Mi-janvier, le groupe Septeo, implanté en proche périphérie de Montpellier (Pérols) et positionné sur le marché des solutions à destination des avocats, des notaires et des professionnels de l'immobilier, a annoncé la reprise de 75 % du capital de l'éditeur Legal Suite, spécialisé dans les problématiques de pilotage juridique d'entreprise (ou ELM, Enterprise Legal Management). En intégrant une quatorzième société à son portefeuille, Septeo (885 salariés, environ 105 millions d'euros de chiffre d'affaires) se félicite d'abord d'"ajouter une branche significative à ses activités", selon les mots de Jean-Luc Boixel, son directeur général et cofondateur. Créé en 2000 et basé à Suresnes (Hauts-de-Seine), Legal Suite, qui emploie 69 salariés et a réalisé près de 10 millions d'euros de chiffre d'affaires, apporte en effet son expertise dans la gestion de l'ensemble des domaines d'intervention des directions juridiques : contrats, risques, conformité, contentieux, propriété intellectuelle, baux et immobilier, etc. Une expertise reconnue par le marché, puisque l'éditeur figure notamment dans le Magic Quadrant du cabinet Gartner dédié à l'ELM depuis plusieurs années, après son entrée en 2013.
Au-delà de la couverture fonctionnelle de l'offre, ce rachat va surtout permettre aux deux acteurs d'accélérer leur développement, dans une logique "gagnant-gagnant". "Après 18 ans de croissance autofinancée, l'opération est apparue pour Legal Suite comme une formidable opportunité pour devenir un acteur majeur sur son marché au plan mondial", explique Thierry Mallat, son directeur général et cofondateur. Le groupe Septeo entend quant à lui s'appuyer sur sa nouvelle entité pour "s'ouvrir à la fois au marché des grands comptes et à l'international", afin de s'installer parmi les ténors du logiciel. À en croire Patrick Deleau, son président-fondateur, Legal Suite compterait en effet "65 % du CAC 40" parmi ses 600 clients et réaliserait "30 % de son activité à l'international", en Europe, en Afrique, en Amérique du Nord et au Moyen-Orient. Jusqu'ici, Septeo disposait essentiellement d'une dizaine d'implantations à travers la France et en Belgique (Bruxelles, Liège), complétées par des équipes à Tunis (Tunisie) et Toronto (Canada).
Numéro un européen des "Legal tech"
En donnant d'ores et déjà naissance au numéro un européen sur le marché des "Legal tech" (technologies juridiques), avec plus de 950 salariés et 115 millions d'euros de chiffre d'affaires cumulé, le nouvel ensemble ambitionne de se hisser à la 5ème place mondiale d'ici à 2020. Avec 150 à 200 recrutements prévus, il espère d'ailleurs dépasser les 1 000 salariés et 130 millions d'euros de chiffre d'affaires dès cette année. Un déménagement du siège à Lattes, toujours à proximité de Montpellier, est d'ailleurs programmé avant l'été. Dans l'Hexagone, l'objectif est d'intégrer sous quatre ans le Top 10 des éditeurs français de logiciels. Dans la dernière édition du Top 250 (chiffres 2016) de Syntec Numérique et EY, Septeo était classé 28ème toutes catégories confondues et 17ème parmi les éditeurs sectoriels.
De G. à D. : Philippe Rivière, PDG et cofondateur de Septeo, Thierry Mallat, directeur général et cofondateur de Legal Suite, Patrick Deleau, président-fondateur de Legal Suite, et Jean-Luc Boixel, directeur général et cofondateur de Septeo
S'il constitue un virage majeur pour Septeo, ce nouveau rachat n'est qu'une étape supplémentaire dans son plan de développement stratégique. Un plan comportant "un volet de croissance organique basé sur l'excellence au service des clients et des opérations de croissance externes ciblées", couronné lors de la 25ème édition de la cérémonie du prix de l'Entrepreneur de l'Année pour le Grand Sud (Toulouse, Montpellier, Bordeaux), organisée par EY le 22 septembre dernier : le groupe s'y est distingué en s'imposant dans la catégorie "Vision stratégique". Mais qui est précisément Septeo ? Et pourquoi n'est-il pas davantage connu ? À ce déficit de notoriété, deux explications principales : un positionnement d'hyper-spécialiste, limitant sa visibilité à une fraction de clientèle, et une présence relativement récente sur le marché, au moins en termes de marque.
