Pour Arnaud Rayrole, directeur général de Lecko, la transformation numérique est un phénomène rendant les entreprises plus agiles, qui offre de nouveaux modes de travail, disruptifs en général. L'enquête, dont l'objectif est de faire un point sur la nature des pratiques de collaboration, que ce soit avec les outils de l'entreprise ou avec ceux disponibles gratuitement sur Internet, a été étoffée pour cette dixième édition, car elle a porté sur 60 solutions collaboratives (contre 34 l'an passé) et sur un panel représentatif (en termes d'âge, de niveau d'encadrement, de territoire, de catégorie socio-professionelle) de collaborateurs travaillant dans des entreprises de plus de 5 000 personnes (37 entreprises). Au total, 15 personnes ont travaillé à cette étude, menée en partenariat avec la société d'étude de marché Yougov.
Premier enseignement : 83 % des personnes déclarent avoir des besoins en matière de collaboration (et subséquemment 17 % des collaborateurs déclarent ne pas avoir besoin de collaborer avec les autres...). " D'abord avec leur équipe, ensuite avec les autres collaborateurs de l'entreprise", précise Arnaud Rayrole. Autre constat, l'e-mail reste l'outil de collaboration archi-dominant (66 %), mais "ce ratio baisse au fil du temps", constate le DG. Et 20 % des collaborateurs s'appuient sur des outils de collaboration plus matures, qui permettent le partage de connaissances, la gestion de projets, la coproduction de contenus, etc. Il note une évolution des modes de communication, qui incluent "de plus en plus de chats, de plus en plus d’émoticônes et de vidéos".
Shadow IT et utilisation des équipements personnels
La moitié des utilisateurs (49 %) utilisent leur propre équipement au travail et 58 % des entreprises acceptent le principe du BYOD (Bring Your Own Device). Mais une bonne proportion des utilisateurs est en contradiction avec la politique de son entreprise : 28 % préfèrent ne pas utiliser leur équipement personnel alors même que leur entreprise l'accepte. Et 23 % des entreprises interdisent encore le BYOD tandis que 19 % le tolèrent tout en le déconseillant.
Arnaud Rayrole, directeur général de Lecko
Côté Shadow IT (pratique consistant à utiliser des solutions non administrée par la DSI, ce qui implique un danger potentiel), ce sont 67 % des collaborateurs qui utilisent un service de ce type. Parmi ceux-ci, 65 % utilisent un service de mise en réseau sur un cloud public de type Doodle ou Google. Chez Lecko, on juge la pratique plutôt positive et on estime que les solutions de Shadow IT sont de vraies alternatives crédibles : elles embarquent, à l'instar de Trello, Klaxoon, Evernote ou encore Appear.in des approches du "travailler autrement". Lecko souligne qu'il y a une différence entre utiliser Facebook sans que l'entreprise ne puisse administrer l'espace et rester propriétaire des contenus et utiliser des solutions comme Slack, Trello ou Evernote, qui même si elles sont achetées sans l'aval de la DSI, offrent une sécurité complète.
La démarche des grandes entreprises
Derrière des discours souvent volontaires des grandes entreprises du CAC40, on note des disparités importantes dans les actions engagées et les résultats obtenus. Jonathan Gracieux, directeur associé de Lecko, détaille les trois principaux niveaux de maturité par domaine : les entreprises qui mènent des actions de surface, celles qui mènent des actions de fond et enfin celles menant des actions soutenant une transformation durable.
Six secteurs de l'entreprise ont été analysés de l'étude : la DG, les métiers, les RH, la direction de l'innovation, celle de la communication et la DSI. Et de souligner les bonnes pratiques de certains, comme la DG de BNP Paribas, qui investit massivement dans la collaboration, la direction de la communication de Sanofi dans le domaine des interactions aves les patients, la DRH de Orange qui mène des réflexions avec les partenaires sociaux, la DSI de Schneider Electric, qui met en place des chatbots et de l'IoT, la direction de l'innovation du Crédit Agricole, qui a mis en place un incubateur de start-up et enfin les directions métiers d'Accor Hotels, qui impliquent les collaborateurs non connectée via StaffHub de Microsoft. Les démarches de cet ordre sont de nature à inspirer d'autres entreprises, qui ont encore des approches jugées trop superficielles par la société de conseil, eu égard à l'importance des enjeux et des budgets engagés.
