Installé en région grenobloise (à Eybens), Objectif-PI est éditeur et intégrateur d'ERP Open Source et se spécialise dans la gestion de production. La société a développé le progiciel Open-Prod à partir du noyau Open-Object (Odoo/OpenERP). "J'ai constaté que les SI de production étaient lourds à mettre en place, souvent complexes et difficilement adaptables. C'était très frustrant de ne pas pouvoir modifier facilement le système", note Raphaël Maudet, fondateur et directeur actuel de la société Objectif PI, qui, précisons-le, possède une expérience de plus de 10 ans des gros systèmes de production. "C'est pour cette raison que j'ai créé la société en 2009, avec comme objectif d'élaborer une solution souple et simple à mettre en œuvre pour l'industrie".
L'Open Source s'est ensuite imposé, non pas tant pour l'absence de coûts de licence, mais du fait de sa souplesse et de sa pérennité, surtout au vu des sempiternels rachats des éditeurs de produits commerciaux. "Dans le monde de l'industrie, habitué aux investissements importants, dans des machines-outils par exemple, la gratuité n'était pas le facteur essentiel", insiste Raphaël Maudet.
La phase initiale
En toute logique, l'équipe formée au sein de la jeune société est alors partie sur le framework Open-Object, "qui est très modulaire et souple, mais ne possédait pas toutes les fonctionnalités industrielles voulues", estime Raphaël Maudet. "Nous avons donc réécrit toutes les spécifications et redéveloppé toutes les briques pendant quelque deux ans, avec des méthodes agiles". L'équipe de développement comptait alors une dizaine de personnes et était financée sur fonds propres, une partie par un apport au capital, une autre via des activités de prestation annexes. "Un certain nombre d'industriels nous ont également soutenus dès le départ", s'enorgueillit le dirigeant, qui ajoute que tous les développements ont été faits en France. "Pour moi, il importe de conserver le travail en France. En outre, le développement en local permet aussi une meilleure maîtrise. C'est plus facile lorsque les gens ont la même culture".
Raphaël Maudet, fondateur et directeur d'Objectif PI
La méthode utilisée est Scrum, basée sur des itérations, ou "sprints", de quelques semaines. "Nous fonctionnons par sprints de 2 à 3 semaines et décomposons les tickets en 2 à 3 jours de développement, pas plus", explique Raphaël Maudet, qui se définit lui-même comme "plus technophile que commercial". Quant à l'architecture du produit, elle est basée sur trois éléments interconnectés et indépendants : le Modèle-Vue-Contrôleur (MVC).
Le produit résultant, baptisé Open-Prod, est très orienté gestion industrielle. "Nous ne faisons pas de e-commerce, par exemple, mais de la gestion de stocks, de la planification de production, de la gestion des achats et des ventes, de la gestion de niveaux illimités de gammes et nomenclatures de produits, de l'ordonnancement de production, et nous proposons des fonctionnalités avancées dans de nombreux domaines, comme de la gestion à l'affaire ou de la qualité par exemple", précise Raphaël Maudet, qui qualifie son produit "d'ERP de nouvelle génération", car il s'appuie sur des technologies récentes, 100 % objet, qui lui permettent d'être modulaire et évolutif. "Il est adapté aux nouveaux modes de consommation de l'informatique, qui tend à devenir de plus en plus une prestation de services et de moins en moins un investissement".
Le lancement
C'est en 2011 qu'Open-Prod a commencé à être diffusé, la société se rémunérant exclusivement avec les contrats de maintenance et ses prestations de services. Depuis, il a été enrichi au fur et à mesure, avec du reporting et de l'analytique basée sur Jaspersoft et Pentaho ou de l'EDI. "Aujourd'hui, il est relativement complet fonctionnellement et nous travaillons plus sur le collaboratif, qui devrait sortir en début d'année prochaine, et sur les applications mobiles, avec des technologies comme Google Ionic", ajoute Raphaël Maudet.