En effet, "en 2018, Septeo fêtera seulement son 5ème anniversaire", rappelle Philippe Rivière, son PDG et cofondateur, ajoutant aussitôt que "l'aventure a toutefois commencé il y a trois décennies, avec la création de GenApi en 1988, le premier éditeur français de logiciels pour les notaires". Après une longue période de démarrage et de montée en puissance, les acquisitions de Secib, CSid et Matilan, entre 2001 et 2007, puis la création de NCIS en 2010, ont permis de dépasser les 50 millions d'euros de chiffre d'affaires l'année suivante. Ont suivi les acquisitions des sociétés Ecostaff et Dwarf et la naissance de SPI (Solutions Pour l'Immobilier) par le rachat de Login, SGDI et GPI, durant l'année 2012. Pour enfin déboucher sur la constitution de Septeo, en 2013, pour regrouper l'ensemble.
Depuis, trois nouvelles sociétés sont venues grossir les rangs : RG System, rachetée en 2013, Azko, créée en 2014, et donc Legal Suite. Avec un certain succès puisque, "sur la période 'start-up' des cinq dernières années, le groupe a plus que doublé son chiffre d'affaires", se félicite Philippe Rivière. Par soucis de simplification et pour associer les activités par domaines, le groupe est aujourd'hui structuré en six "pôles" : notaires, avocats, immobilier, transition numérique (services et solutions de pilotage des systèmes d'information), entertainment (solutions pour l'industrie de l'animation), logiciels juridiques d'entreprise. Mais toujours dans une logique de mutualisation des moyens et des compétences. "Elle permet à chaque société du groupe de démultiplier sa capacité d'innovation et d'être à l'avant-garde des évolutions de chaque profession", insiste Jean-Luc Boixel.
120 développeurs, ingénieurs R&D et architectes
Renforcé par Legal Suite, Septeo entend accélérer en avançant dans quatre directions. Accroître sa visibilité internationale, d'abord, par une extension de sa couverture géographique. Le groupe ambitionne dans les prochaines années de se développer prioritairement en Amérique du Nord, en s'appuyant sur le bureau de Legal Suite à Los Angeles, ouvert en 2012, et en Europe. "En nous concentrant sur quelques grands marchés, nous avons négligé des pays comme l'Allemagne, l'Angleterre, l'Espagne ou l'Italie", reconnaît Jean-Luc Boixel, précisant que cela pourra passer par de nouvelles acquisitions ou de la croissance organique. "Nous souhaitons aussi nous intéresser davantage au Portugal ou à la Pologne, qui nous concernent à travers les filiales de certains de nos clients", ajoute Thierry Mallat.
Le nouveau siège de Septeo, à Lattes
Second volet de la stratégie, Septeo entend également dynamiser son approche commerciale, en favorisant le "cross-selling" par une mutualisation du back-office et des échanges d'informations. Le troisième axe de travail porte sur la poursuite de l'effort en matière d'amélioration de la qualité des produits, des services et de l'assistance. "Cela fait partie de l'ADN de Septeo et se traduit notamment par la certification ISO 9001 de plus de 80 % des activités du groupe", détaille Philippe Rivière. Enfin, le groupe restera focalisé sur l'innovation technologique, par exemple dans les domaines de l'intelligence artificielle, de la dématérialisation, de la blockchain, etc. "En plus d'une indépendance à l'égard des marchés financiers, notre stratégie s'appuie sur de forts investissements en innovation et une politique de recherche permanente, afin d'offrir le meilleur à nos clients", commente Jean-Luc Boixel, rappelant que Septeo dispose d'une force de plus de 120 développeurs, ingénieurs R&D et architectes logiciels. Après l'ouverture au monde juridique avec Legal Suite, des rapprochements avec d'autres éditeurs spécialisés sont-ils envisagés ? "Nous n'avons pas fini d'explorer les pistes, pour des solutions destinées à d'autres secteurs d'activité ou directions métiers dans les entreprises", se contente d'indiquer la nouvelle équipe de direction.
Thierry Parisot