Les solutions
Le marché reste très vivant : de nouveaux acteurs continuent d'émerger. Microsoft et Google restent cependant les deux acteurs dominants sur les fonctions de collaboration standards, mais une myriade de spécialistes proposent des expériences de collaboration qui surpassent les généralistes. Les acteurs français Elium, Exo Platform, Jamespot, Jalios, Lumapps, Powell365, Talkspirit et Whaller continuent de tracer leur voie dans ce marché mondialisé.
Schéma 1 : positionnement des acteurs en fonction des 3 axes de transformation (cliquez pour agrandir)
Le marché évolue suivant 3 axes de transformation : processus, transversalité et productivité (cf. schéma 1). La spécialisation est la clé trouvée par de nombreux éditeurs pour survivre dans un marché qui devient de plus en plus concurrentiel. Les généralistes, a contrario, sont de moins en moins nombreux. On y retrouve le dominant Office 365 et quelques autres acteurs qui adressent le marché de la collaboration d'une manière large. Les chatops (outils de collaboration qui connectent les personnes, les outils, les process et l'automation dans un flux transparent) comme Slack, Microsoft Teams, Stride, IBM Workplace) intègrent de plus en plus de solutions métiers. Les solutions de gestion des connaissances se rapprochent également du processus (Alfresco, Knowings...). Jalios se positionne sur le digital learning métier. La collaboration s'est historiquement développée via la transversalité pour casser les silos d'une organisation. Aujourd'hui, les acteurs spécialisés sur ce segment sont moins nombreux. La promesse de transversalisation est difficile à tenir. Les utilisateurs finaux recherchent des solutions à bénéfice direct pour leur métier ou leur organisation d'équipe. On y retrouve Workplace, Whaller ou encore Elium. Enfin, côté productivité, le marché est aujourd'hui foisonnant sur ce segment. Les chatops et applications de gestion de tâches en sont l'étendard. Les acteurs majeurs achètent ces technologies ou créent leurs propres applications. Les bénéfices collectifs sont apportés à court terme : le social permet de traiter la surinformation, la coordination des
activités.
Schéma 2 : potentiels sociaux des solutions (cliquez pour agrandir)
Lecko établit ensuite une matrice à quatre quartiers ressemblant fort à celles de Gartner, positionnant la richesse d'usages en abscisse, c'est-à-dire le potentiel de transformation, la richesse des fonctionnalités proposées et la largeur du périmètre adressé. En ordonnée on trouve la qualité d'expérience, c'est-à-dire le caractère facilitateur, lié à l'expérience utilisateur et la mise en scène des fonctionnalités. Le schéma 2 illustre les potentiels sociaux des différentes solutions listées, qui vise à évaluer leurs capacités et à la mettre en perspective par rapport à l'ensemble du marché. L'étude élabore une telle matrice dans de nombreux autres domaines, comme la mise en réseau (développement de l'entraide, de la co-innovation, du partage de veille et de l'engagement des utilisateurs), la communication d'entreprise (diffusion d'informations de référence, contextualisation de la communication, interaction des audiences, évènements et actualité de l'entreprise), la gestion des connaissances, la productivité individuelle et collective ou encore les processus métier.
L'étude complète, qui, si l'on en croit les dirigeants, mobilise de l'ordre de 20 % des ressources de l'entreprise, est téléchargeable gratuitement depuis le site de Lecko. À noter que la société propose également un certain nombre d'outils logiciels destinés à faciliter la transformation des organisations et va lancer une plate-forme gratuite, destinée à porter cette transformation. Enfin, pour la première fois, Lecko organise le 10 avril prochain au Cyclone Studio de Paris un événement baptisé Lecko In'Pulse Day, dans un format inédit à base de keynotes, d'ateliers et de "slow networking", destiné à impulser une culture collaborative et mettre en œuvre une démarche durable de transformation interne.
Benoît Herr