Open-prod est disponible en SaaS ou on-premise et peut aussi faire l'objet de développements spécifiques. En SaaS, Objectif-PI le propose surtout aux start-up, qui ne disposent pas forcément d'infrastructure, ou aux petites entreprises, jusqu'à 50 personnes. Les plus grosses sociétés préfèrent généralement le on-premise. Pour l'hébergement, l'entreprise a loué un certain nombre de serveurs dédiés chez OVH, où quelque 50 clients sont hébergés.
La distribution se fait surtout en indirect, au travers de partenaires, notamment locaux dans les différents pays où il est présent. Car, plus par opportunité que par stratégie, Open-Prod a dès 2013 été adopté par des sociétés étrangères : portugaises, marocaines, belges, mais aussi chinoises, américaines, canadiennes ou mexicaines. Le logiciel possède en effet différents modules de comptabilité (américaine, d'Europe de l'Est, Suisse etc.) et est disponible en Français, en Anglais et bientôt en Espagnol. "Mais certains de nos clients l'ont traduit eux-mêmes, grâce à un outil que nous avons créé, intégré automatisé, à base de pop-up, qui permet de changer tous les libellés. Ce système contribue énormément à l'adoption du logiciel", précise Raphaël Maudet.
Un exemple d'écran Open-Prod
En fait, la démarche commerciale d'Objectif-PI est très limitée : le bouche-à-oreille fonctionne à plein, le site Web faisant le reste, ce qui permet à Raphaël Maudet d'afficher un taux de transformation de ses prospects de 90 %. "Nous n'allons pas vraiment chercher les clients ; ce sont eux qui viennent à nous. De ce fait, lorsqu'ils nous contactent, ils sont déjà à moitié convaincus par la solution, ce qui explique ce taux de transformation très élevé". Quant à la concurrence, le dirigeant affirme qu'il n'en a pas dans le monde strictement Open Source. "Sinon, nous sommes souvent confrontés à Sage X3, à Microsoft Dynamics ou à Cegid Y2".
Les clients d'Objectif-PI œuvrent dans de nombreux secteurs allant de l'industrie plastique à l'électronique et aux semi-conducteurs en passant par le recyclage, les équipementiers automobile ou encore l'horlogerie et la joaillerie. "Ce sont des PME mais aussi des grands groupes industriels. La plupart comptent de 50 à 300-400 collaborateurs".
Aujourd'hui...
La version 2 d'Open-Prod est sortie en 2016, ce qui a permis à l'éditeur de réaliser une croissance de
30 % ces deux dernières années. Et l'estimation pour 2018 reste sur cette lancée. La société compte toujours une bonne dizaine de collaborateurs, pas plus. "Notre objectif est de maintenir le 'core model' et de faire du développement. Nous ne serons jamais 200", commente Raphaël Maudet. En termes de chiffre d'affaires, l'objectif 2018 est de dépasser la barre du million d'euros. "Nous sommes rentables et disposons de quasiment un an de trésorerie".
Un projet Open-Prod nécessite généralement entre 3 mois et un an, des délais qui sont fonction du périmètre fonctionnel mis en œuvre et du volume des développements spécifiques. Quant au périmètre budgétaire, il va de 30 000 euros (voire moins s'il s'agit d'une mise en œuvre en SaaS) à 200 000 euros. "Le budget moyen se situe entre 50 et 60 000 euros. Ça dépend beaucoup de la reprise de données", note notre interlocuteur. Car curieusement, il ne remplace un ERP existant que dans la moitié des cas. "Il reste encore beaucoup d'Excel dans les entreprises ! Et ce ne sont pas forcément les projets les plus simples", constate Raphaël Maudet.
... et demain
Même si l'entreprise va sans doute gonfler un peu ses effectifs pour atteindre les 20 ou 30 personnes dans quelques années, le principal objectif à l'heure actuelle est de développer le réseau de partenaires distributeurs et intégrateurs afin de se concentrer sur son métier d'éditeur. En termes de croissance, Raphaël Maudet entend rester sur la tendance actuelle de 30 % annuels pour les 4 à 5 prochaines années. "Pas au-delà, car il faut rester en mesure de maintenir la qualité de service. Notre philosophie, c'est d'y aller doucement mais sûrement", conclut-il.
Benoît Herr