On s'attendait à ce que l'arrivée de Netsuite en France à la fin de l'été 2015 bouleverse le paysage concurrentiel des ERP dans l'Hexagone (voir Netsuite arrive en France), d'autant que l'éditeur ambitionnait alors de devenir un leader de l'ERP en Europe, un exercice dans lequel la France est incontournable. Et il avait mis les moyens en nouant un partenariat exclusif avec Capgemini, qui a en la circonstance a créé une filiale dédiée appelée Cloud ERP Solutions (CES), placée sous la direction de l'un de ses vice-présidents, Nicolas de Taeye.
C'était compter sans le rachat de 100 % des parts de Netsuite par Oracle un an plus tard, à l'été 2016, pour 9,3 milliards de dollars, ce qui en a d'ailleurs fait l'une des plus grosses opérations de rachat de toute l'histoire d'Oracle (voir Oracle se paie Netsuite) alors même que les membres de la famille de Larry Ellison possédaient déjà 47,5 % de l'éditeur. Ce passage de l'ERP champion du cloud dans le giron d'Oracle a été une pierre dans le jardin de Capgemini, la stratégie d'Oracle s'en voyant évidemment fondamentalement bouleversée. En particulier, il n'était plus question de confier l'exclusivité de la distribution à un seul "Solution Provider", fut-il aussi prestigieux que Capgemini. Oracle a donc souhaité reprendre la main. C'est ce qui s'est produit en novembre 2017, un peu en catimini, avec le passage de CES dans le giron d'Oracle France, Capgemini se voyant de fait relégué au rang de simple Solution Provider, au même titre que ses confrères.
D'autres acteurs en embuscade
Oracle se trouve donc aujourd'hui en phase de recrutement de partenaires Netsuite en France, l'activité en subissant sinon un coup d'arrêt, un sérieux coup de frein. Ce qui fait bien l'affaire d'Audaxis. Basée à Braine l'Alleud, au sud de Bruxelles, cette ESN belge de quelque 150 collaborateurs pour un chiffre d'affaires annuel de l'ordre de 10 M€ fait depuis peu partie du groupe Contraste Europe, qui en a racheté 100 % des parts. Les anciens actionnaires de l'entreprise sont devenus actionnaires du groupe dans l'opération. Fournisseur de services informatiques, le groupe cible surtout les secteurs de la finance, des services, des institutions publiques et des organisations non marchandes. En incluant Audaxis, Contraste Europe génère quelque 45 M€ de chiffre d'affaires. L'ensemble est profitable et en croissance forte et continue.
Le métier de l'ERP est dans l'ADN d'Audaxis depuis da création. Au départ, elle intégrait du MFG/PRO, mais était surtout connue ces dernières années pour ses activités dans le monde de l'ERP Open Source, sur Compiere et Odoo (anciennement OpenERP et Tiny ERP) en particulier. Fin 2015, elle a rajouté une corde à son arc en devenant Solution Provider Netsuite pour la Belgique, le Luxembourg et la Suisse. Mais de France il n'était alors pas question et encore moins l'année d'après, lorsque CES bénéficiait de son contrat d'exclusivité. "Nous avons voulu modifier notre portefeuille de solutions pour nous éloigner d'Odoo, qui est trop orienté TPE alors qu'Audaxis est plutôt orienté PME", explique Bernard de Cannière, CEO d'Audaxis. "Nous avons alors mis en place un groupe de travail qui est arrivé à la conclusion que Netsuite, qui n'avait alors pas encore été racheté par Oracle, convenait à notre profil d'entreprise. Et suite au rachat de CES par Oracle, au mois de novembre dernier, l'exclusivité est tombée et nous avons pu obtenir le statut de Solution Provider également pour la France ".
La France qui représente une part importante de l'activité de la société, que Bernard de Cannière estime à de l'ordre d'un peu plus de 50 % du chiffre d'affaires. L'activité se concentre surtout sur les Hauts de France et en région parisienne. Avec Netsuite, l'objectif d'Audaxis est de devenir un acteur qui compte dans le monde du cloud et de poursuivre son investissement dans le déploiement de l'activité notamment auprès de secteurs tels que la distribution, les services aux entreprises et les acteurs de la nouvelle économie.
Qu'en est-il de l'Open Source
Audaxis a diversifié ses activités et s'est aussi lancée dans la Data Intelligence avec des partenaires comme Talend et Tibco Jaspersoft et dans le Web et la mobilité, avec des outils comme Drupal et Maps System. L'Open source n'a donc pas disparu du catalogue, loin s'en faut, puisqu'il "représente 60 % du chiffre d'affaires, aux dires de Bernard de Cannière.
Bernard de Cannière, CEO d'Audaxis
"En matière d'ERP, nous réservons l'Open Source soit aux entreprises qui ont fait le choix du libre, soit à celles qui ont des besoins de personnalisation importants. En revanche, nous préconisons Netsuite dans des secteurs comme les services, les éditeurs de logiciels, le retail et dans les sociétés qui sont en phase de 'scaling up', pour lesquelles une solution dans le cloud est particulièrement adaptée", poursuit le dirigeant.
Si l'agrément d'Audaxis pour la distribution de Netsuite en France est récent (voir Audaxis devient distributeur Netsuite en France), cela ne l'empêche pas d'avoir déjà mené des projets en tant qu'intégrateur dans l'Hexagone. Ainsi en est-il par exemple de la société Actility, un acteur qui monte très vite dans le monde de l'IoT, basé à Paris, dont le projet, commencé il y a plus d'un an, a été mené à bien depuis. Au total, Audaxis compte aujourd'hui six références Netsuite et "nous voulons en faire une dizaine en 2018", projette le dirigeant. Il affiche son optimisme au vu de la croissance enregistrée par sa société en 2017 et de la demande du marché. "Le marché n'est pas facile, mais reste soutenu", estime le CEO. "La demande d'évolutions est importante : les entreprises qui ont implémenté un ERP vers 2008 ou 2010 voient que depuis il y a des évolutions techniques importantes et le cloud a commencé à entrer dans les esprits. Le marché est en mutation".
Convaincu par la solution
Bernard de Cannière estime que les 40 000 organisations utilisatrices de Netsuite dans le monde sont un point très positif pour la pérennité et le développement de la solution. En outre, il entretient des relations avec l'équipe Netsuite d'Oracle qu'il qualifie de "très bonnes", même si dans la phase actuelle les acteurs ne sont pas encore très bien définis en France. "En Belgique, la situation est plus claire. Je pense que Netsuite a une longueur d'avance dans le cloud", insiste-t-il. "Nous avions pourtant été très courtisés par SAP lorsque nous étions à la recherche d'une solution cloud". Et s'il estime qu'il n'y a pas eu trop de battement suite au rachat, il "attend d'Oracle du support et du branding, c'est-à-dire une vraie attitude d'éditeur. Mais le rachat est encore un peu trop récent pour se faire une idée définitive".
Ayant rejoint Audaxis il y a trois ans et demi, Bernard de Cannière l'a fait avec deux convictions en tête : le virage cloud de l'entreprise et une évolution de l'actionnariat. Il semble bien que ces deux objectifs aient été atteints. Ne reste plus qu'à développer.
Benoît Herr