikipedia – qui ne se trompe pas sur le sujet –, "l'origine des PGI se trouve dans les méthodes de planification des besoins en composants qui ont été développées dans le cadre d'un impératif d'intégration de plus en plus poussée des fonctions de gestion de l'entreprise. Dans les années 1960, Joseph Orlicky étudie le programme de production de Toyota et conçoit le Material Requirements Planning (MRP). Puis Oliver Wight et George Plossl mettent au point le MRP into manufacturing resource planning (MRP2)"
Se sont en effet succédé le MRP0 (pour Material Requirements Planning, c'est-à-dire planification des besoins matières), méthode de calcul des besoins matière mise au point en 1965, le MRP1, mis au point en 1971 puis le MRP2, mis au point en 1979, qui en plus du calcul des besoins nets en matières premières et composants, effectue une planification des lancements en tenant compte des capacités des ressources par période.
L'ERP trouve donc ses origines dans la fabrication industrielle. Et ce n'est qu'à partir des années 90 que le "M" de "MRP" a été remplacé par un "E" et que le MRP est devenu ERP, pour Enterprise Resource Planning, c'est-à-dire la planification des ressources non plus au niveau du seul atelier de production mais à l'échelle de l'ensemble des fonctions de l'entreprise, intégrant des pans applicatifs comme la gestion financière, la logistique, la gestion commerciale, le gestion des ressources humaines ou celle de l'après-vente. Le concept d'ERP repose essentiellement sur l'intégration des systèmes (d'où le terme de PGI ou Progiciel de Gestion Intégré, en Français) et sur l'exploitation d'une base de données unique et centralisée.
La situation actuelle
Dans les années 90 - début 2000, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes pour l'ERP, y compris avec les architectures client/serveur et ses principes de base n'étaient pas mis à mal : il dictait à l'entreprise la manière de gérer plutôt que l'inverse. Et les logiciels "best-of-breed" n'étaient plus en odeur de sainteté ; on ne pensait alors plus qu'intégration, intégration, pour le plus grand bonheur des éditeurs.
Depuis lors, la notion d'ERP a beaucoup évolué : de nouveaux concepts et de nouvelles applications sont arrivés, comme la Business Intelligence (BI), le CRM (Customer Relationship Management, ou gestion de la relation client) ou la gestion documentaire, de nouveaux pans applicatifs qui sont littéralement venus "graviter" autour du noyau de l'ERP. Là encore, les concepts fondamentaux de l'ERP n'ont pas été mis à mal, même si, dans le cas de la BI par exemple, il fallait bien souvent gérer des bases de données spécifiques, ou datawarehouses, en plus de la base de données centralisée de l'ERP. Mais le balancier du "tout intégré" était déjà en train de perdre son moment et de s'inverser.
L'ERP possède aussi ses revers : on dit souvent qu'on "ne peut pas être excellent partout". Cette maxime se vérifie pour les ERP, qui s'ils excellent dans un domaine, comme la gestion de production par exemple, seront beaucoup moins riches et performants en gestion financière ou en BI par exemple. À tel point qu'un certain nombre d'éditeurs ont renoncé à couvrir des pans applicatifs entiers, préférant nouer des partenariats avec les meilleurs dans tel ou tel domaine. D'autres se cherchent et proposent une solution incomplète voire dégradée jusqu'à ce qu'ils rachètent un acteur spécialiste du domaine considéré.
Où va-t-on ?
Bien sûr, il n'est plus dans l'air du temps de vouloir tout centraliser et intégrer : la nécessaire agilité qu'exige notre époque dessert considérablement les projets ERP, réputés – souvent à juste titre, il faut le dire – longs, lourds et onéreux. La tendance aux solutions dites "métiers", c'est-à-dire peu ou prou au pré-paramétrage spécifique d'un secteur d'activité d'une solution standard, ceci afin justement de simplifier et de raccourcir le processus d'implémentation. Elle est aussi à la suppression des silos et à la gestion transverse des processus.
Avec la complexification actuelle des SI, on est bien loin de la base de données centralisée et unique, concept fondateur de l'ERP. "En moyenne, on trouve 60 occurrences de chaque donnée dans une entreprise" remarquait Jean-François Marie, EMEA Product and Alliance Director chez NetApp, lors d'une récente table ronde du Club de la Presse informatique B2B sur le RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données) à propos du droit à l'oubli. Même si ce chiffre inclut les supports de sauvegarde successifs, il demeure impressionnant. Sans aller jusqu'à de tels extrêmes, il est clair que "l'occurrence unique d'une donnée dans une entreprise est une utopie", comme le soulignait Valérie Lourme, industry senior consultant chez Teradata, lors de la même table ronde. La base de données unique et centralisée de l'ERP a vécu ; il faut s'y résigner et s'y adapter.
Et puis est arrivé le cloud. Et avec lui la possibilité de mettre en place des architectures hybrides, c'est-à-dire que certains modules sont déployés on-premise, au sein de l'entreprise, et d'autres dans le cloud. Dans ce cas de figure, une synchronisation des bases de données est nécessaire. Sauf que... cette architecture ne séduit en réalité que 2 % des entreprises utilisatrices d'ERP, selon la dernière étude ERP du CXP (voir Étude ERP du CXP 2017), une tendance stable depuis trois éditions de cette étude. Quant au cloud tout court, qu'il soit public ou privé, il ne séduit toujours que 17 % des entreprises, selon la même étude, pour héberger leur ERP ; Certes, ce ratio progresse, mais l'ERP est à la traîne en matière d'adoption du cloud si on le compare à des applications comme le CRM ou les RH. Une adoption raisonnable et raisonnée, donc.
Les éditeurs ne sont pas en reste puisque malgré le faible taux d'adoption de ce mode de consommation, ils proposent pour la plupart des (ou leurs) solutions dans le cloud. Le leader, SAP, ne se présente d'ailleurs plus comme un éditeur d'ERP mais bien comme le champion du cloud, même si celui-ci est encore loin de représenter l'essentiel de ses revenus.
Autres tendances très actuelles : le Big Data et l'Intelligence Artificielle (IA). Cette dernière est de plus en plus intégrée dans les ERP, essentiellement sous la forme de chatbots, pour l'heure. Quant au Big Data, l'ERP l'intègre parfois, ou s'interface avec ses outils. Et puis il y a la mobilité, qui là encore est de plus en plus intégrée aux ERP sous forme d'Apps spécifiques. On est bien loin du MRP des origines.
L'ERP, cœur du SI des entreprises, évolue donc aussi et s'adapte à son environnement changeant et participe à la transformation numérique : c'est sans doute ce qui explique qu'IDC puisse avancer que le marché de l'ERP représente 25 % des dépenses en matière de logiciels dans l'Hexagone. Et même si la croissance moyenne de ce marché (3,5 % par an) est sans commune mesure avec d'autres domaines, sans doute plus "tendance", il devrait tout de même peser 3,54 milliards d'euros en 2020.
Benoît Herr