Toute information se rapportant à une personne physique identifiée ou identifiable est une donnée à caractère personnel. Autrement dit, sont concernés par le RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données) les noms, numéros de téléphone, identifiants en ligne etc. Sans oublier les données de vidéosurveillance, de géolocalisation ou encore les SIRH. Nul doute que le périmètre est vaste. Pour l'avocat Alain Bensoussan, le règlement est en fait une extension de la loi informatique et liberté française.
Les grands principes
Pour Alain Rosaz, président de la Ficime, "il est important d'initier immédiatement la démarche de mise en conformité au règlement européen afin d'adopter une posture informatique et liberté. Nos entreprises nous témoignent encore des difficultés d'appréhension et d'application de cette nouvelle réglementation. Avec ce guide de référence, nous souhaitons les aider à passer cette étape incontournable à la poursuite et au développement de leur activité".
Dans une première partie, le guide présente le champ d'application du RGPD : il précise notamment le périmètre géographique d'application, les personnes concernées dans l'entreprise par le traitement des données personnelles et liste les six grands principes à respecter lors de la collecte, du traitement et de la conservation des données :
La licéité, ou conformité au droit des traitements (lawfulness) : pour être mis en œuvre, un traitement doit avoir une des bases juridiques énoncées à l'article 6 du RGPD, par exemple le consentement de la personne, une obligation légale ou encore la sauvegarde des intérêts vitaux de la personne.
La finalité : c'est elle qui motive le traitement. Les données doivent être collectées dans un but bien précis, explicite et légitime, comme par exemple l'étude des curriculum vitae dans le cadre d'un recrutement.
La proportionnalité : les données doivent être adéquates, pertinentes et limitées et doivent n'être conservées que pendant une durée n'excédant pas celle nécessaire à la réalisation des finalités affichées. "Une fin de contrat, d'emprunt etc. implique donc la suppression des données à caractère personnel", précise Alain Bensoussan.
Protection dès la conception (Privacy by design) : la protection des données à caractère personnel doit être prise en compte dès la conception du logiciel ou de l'outil et mise en conformité tout au long du cycle de vie de celui-ci. Pour ce faire, une procédure et des outils appropriés doivent être mis en place.
La responsabilité, ou accountability: elle vise l'obligation de mettre en œuvre des mécanismes et des procédures internes permettant de démontrer le respect des règles de protection des données.
Enfin, le droit à la compréhension et à l'information se voient renforcés pour les personnes dont les données sont collectées : les informations sur les traitements doivent être communiquées de manière transparente, concise, compréhensible, en termes clairs et simples, et aisément accessibles.
La démarche
Le guide est un véritable outil de travail pratique : il propose une démarche de mise en conformité pour les entreprises, qui passe tout d'abord par la détermination d'un DPO (Data Protection Officer), ou délégué à la protection des données. Impliqué dans toutes les questions liées à la protection des données, il est l'interlocuteur des personnes concernées par le traitement, informe, conseille, mais contrôle aussi la conformité au RGPD et coopère avec l'autorité de contrôle. Il peut aussi être le pilote du projet. Mais en aucun cas il ne peut servir de bouc émissaire en cas de litige : "le responsable des traitements demeure l'entreprise", note Alain Bensoussan.
Alain Bensoussan, avocat (à G), et Alain Rosaz, président de la Ficime
Le guide propose ensuite une approche par fonction en mode projet de la démarche, qui est nécessairement transverse et concerne tous les acteurs de l'organisation, de la direction générale aux directions opérationnelles en passant par les directions administrative, des ressources humaines et bien sûr informatique. Pour chacune des directions concernées, il présente les différentes tâches à accomplir sous la forme d'un diagramme circulaire. Un code couleur identifie immédiatement les tâches transverses, communes à plusieurs directions, et les tâches spécifiques de la direction concernée.
Puis, après avoir défini une feuille de route, le guide détaille les principaux chantiers à mettre en œuvre, comme par exemple la gouvernance, le registre des traitements, l'analyse d'impact, mais aussi, et ce n'est pas le moindre, le droit à l'oubli.
Et demain ?
Le nombre, la complexité et l'ampleur des diverses tâches ne peut qu'engager une entreprise à se mettre tout de suite au travail, si ce n'est déjà fait. "La plupart des entreprises ont 40 ans de retard", constate Alain Bensoussan. " Elles font peu de choses au-delà des déclarations".
Compte-tenu du montant des amendes, qui change d'échelle (rappelons que là où l'on encourrait quelque 150 000 euros d'amende au maximum, avec le RGPD on passe à 20 M€ d'amende maximale ou 4 % du CA mondial de l'entreprise, le montant le plus élevé étant retenu), Alain Bensoussan estime que le nombre d'actions judiciaires va augmenter.
Il reste cependant circonspect quant à la conformité des entreprises, notamment françaises, dès le 25 mai. Et de rappeler que la CNIL prévoit des sanctions dès cette date et pourra, outre l'émission d'un avertissement ou la mise en demeure, limiter temporairement ou définitivement un traitement, suspendre les flux de données, mais aussi ordonner de satisfaire aux demandes d'exercice des droits des personnes, de rectifier, de limiter ou d'effacer des données. Et il vaut mieux ne pas compter sur un délai de grâce ou sur une tolérance en début de période d'application.
Alain Bensoussan conclut cependant sur une note optimiste : "le règlement est souvent présenté sous l'angle de ses sanctions, il est vrai, particulièrement dissuasives. Mais sa mise en application devrait aussi et surtout avoir un effet positif puisqu'il renforce les obligations de sécurité des entreprises, donnant ainsi à leurs clients l'assurance d'un niveau de protection accru pour le traitement de leurs données personnelles. Il permet, ce faisant, d'accroître également la confiance de ses partenaires et collaborateurs et de renforcer sa position concurrentielle".
Benoît Herr