Et pourtant, aujourd'hui on est encore loin du compte : pour rappel, selon l'étude ERP du CXP 2017 (voir Étude ERP du CXP 2017), les ERP dans le cloud sont en progression de 2 % par rapport à l'édition 2016 de cette étude, à... 17 %... l'immense majorité des installations demeurant on-premise. Surtout dans l'industrie. Et, contre toute attente, surtout en PME. Il y a donc du chemin à parcourir avant d'être "tout cloud". Mais force est de constater qu'il y a un mouvement vers l'ERP dans le cloud : même s'il est lent, il demeure constant, d'autant que les entreprises n'ont souvent pas les moyens d'engager les dépenses d'investissement initiales nécessaires dans le cadre d'un projet ERP. Surtout en PME.

Un paysage changeant

Pour Patrice Barbedette, VP en charge des solutions de finance et de supply chain pour l'Europe du Sud chez Oracle, "le marché de l'ERP évolue et les utilisateurs cherchent à sortir des projets tunnel et en silos". Elles sont en effet de plus en plus réticentes à consacrer des ressources importantes à la mise en œuvre de projets ERP de grande envergure, préférant se concentrer sur leur cœur de métier. Il estime en outre que les évolutions s'accélèrent et constate que de nouveaux acteurs font leur apparition sur le marché. "Cela participe de la même logique que l'évolution que nous avons connue dans le domaine des RH", commente-t-il.

Patrice Barbedette, VP en charge des solutions de finance et de supply chain pour l'Europe du Sud, Oracle

"Dans ce contexte, le cloud est la réponse idéale, car il permet de mutualiser les ressources tout en bénéficiant de mises à jour automatiques. On s'évite ainsi les projets lourds", poursuit-il. "Orange, par exemple, a beaucoup gagné en agilité et en efficacité : ils ont beaucoup simplifié et réduit le nombre des tâches administratives et se sont débarrassés de centaines de programmes spécifiques, ce qui leur permet de déployer Oracle Cloud ERP dans d'autres pays". D'une façon générale, on est sur une logique de concentration de la donnée, de simplification et de rationalisation des processus, ce qui fait dire à notre interlocuteur que "les déploiement dans le cloud sont rapides, de l'ordre de 6 mois pour les projets complexes, de 6 semaines pour les projets simples. Des durées à comparer aux 2 à 3 ans que dure un projet classique".

Évoquant les nouvelles ventes, "90 % se font aujourd'hui dans le cloud", assure Patrice Barbedette, ce qui n'est pas forcément en contradiction avec les chiffres de l'étude CXP, car rappelons que le renouvellement des ERP est lent (54 % du parc est âgé de plus de huit ans et cet âge peut parfois être beaucoup plus élevé). "Nous avons un pipeline important et faisons plus de 100 % de croissance sur Cloud ERP, ce qui s'explique surtout par les attentes du marché". Et d'affirmer : "notre objectif à terme, c'est-à-dire à échéance 5 à 10 ans, est de faire passer tous nos clients dans le cloud". Pour l'heure, Patrice Barbedette estime que les principaux freins à l'adoption d'un ERP dans le cloud sont la prise de conscience du besoin de faire évoluer le back office. "Les freins techniques, notamment ceux liés aux aspects sécurité ou évolutivité, ont aujourd'hui disparu. En fait il n'existe plus tellement de freins. La question est plutôt de trouver le bon moment pour migrer dans le cloud : le déclencheur peut être l'acquisition d'une société, l'ouverture de filiales à l'étranger, le fait de s'équiper d'une nouvelle fonction... Mais le projet s'inscrit toujours dans la logique de l'entreprise et jamais dans une logique purement informatique".

JDE, Peoplesoft et consorts

Le 28 juillet 2016, Oracle annonçait le rachat de 100 % de Netsuite (la famille de Larry Ellison en détenait en fait déjà près de 40 %) pour 9,3 milliards de dollars, ce qui en faisait l'une des plus grosses opérations de rachat réalisées pour Oracle (cf. Oracle se paie Netsuite). Rappelons que ce pionnier de l'ERP dans le cloud fondé en 1998 générait alors un petit milliard de dollars de chiffre d'affaires annuel global (soit près de 10 fois moins que son prix de rachat), et qu'en France, avant le rachat, il existait un accord de distribution exclusive avec Capgemini et plus particulièrement Cloud ERP Solutions (CES), une filiale dédiée créée pour l'occasion et dirigée par Nicolas de Taeye(cf. Jusqu'où ira Netsuite en France ?).

Mais Patrice Barbedette semble n'avoir d'yeux que pour ERP Cloud et ne s'exprime pas spontanément à propos de Netsuite. "Netsuite est aussi une solution dans le cloud, mais elle ne s'adresse pas aux mêmes clients. Les deux offres sont donc complémentaires", explique-t-il. "Certains de nos clients passent d'ailleurs progressivement de Netsuite à ERP Cloud". Il affirme qu'il existe un certain nombre de projets Netsuite en France, mais notre interlocuteur ne souhaite pas citer les noms des entreprises concernées. Quant à la filiale CES de Capgemini, "nous avons depuis le début de l'été dernier récupéré toute la commercialisation de Netsuite en France. Le rôle de CES sera désormais de travailler en mode projet, c'est-à-dire dans une relation de partenariat classique".

Il y a aussi eu des précédents au rachat de Netsuite, et non des moindres, même s'il s'agit de produits ERP plus classiques car plus anciens, comme le rachat en cascade de JDEdwards par Peoplesoft en 2003, lui-même racheté par Oracle en 2005. Ces solutions vivent toujours leur vie propre et comptent toujours leurs utilisateurs, qui doivent avoir bien des interrogations quant à la pérennité de leur outil au vu de la politique "tout ERP Cloud" d'Oracle. Patrice Barbedette se veut rassurant à ce propos : "les produits classiques évoluent toujours, mais pas au même rythme que les solutions cloud. Nous y apportons cependant toujours de l'innovation".

Pour schématiser, Patrice Barbedette affirme qu'avec cette politique tout cloud "Oracle devient de plus en plus un fournisseur de services et de moins en moins un fournisseur de produits. Et c'est très apprécié des clients". Quand on lui répond que cette évolution est générale sur le marché, il estime qu'Oracle va plus loin sur le sujet que ses concurrents.

Benoît Herr